Écrire est pour moi une activité facile. Comprenez-moi bien: rédiger un BON texte n’est jamais simple, mais l’acte d’aligner des beaux mots sur une feuille blanche est naturel pour moi. J’ai souvent eu des bonnes notes à l’école grâce à des textes bâclés, mais qui en mettaient plein la vue avec des métaphores et des allégories. C’était un atout très, très pratique pour l’étudiante fougueuse, et parfois paresseuse, que j’étais. Mais un jour, ô malheur, mon arme à double tranchant s’est retournée contre moi. Un prof m’a démasquée.
Voici le récit de mon (dur) apprentissage de l’écriture.

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Quelque part dans les années 1990. Je suis des cours de création littéraire à l’université. L’un d’eux est donné par André Vanasse, directeur aux éditions XYZ, un vrai spécialiste de la nouvelle littéraire. Dès le début de la session, monsieur le professeur nous demande d’écrire une nouvelle. Pfff… Facile. J’ai la prétention de la jeunesse, et c’est avec toute la confiance du monde que je déclame, le cours suivant, ma création devant la classe. Monsieur le professeur se lève. Silence. Alors que j’attends mon triomphe, il lance: «Catherine sait écrire. Mais derrière ce grand déversement de beaux mots, qu’est-ce qu’il y a? Rien. Mademoiselle Pogonat, la prochaine fois, faites moins de figures de style et racontez-nous une histoire.»

Ouf. Mon orgueil prend une claque en pleine gueule. Je veux porter plainte pour atteinte à ma réputation. J’ai des fantasmes de manifestations spontanées et de putsch étudiant. Et puis, je décide de jouer le jeu. Jusqu’au bout. J’écris une aventure rocambolesque, pleine de rebondissements, mais dénuée de tout style. Pas de fioritures, pas de mots qui sonnent et qui résonnent. Juste un bon récit, présenté platement. Fin renard, monsieur le professeur ne manque pas de remarquer mon stratagème. Après la présentation de ma deuxième nouvelle, il me balance: «Catherine a voulu nous prouver qu’elle pouvait écrire une histoire, sans la masquer sous des effets de style. Bravo, c’est réussi. Mais elle a volontairement écrit un texte ennuyeux à mourir. La prochaine fois, essayez donc de trouver votre équilibre entre fond et forme.»

 

Aïe! Douleur. Une épée plantée dans mon coeur de rockeur. Oui, c’est la guerre, et je ne peux, ne veux pas perdre la bataille. Je ravale donc mon égo d’auteure fraîchement blessée et je retrousse mes manches. Le cours suivant, j’arrive la tête un peu plus basse, les yeux un peu plus inquiets. Avec dans mes mains un texte sur lequel j’ai planché des jours et des nuits. Après ma lecture chevrotante, monsieur Vanasse se lève et… applaudit. Il m’annonce haut et fort qu’il va publier mon récit dans le prochain numéro de sa revue littéraire.
J’ai toujours aimé écrire. Mais encore aujourd’hui, je dois me rappeler quotidiennement cette énorme leçon de vie et de création. Monsieur le professeur, il y a un peu, beaucoup de vous dans cette chronique.

 

CARNET D’ÉCRITURE

Des auteurs qui me donnent envie d’écrire mieux:

MICHAEL STIPE, chanteur et parolier du groupe R.E.M., a lui aussi donné dans le texte ambigu et dans la métaphore énigmatique… mais avec tellement de talent!

ANDRÉ BRETON, un auteur surréaliste qui savait mettre le mot juste sur chaque chose.

ALICE MUNRO, celle qui possède, peut-être mieux que quiconque, le secret de la parfaite nouvelle littéraire.

 

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