Je serai toujours à cheval sur ma langue. Dans ma ville, mon pays, à l’écrit et à l’oral, dans ma vie quotidienne comme en politique. Je suis franco de corps et d’esprit. Je suis née d’une mère québécoise et d’un père roumain qui a choisi de faire sa vie en français. Je n’aime pas savoir qu’il y a des gens qui, même après des années en Amérique francophone, ne parlent pas la langue de Vigneault. Et aujourd’hui, j’ai mal à ma langue. Mais, cette fois, ce n’est pas parce qu’elle n’est pas assez défendue ou répandue… Je suis sans mot devant ceux qui condamnent le métissage, au nom de l’amour du français.

Je vis dans une métropole où, la plupart du temps, les différences sont acceptées. Où, la plupart du temps, Arabes, Anglos, Francos, Latinos, Africains, Juifs, Chinois, Slaves vivent bien ensemble. Je me trouve chanceuse d’être née dans un coin du monde qui est fier de sa culture, de sa langue, mais de façon inclusive et ouverte. La plupart du temps. Car ici, on aime le mélange des genres au resto, en taxi, dans cette boutique qui est tellement exotique, mais quand on se rend compte que l’hybridation teinte aussi notre culture, notre création, on se braque. Et c’est là que le bât blesse.

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Je suis étourdie par les mots durs que j’entends de plus en plus sur Radio Radio (qui fait dans la chanson chiac), sur Arcade Fire (qui, selon plusieurs, n’est pas un groupe québécois, parce que ses membres sont anglos), sur les Dead Obies (qui intègrent l’anglais à leur rap en français), sur la nouvelle génération d’artistes d’ici qui passerait à tabac le langage de Leclerc sans aucun scrupule.

Moi, ce que j’entends, c’est une jeunesse qui s’assume. Qui n’a plus peur de l’autre. Qui peut embrasser sa francophonie, tout en étant de son époque. Qui est aussi fière de sa langue, mais qui ne sent plus le besoin d’exclure les autres pour exister. Je trouve ça pas mal beau que la langue parlée par tant d’Acadiens puisse avoir une tribune sur les ondes de nos radios, que des musiciens américains déménagent à Montréal parce que notre culture les inspire, que de jeunes rappeurs mi-anglos mi-francos de la Rive-Sud choisissent le français pour chanter, en y saupoudrant des touches d’anglais qui leur ressemblent. Ils sont notre miroir, comme l’a été Michel Tremblay en écrivant en joual dans les années 1960. Et un miroir, parfois, ça choque.

Je vais peut-être vous étonner… mais ces artistes hybrides écrivent bien, s’expriment bien et sont cultivés. Ils portent notre culture autrement, mais avec beaucoup de panache.

Parce que créer en français, en colorant ses oeuvres d’autres réalités linguistiques, ce n’est pas une tare, c’est une richesse.

Mes bonnes adresses franco-canadiennes

  • CHEZ LUCIEN, c’est mon repaire franco à Ottawa. Dans ce bistrot, le juke-box balance des aires de Julien Clerc, d’Édith Piaf, de Jacques Brel jusqu’aux petites heures du matin… (137, rue Murray)
  • Quand je bosse à Winnipeg et que je veux découvrir des musiciens locaux suprenants, je vais au GARAGE CAFÉ. C’est LE bar-spectacles alternatif de Saint-Boniface, le quartier français. (166, boul. Provencher)
  • Les vrais bons cafés français ne courent pas les rues à Vancouver. Le CAFÉ RÉGALADE est un lieu de rassemblement pour tous les amateurs de brunchs à la française. La french touch! (2836 West 4th Avenue, caferegalade.com)

 

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