À en croire les titres sensationnalistes des journaux, les adolescentes seraient partouzardes, égocentriques, blasées, impolies, superficielles, incapables de s’exprimer autrement que par onomatopées, quasi analphabètes et dotées d’une fonction supplémentaire aux pouces qui leur permet de texter plus vite… Ah oui? Et si nous avions d’elles une vision légèrement déformée? Car il faut bien l’avouer, l’adolescence nous a toujours fait un peu paniquer, nous, les adultes. Comme si l’énergie folle qui l’accompagne était si instable qu’elle en devenait inquiétante. Comme si nous avions gommé tout souvenir de notre propre puberté, avec ce qu’elle comportait de mystérieux, d’effrayant, d’exaltant ou de violent.

Cette incompréhension ne date pas d’hier: au 19e siècle déjà, Émile Durkheim, le fondateur de la sociologie moderne, écrivait que «l’appétit sexuel de l’adolescent le porte à la violence, à la brutalité, voire au sadisme. Il a le goût du viol et du sang.» Charmant. Il est vrai que le cerveau d’un ado, en constante évolution, est différent de celui d’un adulte. Les recherches le prouvent: de la 12e à la 25e année de la vie d’un être humain, le cerveau ne grossit presque pas. Il se réorganise, du tout au tout. Avec le temps, les adolescents apprennent à devenir moins impulsifs et plus pragmatiques, moins narcissiques et plus altruistes, moins casse-cous et plus réfléchis… dans le meilleur des cas. Bref, ils mûrissent.

Pour mieux comprendre les jeunes filles issues de la génération C (voir explication ci-contre), et aller au-delà des idées reçues et des clichés, nous avons voulu leur donner la parole. Nous avons donc sondé 943 adolescentes âgées de 13 à 17 ans, au moyen de notre site Web, et de ceux de VRAK.TV et de KWAD9. À quoi rêvent-elles, que désirent-elles, comment voient-elles la condition féminine? Voilà quelques-unes des (vastes) questions qu’on leur a posées. Pour quoi faire? Parce qu’il serait faux, et triste, de réduire les adolescentes à une simple enfilade de statistiques parfois alarmistes. Parce qu’elles ont des rêves plein la tête, et que c’est tant mieux. Et puis, parce que les filles d’aujourd’hui deviendront les femmes qui façonneront notre société de demain. À elles de parler.

 

Le meilleur des mondes

Nées entre 1995 et 1999, les adolescentes d’aujourd’hui n’imagineraient probablement pas évoluer dans un monde sans Internet ni faire leurs travaux d’école sans Wikipédia. Avec leurs contemporains, elles font partie de ce qu’on appelle la génération C, pour «communiquer, collaborer et créer du contenu». Pas étonnant qu’elles passent leur temps à vivre virtuellement au bout de leurs souris, à écouter de la musique en ligne, à documenter leur existence entière en photos ou à écrire sur leur propre blogue! Encore plus calées en matière de nouvelles technologies que leurs consoeurs plus âgées de la génération Y, les adolescentes C en connaissent un rayon sur les réseaux sociaux, et, par extension… sur le marketing.

Quand elles aiment une marque, elles en parlent, cliquent généreusement sur le bouton «Like» et se chargent de répandre la bonne nouvelle auprès de leurs amies: voilà, pour l’essentiel, comment les décrit une experte du buzz dans un article publié sur le site spécialisé en marketing iMedia Connection. Une récente enquête du CEFRIO (Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations), qui sondait les jeunes Québécois de 12 à 17 ans, confirme la chose: selon cette étude, 60 % des ados disent se fier à l’avis d’amis ou de connaissances quand ils magasinent un produit, alors que seulement 23 % font davantage confiance aux médias traditionnels. Une manne pour les publicitaires! Ces derniers n’hésitent d’ailleurs pas à adapter leurs techniques de vente à cette génération qui se méfie peu de la pub. Dorénavant, les jeunes ayant de l’influence auprès d’une communauté virtuelle sont vite repérés par les experts en marketing, qui offrent ensuite de les commanditer en les couvrant… de cadeaux. Voilà qui donne un peu froid dans le dos.

 

«90 % des jeunes filles sondées trouvent normal de payer pour un magazine en version papier.»

 

Une vie branchée

Facebook est peut-être la nouvelle religion des ados, mais certaines jeunes filles sont plus pratiquantes que d’autres. «Moi, j’y vais le plus possible! Ça m’aide à rester en contact avec des amis éloignés», explique Louisa, une vraie convertie, tout comme Marie-Hélène, 13 ans, qui se connecte du souper au coucher (et subtilement, pendant notre entrevue!). Notre sondage l’indique aussi: 66,1 % des filles déclarent que les réseaux sociaux sont l’activité qui retient le plus leur attention sur le Web. D’ailleurs, les nouveaux outils de communication font déjà l’objet de nombreuses disputes familiales, admettent certaines ados. «Mes parents m’ont déjà enlevé mon cellulaire pour un temps parce que je n’arrivais pas à m’en passer!» raconte Francesca, une Montréalaise d’origine haïtienne, fana de mode. «Des fois, ma mère me parle, et je texte en même temps. Elle n’aime pas ça.» Francesca n’est pas la seule à ne faire qu’un avec son téléphone portable: 57,7 % des filles de 13 à 17 ans que nous avons interrogées répondent qu’elles en possèdent un et disent s’en servir en grande majorité pour… texter. Certains clichés ont du vrai!

 

«Lorsqu’un sujet intéresse les ados, la source de renseignements la plus fiable, c’est… Google, selon 60 % d’entre elles. Vient ensuite la télé, selon 9 %.»

 

Vive la famille!

Si, dans les années 1960 ou 1970, nous avions demandé à des jeunes filles de 16 ans de nous décrire la relation qu’elles entretenaient avec leurs parents, parions que les réponses n’auraient pas été jolies à entendre. Elles auraient sans doute trouvé leurs aînés réactionnaires, autoritaires, bourgeois… En 2012, c’est une tout autre affaire. Couvées, protégées, choyées, les adolescentes d’aujourd’hui sont loin d’être des rebelles. Plus de la moitié d’entre elles affirment très bien s’entendre avec leurs géniteurs. 26,2 % tiennent cependant des propos plus ambivalents, disant que leurs relations varient selon les jours, et à peine 5,8 % allèguent avoir des rapports familiaux plus difficiles. Une étude du magazine Time abonde dans le sens de notre sondage. En 2005, le magazine a sondé 500 jeunes de 13 ans. La majorité d’entre eux ont affirmé que leurs parents étaient très impliqués dans leur vie, et plus de la moitié ont décrit leurs rapports avec eux comme excellents.

 

Des rêves plein la tête

À l’ère de la téléréalité et de la célébrité instantanée, quelles ambitions nourrissent nos ados? Salomé, elle, rêve de paysages exotiques. «Je veux voyager partout, pour pouvoir me sentir libre et découvrir le monde.» D’autres adolescentes interviewées aspirent plutôt à avoir une profession passionnante: chanteuse, psychologue, biochimiste et même… bouchère. Lorie-Maude, qui veut travailler dans le domaine de la santé, fantasme quant à elle sur le bonheur avec un grand B. «Je veux simplement réussir ma vie! Avoir un travail que j’aime, une maison, des enfants…» Notre sondage révèle qu’elle est loin d’être la seule: les jeunes filles ne désirent pas tant exercer une profession créative (15,1 %), gagner beaucoup d’argent (13,8 %), contribuer à améliorer la société (13,7 %) ou devenir célèbres (11,8 %), que mener une existence équilibrée: 40,2 % d’entre elles confient en effet rêver d’une bonne qualité de vie, peu importe le métier qu’elles pratiqueront. Peut-être ont-elles tiré des leçons du quotidien surchargé de leurs parents?

 

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