Jusqu’à récemment, j’étais dans une chorale. Allez-y, riez. Imaginez-moi dans les Petits Chanteurs du Mont-Royal, à chanter aigu dans un petit habit propre, ça ne me dérange pas. Ça m’amuse moi-même de penser que, nonobstant ma voix plutôt moyenne, je me faisais aller la glotte tous les lundis. Ça me rendait profondément heureux.

J’en parle au passé parce que c’était dans le Monde D’avantMD, du temps où c’était encore une bonne idée de passer trois heures la bouche grande ouverte, en groupe, à lancer des postillons dans l’air. Je rêve du jour où ce sera à nouveau possible. Parce que chanter dans la douche, c’est bien. Chanter du Julie Masse à deux dans l’auto, c’est aussi pas pire. Mais chanter en harmonie avec 30 personnes? [Emoji de petit bonhomme avec la tête qui explose]

Je pourrais vous sortir des articles scientifiques sur la sérotonine qu’on sécrète en chantant et qui rend euphorique, ou sur l’ocytocine qui réduit le stress, mais ce n’est pas un cours de chimie ici. Ces histoires d’hormones expliquent bien un bout du plaisir qu’on a à chanter, mais elles ne disent pas l’essentiel: il y a dans le chant choral un niveau de connexion entre humains que je n’avais jamais vécu avant. Une fraternité qui concurrence les meilleures scènes de vestiaire de Lance et compte. Dans les meilleurs moments, il y a même un degré de collaboration qui fait croire que la paix dans le monde est possible, juste là, à un refrain près.

Dans une chorale, tout ce qu’on fait dépend des autres autour. On doit respirer en groupe, chanter plus ou moins fort en groupe, ralentir avec le groupe, accélérer avec le groupe… C’est le groupe avant tout, toujours. Si on entend un ténor plus que les autres, si le vibrato d’une soprano transperce tout, c’est que ces chanteurs n’ont pas compris que leur voix est moins importante que le son de l’ensemble.

À chaque instant de chaque chanson, on fait, à 30, une série de compromis qui prendraient en d’autres circonstances des heures de négociations. Si toute la chorale commence à «descendre», c’est-à-dire à chanter un peu plus bas qu’elle devrait, vous pouvez bien continuer à chanter la «vraie» note, c’est vous qui aurez l’air de fausser. À s’entêter à avoir raison tout seul, on a complètement tort.

Et quand tout s’aligne parfaitement, que ce soit dans une version a cappella d’Illégal, de Marjo, ou dans une courte pièce de Rameau, chanter en groupe est un des plus grands plaisirs qui soient.

Parce que l’exercice nous force à laisser notre ego à la porte, parce qu’il nous permet de parler avec d’autres humains un langage qui semble transcender tout, et pour le bonheur de se sentir vibrer intérieurement, je place «Chanter dans une chorale» en 305e position de la liste infinie des choses qui font du bien.

Mathieu Charlebois est un ancien musicien viré journaliste, qui a viré chroniqueur politique, viré auteur d’humour écrivant maintenant sur le bonheur comme s’il connaissait ça.

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