Laissez-moi seule, S.V.P. Ne me parlez pas. Ne m’abordez pas. Ne me regardez même pas. Ne venez surtout pas vous assoir à ma table.

Je ne suis pas seule, vous le voyez bien. Je suis viscéralement indisponible, totalement absorbée… c’est l’évidence, non? Je suis dans un état d’extase qui ne s’interrompt sous aucun prétexte. En pleine communion. Et tant pis si vous ne comprenez pas. Car ce moment m’appartient. C’est ma parenthèse hors du temps, mon instant suspendu. Un coup de foudre qui ne se raconte pas. Qui se goûte.

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Elle n’est peut-être pas la plus belle à vos yeux. Non, elle n’a pas l’élégance et la finesse d’une vamp, mais elle possède l’authenticité de ceux qui n’ont plus rien à prouver. Elle a l’assurance d’une vieille dame qui s’assume envers et contre tous, qui n’en fait qu’à sa tête, qui fait un pied de nez au reste du monde. Oui, elle est ma préférence à moi, mon plaisir pas vraiment coupable: la poutine. Ma tendre, ma chère, c’est vrai que t’es pas jolie-jolie, mais laisse-moi te redonner tes épaulettes et quelques lettres de noblesse.

La poutine, c’est l’art, si délicat, de marier trois éléments. Sauce brune, fromage, patates. La recette de l’amour gras. Le mystère de la poutine parfaite, jamais résolu à ce jour, repose sur la symbiose de ces trois ingrédients. Ça semble facile, mais attention, il est souvent plus difficile de faire simple que de faire compliqué. Les grands acteurs affirment qu’il est plus ardu de faire rire que de faire pleurer. Cuisiner une vraie bonne poutine, c’est ça: accomplir un miracle avec presque rien. C’est l’énigme du sourire de Mona Lisa, le secret de la Caramilk, ce petit je-ne-sais-quoi qui fait qu’on cherche encore en 2013 LA meilleure poutine du Québec.

Vous me direz qu’il y a le foie gras poêlé, le risotto aux champignons sauvages, les pappardelles au canard confit, la soupe de topinambours à l’huile au peperoncino… Mais un foodie qui se respecte doit aussi savoir saliver devant cette bonne dose de gras trans. Si elle est efficace à 3 h du matin pour éponger les excès, si elle se décline en 46 versions différentes pour épater les touristes, la poutine ne dévoile pleinement ses charmes qu’au grand jour et en version classique, S.V.P. N’essayez pas de la déguiser en spaghetti sauce bolognaise, en hot chicken ou en pizza hawaïenne! Poutine, ma poutine, je t’aime toute nue, naturelle, à mon goût, sans lunettes de soleil et sans bijoux.

Mes meilleures poutines

  • Je voue aussi un véritable culte aux cantines de rang, aux casse-croûtes de bord de route, aux stands à patates de road trip. Alors, quand je conjugue cantine et poutine, le plaisir est à son paroxysme! Je pourrais vous en suggérer une dizaine, mais la cantine CHEZ BEN vaut le détour pour sa poutine, et pour ses propriétaires, qui sont des personnages hauts en couleur, de vrais maîtres conteurs. (599, rue Principale, Granby)
  • MAAMM BOLDUC a pignon sur rue depuis plus de 45 ans sur Le Plateau et elle a compris le secret du fameux mariage sauce-fromage-patates. Je ne me lasse pas de ses frites brunes maison, de sa sauce relevée et de son fromage en grains qui fait un vrai de vrai «squick squick» sous la dent. Qu’on se le dise, cette pataterie sert une des meilleures poutines de la métropole! (4351, av. De Lorimier, Montréal)
  • Parce qu’une poutine préparée avec du fromage frais du jour, fait sur place en plus, c’est vraiment dur à battre. La FROMAGERIE VICTORIA sert le top du top, la cerise sur le sundae, le nec plus ultra du fromage en grains dans chacune de ses créations. Mon verdict: miam! (101, rue de l’Aqueduc, Victoriaville)

 

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