Bruno se mêle de tout, Annie cherche toujours l’attention du patron et Yves contamine toute l’équipe avec son stress mal canalisé? Vous êtes peut-être en présence de collègues toxiques. L’expression largement popularisée par le psychologue américain Peter J. Frost est parlante, puisque certains collègues enveniment carrément l’ambiance de travail.

Le b-a-ba du travail d’équipe

« Travailler en équipe requiert plusieurs ajustements », souligne Éveline Marcil-Denault, psychologue organisationnelle et consultante pour PRDSA; ajustement à son rôle professionnel, à la dynamique de l’équipe et aussi dans ses communications interpersonnelles. «Mais on n’a pas tous la même facilité à s’adapter », précise-t-elle.

Et on ne choisi pas ses collègues. Dans ces circonstances, comment maintenir une saine atmosphère de travail si l’un d’entre eux nous paraît particulièrement insupportable? « D’abord, il ne faut pas supposer que la personne qui nous agace le fait nécessairement consciemment », rappelle Éveline Marcil-Denault.

Ravaler sa frustration ne règle cependant rien, car une petite difficulté pourrait dégénérer en guerre ouverte, voire en harcèlement. « La culture de l’évitement de conflits est tellement présente au Québec qu’on n’ose plus aborder les problèmes », souligne Estelle Morin, professeure titulaire aux HEC et psychologue. Inutile de laisser traîner les situations irritantes: on aborde le problème… avec doigté!

 

Qui sont ces collègues toxiques?

Le dénigrant

C’est le collègue « je sais tout » qui a la critique facile et a toujours quelque chose à redire sur notre travail: « ah bon, tu as fait ça comme ça? Moi, j’aurais procédé autrement ». « C’est très invalidant et ça brime notre confiance et notre besoin de compétence au travail », souligne Jacques Forest, psychologue organisationnel et professeur à l’école des sciences de la gestion de l’UQAM. Avec ce collègue, on se tient à distance. Tout en le remerciant pour ses conseils, on n’hésite pas à lui demander de respecter nos choix et on exprime notre inconfort face à son intrusion.

Le nonchalant

Toujours en retard dans ses échéances, ce collègue délègue et évite de faire le travail. Toutes les raisons semblent bonnes pour ne pas accomplir une tâche et, par-dessus tout, ce n’est jamais de sa faute! La frustration va grandissante pour le reste de l’équipe, qui se retrouve surchargée. Pour Jacques Forest, il faut recentrer le problème sur les tâches afin d’éviter qu’il ne devienne personnel. « On prend le temps de redéfinir les rôles: qui fait quoi, quelles sont les échéances, etc. De cette façon, on pourra rappeler au collègue que sa part de l’entente n’a pas été respectée. » Il faut surtout éviter de faire le travail de l’autre, sans quoi ça risque de venir allonger la section « toute autre tâche connexe » de notre contrat!

L’opportuniste

Il vise la vice-présidence, ça se sent à des kilomètres à la ronde! Il fraternise uniquement avec les patrons et regarde ses collègues de haut, en prenant soin de noter leurs faits et gestes: ça pourrait servir sa carrière! Sous son allure confiante, il cache souvent une faible estime de lui-même. « Il ne faut surtout pas entrer dans son jeu et se mettre en compétition avec lui », souligne Estelle Morin. Même si ce n’est pas tentant, on essaie de souligner ses bons coups en équipe, afin de lui signifier que la reconnaissance peut aussi venir de ses pairs.

Le perfectionniste

« Le diable est dans les détails » et ce collègue est la parfaite incarnation de cette expression. Méticuleux, perfectionniste à l’extrême, il prend tellement de temps pour accomplir une tâche qu’il met en péril le travail de l’ensemble de l’équipe. Et il refuse l’aide, car lui seul peut mener à bien les tâches qui lui sont confiées. Que faire? Rien ne sert de le brusquer, ça risque d’empirer les choses. « On respecte le besoin d’organisation du collègue et on prévoit le travail pour éviter de le surprendre », suggère Jacques Forest. Au besoin, on y va de critiques précises et ciblées. On s’arrange pour que ce défaut devienne une qualité en lui confiant des tâches qui nécessitent minutie et patience.

L’exubérant

Ses histoires sont toujours plus drôles que celles des autres, l’étage tout entier connaît ses bons coups et il prend la scène même quand personne ne l’y a convié. Divertissant à petite dose, ce type de collègue peut rapidement devenir épuisant! On perd du temps à écouter ses histoires, on prend du retard, bref, ça devient exaspérant! « On s’arrange pour lui laisser la scène quand c’est approprié, par exemple pour organiser le party de bureau », suggère Estelle Morin. Et on lui accorde une réelle attention lorsqu’il a un comportement « normal » plutôt qu’excessif.

Et les bons collègues?

Heureusement, il n’y a pas que des éléments irritants dans une équipe de travail! Certaines personnes contribuent naturellement à créer un climat positif dans l’équipe. « Ils ont une bonne capacité d’adaptation. Ils sont capables de reconnaître leurs bons coups comme leurs mauvais, et ils font preuve d’humilité », souligne Éveline Marcil-Denault. Ces collègues sont aussi capables de s’excuser et de remercier et ils offrent souvent de bons conseils. On essaie de s’entourer de ces éléments positifs lorsqu’on a besoin de ventiler, ils sauront nous guider avec finesse plutôt qu’alimenter notre frustration.

« Il faut toujours garder en tête qu’on peut tous être le collègue toxique de quelqu’un », rappelle Éveline Marcil-Denault. Une manière de relativiser quand Bob nous raconte pour la 20e fois son week-end de pêche!
Suggestion de lecture:

Comment gérer les personnalités difficiles, François Lelord et Christophe André, Éditions Odile Jacob, 1996.