Le 22 avril dernier, c’était le Jour de la Terre, et une grande marche avait été organisée dans les rues de Montréal. Je ne m’étais pas fabriqué d’affiche, je n’avais pas le visage peint en vert, mais j’y étais. Les gens qui me connaissent savent que je n’aime ni les foules, ni les slogans, ni les manifestations, mais j’y suis allé pour la seule bonne raison qui soit: pour faire plaisir à ma blonde. Son sourire reconnaissant valait la peine que je me déplace. Pour le reste, je suis peut-être trop cynique ou pessimiste, mais je n’ai pas l’impression que mon geste ait fait une différence, écologiquement parlant. Des citoyens ont marché dans les rues, et puis quoi?

Ça n’a semblé intéresser ni Stephen Harper ni Jean Charest. Les fleurs ne se sont pas mises à pousser sur les grands boulevards. Le panda est toujours en péril, et il n’est pas le seul: selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), au moins 19 000 autres espèces, animales ou végétales, sont menacées d’extinction. Je marche sur une terre battue, oserais-je dire, si j’aimais les slogans et les jeux de mots douteux.

Le bélouga est dans le trouble, les compagnies minières malmènent nos forêts, les grands glaciers des pôles fondent à vue d’oeil, et moi, je plisse les yeux pour tenter de voir si mon contenant de luzerne est recyclable avant de le déposer (ou pas) dans mon bac vert. En ayant cette impression que le geste est si infime qu’il ne sert à rien. Je me sens tout petit.

 

Et, parfois, il m’arrive d’être tanné. Tanné de me sentir coupable chaque fois que j’imprime un document ou que je prends des notes sur du papier. Tanné de revenir de la pharmacie avec les mains pleines parce que j’ai oublié mon sac réutilisable et que je me sens coupable de demander un sac de plastique. Mon shampoing pollue, je gaspille trop d’eau, les bananes que j’achète ne sont pas bios, je n’ai pas encore d’ampoules fluocompactes: je suis coupable de tout. J’ai parfois envie de m’organiser ma petite journée secrète Au diable la planète où, une fois par année, je consommerais sans réfléchir et je jetterais tous mes déchets à la poubelle sans sourciller. Mais il est trop tard; la culpabilité est devenue un mode de vie.

Pour me remonter le moral, je me permets d’être optimiste: l’arrogance des compagnies et leur je-m’en-foutisme quant à leur impact environnemental prendront fin un jour. Parce que des gens qui en ont marre des pollueurs et des gouvernements qui les tolèrent, il y en a de plus en plus. Parce que les individus font plus que recycler et composter chacun dans leur coin: à l’ère des médias sociaux, ils savent faire entendre leur indignation; et leur détermination à changer le cours des choses en incite d’autres à prendre part au mouvement. Je suis tout petit, mais pas seul.

 

 

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