À intervalles réguliers, je me mets à la méditation. D’abord, tous les jours. Puis, presque tous les jours. Puis, certains jours. Et de moins en moins comme ça, jusqu’à ce que le sentiment de calme postméditation soit remplacé par un sentiment d’échec chaque fois que je calcule que ça doit bien faire trois mois que je ne me suis pas assis en tailleur. Si c’est ce feeling, le nirvana, appelez-moi Bouddha Charlebois.

Parce que je n’ai pas l’assiduité et la persévérance nécessaires pour la méditation normale, mais que j’ai quand même envie de quelques-uns de ses bienfaits, j’ai créé ma version express.

D’abord, j’interromps les pensées qui étaient en train de me traverser l’esprit. Puis, je prends une grande respiration. Alors que j’inspire et que j’expire, je me concentre sur l’air qui passe dans mes narines. Le résultat est instantané: je suis à nouveau complètement ici, maintenant, et je découvre à quel point ma tête était bruyante et chaotique. Je fais ça régulièrement. En marchant. En coupant des légumes. En plein milieu d’une chronique.

[Inspire… Expire…]

C’est certain que, dit comme ça, ça me donne l’air d’avoir inventé le concept de «respirer par le nez», et c’est très peu impressionnant. Ne sous-estimez pas pour autant la puissance du geste.

Ce n’est pas pour rien que les techniques de méditation mettent l’accent sur la respiration comme si les adeptes formaient une secte d’asthmatiques. C’est le geste le plus instinctif qui soit. On le fait quelque 15 000 fois par jour sans jamais y penser. Une fréquence égalée seulement par le nombre de fois où on rafraîchit Facebook en une journée.

Se concentrer quelques instants sur cet automatisme a un effet immédiat de reconnexion avec soi-même et avec le monde autour.

Le silence à l’intérieur ne dure peut-être que quelques secondes, mais, par simple contraste, il nous montre le désordre qui le précédait, et celui qui menace de recommencer si on se laisse s’emballer.

Cette simple respiration révèle aussi au grand jour une fragilité extrême, capable de remettre beaucoup de choses en perspective.

Qu’est-on, au fond, sinon une vague conscience de notre existence, maintenue en vie par un échange d’oxygène et de gaz carbonique? On se concentre sur l’air qui passe dans nos narines, et on se rend compte qu’on est cet air, et pas grand-chose de plus.

Je respire, je suis. Je ne respire plus, c’est fini. Je ne peux plus admirer le ciel orange l’été, je ne peux plus être amoureux, je ne peux plus reprendre la méditation en me disant que cette fois, ça va durer. Tout, absolument tout, tient à un filet d’oxygène qui passe par un trou qu’on peut boucher avec un morceau de brocoli avalé de travers.

Il y a des jours où ce constat donne le vertige et rend anxieux. Prenez une deuxième respiration quand ça arrive.

Les autres jours, c’est plutôt une célébration du miracle qu’est notre présence dans le monde. Inspire. Expire. Quinze mille fois par jour, chaque nouvelle respiration est aussi importante que la précédente. Inspire. Expire. On espère toujours qu’il y en aura une suivante, mais rien n’est jamais assuré. Inspire. Expire. L’existence est aussi précieuse qu’elle est fragile.

Parce que ça nous remet à notre place, ici et maintenant, et que ça nous rappelle à quel point cette place est précieuse, je mets «respirer» en 30e position de la liste infinie des choses qui font du bien.

Mathieu Charlebois est un ancien musicien viré journaliste, viré chroniqueur politique, viré auteur d’humour, écrivant maintenant sur le bonheur comme s’il connaissait ça.

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