Maman,

Sais-tu que nous sommes faits entièrement d’atomes? J’ai été créée par tes atomes qui, un jour, ont développé les milliards de milliards de milliards d’atomes qui me composent. Et connais-tu la théorie de l’intrication quantique? L’idée est que, même après leur séparation, deux atomes qui sont entrés en contact voient leurs destins à tout jamais liés, et ce, quelle que soit la distance qui les sépare.

Si l’on en croit cette théorie, nous serions en quelque sorte inséparables, indissociables l’une de l’autre. J’en arrive à l’hypothèse que le seul dieu qui existe est une déesse. Elle a autant de visages qu’il y a de mères. Elle vit dans chacune de mes particules et, plus concrètement, fait la meilleure sauce à spaghetti du monde.

Maman, divinité blonde aux yeux clairs et lumineux, genèse de ma mythologie intime, quelle chance j’ai d’être ton enfant. Mère amazone, à mes yeux habitée d’aucune peur et de si peu de défauts. Toi, enjouée et dévouée, secrète et délicate, tu as les traits de Julie Andrews et des airs de la somptueuse Anna Karina. Petite fille de la campagne, tu es belle comme la lumière de l’île d’Orléans et profonde comme ses nuits.

Sais-tu, maman, que la majorité des conseils que je prodigue à mes amis commencent par: «Ma mère m’a déjà dit…» Dès lors, un silence solennel occupe l’espace, et les regards s’animent d’un espoir certain. Tu as beau être ma mère, parfois, le temps d’un avis, tu deviens pour mes amis la maman qu’ils auraient aimé avoir. Ta vision du monde est si mesurée qu’elle les aide à traverser les obstacles intimes de leur vie.

Sais-tu que, plus les années passent, plus j’entends: «C’est incroyable comme tu ressembles à ta mère.» En me regardant dans la glace, je reconnais que mes traits se transforment petit à petit pour prendre la forme des tiens. Je me surprends à réagir comme toi et à imiter les expressions de ton visage. Je m’approprie tes gestes et ton sourire. Comme nombre de mes copines, doucement je deviens le miroir de la femme qui m’a protégée du monde extérieur tout en m’apprenant à l’affronter.

Je me dis que, peut-être, je deviens toi pour que tu existes en moi, au-delà du temps qui passe et qui, un jour, me délestera de ton existence. Parce que, sinon, comment vivre sans m’égarer, privée de ton indispensable présence? Je tente de ne jamais y songer, tant ton absence me semble intolérable.

Est-ce pour cela que tu m’as enseigné sans relâche, lorsque j’étais petite et que je manquais cruellement d’assurance, qu’une fille devait apprendre à se débrouiller seule, à s’exprimer, à être courageuse et, surtout, «à prendre sa place»?

Merci de veiller sur moi sans compter, de me couvrir de ton amour maternel. Cet amour est mystique, dit-on, il unit dans l’imperceptible. Moi, je pense qu’il préserve l’humanité. Ne serait-ce que pour cela, vous, les mères, telles des déesses, êtes ce qu’on appelle l’éternité.

Monia