Six ans plus tard, elle vient de faire paraître Les retranchées (Atelier 10), dans lequel elle poursuit sa réflexion et se questionne, entre autres choses, sur la pression de performance maternelle. À pas feutrés, toujours avec bienveillance, elle nous pousse par la bande à réfléchir au modèle familial ambiant et nous invite à nous en affranchir.

D’où vous est venu, à l’origine, le goût d’aborder la maternité dans vos écrits?

Ça part d’une colère. Avant d’écrire le premier essai, je ressentais une colère de me sentir inadéquate comme femme et comme mère, et je pressentais qu’il y avait quelque chose de systémique dans ce sentiment. Les réactions que j’ai eues, à la suite des Tranchées, m’ont confirmé que je n’étais effectivement pas la seule à me sentir comme ça. Et ça m’a fâchée encore plus, parce que j’ai compris que, d’une certaine façon, nous étions effectivement toutes maintenues dans un système qui a quelque chose de violent et qui touche même les femmes privilégiées, dont je fais partie.

Parmi les confidences reçues, lesquelles vous ont particulièrement marquée?

Je me souviens qu’une lectrice m’a dit qu’elle se sentait tourmentée de ne pas vouloir un troisième enfant. Comme si le fait que ce soit trop pour elle faisait d’elle une mère incompétente. Ça m’a marquée, car j’avais des réflexions semblables de mon côté, et j’avais tendance à mettre ça sur le compte de mes propres névroses. Son message m’a fait prendre conscience qu’il y avait probablement quelque chose à creuser du côté des idées toutes faites qu’on nous impose sur la manière de réussir sa vie et d’être une bonne mère. C’était comme si un voile se levait soudainement sur ces diktats qu’on a faits nôtres à notre insu.

toutes debout pour les femmes Fanny Britt

Avez-vous déjà hésité à prendre la parole en matière d’égalité ou encore de charge mentale et émotionnelle? 

Ah oui! Parce qu’en exposant mes failles, je me rends vulnérable. Mais je crois aussi qu’en ne nommant pas ce qui nous taraude, on maintient la honte, et on laisse la place aux diktats malsains. On n’a qu’à voir les réactions qu’ont suscitées les lois sur l’avortement qui viennent d’être votées aux États-Unis… Les femmes ont encore besoin de se raconter pour se libérer. Je pense par ailleurs que ces témoignages sont d’une grande richesse pour les autres. C’est ce qui nous permet de passer à l’action.

Au sein de votre démarche artistique, quelles sont les autres voix de femmes qui vous inspirent?

Dans la dernière année, l’écrivaine Alexie Morin a publié Ouvrir son cœur, dans lequel elle se raconte avec une très grande lucidité. Il y a là-dedans un refus d’être réduite à un archétype ou à un simple objet. J’aime aussi Terese Marie Mailhot, une Autochtone de la Colombie-Britannique qui a récemment publié Heart Berries : A Memoir. Et j’ai un énorme béguin pour la politicienne américaine Alexandria Ocasio-Cortez. Je suis certaine qu’elle aura une influence énorme sur la jeune génération de jeunes femmes qui l’observent actuellement.

Photo: Maude Chauvin

 

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