Je vis dans la rue. J’ai une maison, bien sûr, mais je choisis toujours mes logis pour les avenues avoisinantes, la faune et la flore qui s’y trouvent. Mon quartier – l’est du Plateau- Mont-Royal – est un mélange de genres. À la fois industriel, résidentiel et commercial, il offre des milliers de combinaisons, de possibilités de rencontres qui stimulent l’imaginaire. En voici quelques-unes qui ont meublé mes derniers mois d’errance:

Le poète antiquaire Près de chez moi, il y avait un antiquaire pour qui vendre des meubles n’était qu’un prétexte pour réciter ses oeuvres les plus récentes. Ce Gaston Miron des années 2000 avait un poème pour toutes les occasions, une phrase coup-de-poing pour chaque saison. Quand j’allais y chiner, j’écoutais pendant une heure ses poignantes divagations. Mais comme les beaux mots ne font pas vendre, cet auteur du dimanche a dû plier bagage et trouver un autre lieu pour crier sa poésie à tous vents.

Le singe amateur de glace Dans mon quartier vit un singe, un vrai. Il s’appelle Ti-Gus, porte une couche, ressemble à Elvis sur le déclin et adore se pavaner sur les grands boulevards les soirs de canicule. Un jour, j’ai eu envie d’une glace. Et sur le parvis du maître glacier, j’ai eu la chance de laisser le bon temps rouler avec Ti-Gus, qui aime les petits plaisirs de l’été.

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L’homme à la tête de chou J’achète toujours mon café au même endroit. Un petit commerce qui survit on ne sait trop comment et qui est tenu par l’homme à la tête de chou. Il ressemble vaguement à Gainsbourg et raconte sa vie à quiconque lui demande une information. Il a une grande gueule, ne parle pas la langue de bois et a une opinion sur tout. Absolument tout. Aller chercher mon café est chaque fois un périple intense.

 

La madame fâchée Dans le restaurant le plus populaire de mon quartier, la patronne est toujours de mauvaise humeur. Ses clients sont prêts à attendre une heure à – 30° pour y manger les meilleures recettes du Moyen-Orient. Et la madame sait qu’elle n’a pas besoin de faire des bassesses pour les séduire. Elle traîne donc son air de boeuf avec panache. Elle me refuse un deuxième petit pot de confitures de pétales de rose parce qu’elle EXIGE que je goûte à une autre saveur. Elle ne me sourit pas quand j’entre. Ne me dit pas merci quand je pars. Mais j’y retourne autant pour les pétales de rose que pour son air bougon attachant.

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Les quartiers où j’aime me perdre

  • J’adore errer dans les rues bigarrées d’Hochelaga-Maisonneuve. Les personnages que j’y croise y sont surprenants. Le clash entre les nouvelles boutiques à la mode et les vieux commerces typiques y est savoureux! Oui, vous l’aurez deviné, j’aime les contrastes.
  • Griffintown est un quartier en pleine mutation. Les complexes immobiliers y poussent comme des champignons, mais l’architecture industrielle de l’époque de sa création y est encore omniprésente. Je suis chaque fois séduite par la rue Notre-Dame, le si romantique Canal de Lachine et le complexe d’art contemporain Arsenal, installé dans l’immeuble d’un ancien chantier naval.
  • Notre quartier chinois à Montréal est minuscule. Quelques pâtés de maisons tout au plus, dont on peut faire le tour en cinq minutes. Mais si on ouvre les yeux, c’est le dépaysement total: les codes, les sons et les couleurs sont différents. On est transporté à l’autre bout du monde.

 

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