Être Québécois, c’est (aussi) savoir survivre au chaos climatique. On passe des mois encabanés, emmitouflés, cachés sous une courtepointe pour mieux braver les intempéries. On vit en ermite, on recouvre chaque centimètre de son corps, on fait l’autruche pour ne pas voir le temps qu’il fait dehors. On devient fou aux premières lueurs du printemps, on se déshabille, on se rhabille, et ainsi de suite selon les aléas du thermomètre. Et si on ajoute à cela les changements climatiques, il y a de quoi devenir fou! Ce bordel météorologique nous pousse à passer chaque minute, chaque miette de seconde de l’été le nez dehors. On veut manger dehors, jaser dehors, refaire le monde dehors… Les terrasses deviennent le centre du monde et l’eldorado des Québécois.

Oui, je l’avoue, je fais partie de ces adeptes du plein air en pleine ville, de ces fous furieux qui courent après le travail pour profiter des derniers rayons de la journée entre amis. Sur la terrasse du Plan B, sur l’avenue du Mont-Royal, j’ai conçu je ne sais plus combien de projets d’émissions de télé que j’ai oubliés dès ma sortie du bar. J’ai écrit un nombre incalculable de débuts de romans inachevés dans le jardin fleuri du resto Auprès de ma blonde, rue Saint-Denis. J’ai tenté de régler tous les maux de coeur de mes amies en mal d’amour sur la terrasse en hauteur du Réservoir, rue Duluth…

 

 

Sur une terrasse, on est libre et euphorique, on baigne dans le monde de tous les possibles. Et peu importe si tout s’y perd et si rien ne s’y crée vraiment. Peu importe si on n’y lance que des paroles en l’air. Par un doux vent d’été, le visage détendu par la molle caresse du soleil, les dents exposées par un trop large sourire, le souvenir de la morsure de l’hiver disparaît… Ne reste que l’insoutenable légèreté de l’être, la magie de l’instant présent, et une chaleur palpable. Cette impression de flotter dans l’air du temps, l’espace d’un instant, nous donne le courage d’affronter les bourrasques qui suivront, inévitablement. Et ça, c’est beaucoup. Pas mal plus que le client en demande. C’est le pouvoir infini du Québécois qui se croit un instant dans les Tropiques.

 

TERRASSES D’ÉTÉ

Chez JOE BEEF, dans la Petite-Bourgogne, à Montréal, on s’installe confortablement dans le grand jardin arrière, et on oublie tout, même le fait qu’on est en pleine ville. J’y vais pour le bar à huîtres et l’ambiance de chalet de bord de mer. (2491, rue Notre-Dame Ouest)

Au SINGING GOAT CAFÉ, à Sherbrooke, sur la toute nouvelle terrasse, on profite de la brise et des concerts de l’organisme Jeunes musiciens du monde. (287, rue Galt Ouest)

On va au ICEHOUSE, à Montréal, pour la terrasse à la texane, la vue sur les passants pas pressés de la rue Roy, les pichets de limonade au bourbon et la cuisine du chef du restaurant Kitchenette. (51, rue Roy Est)

LE SACRILÈGE, à Québec, c’est une cour intérieure à l’abri des regards, une grotte à ciel ouvert où les soirées n’en finissent plus. Un classique, recommandé par le New York Times. (447, rue Saint-Jean)

CHEZ CHANTAL, à Pointe-au-Pic, c’est un vrai de vrai casse-croûte québécois, à quelques pas du quai, avec une vue imprenable sur le fleuve… Un pur plaisir de l’été, avec en prime la crème glacée molle du bar laitier! (95, rue du Quai)

 

 

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