Mon spot est quelque part dans le parc Maisonneuve, à Montréal. Plus précisément: il est à 45.565915 de longitude et -73.564433 de latitude. Je le sais parce que j’ai placé un repère dans Google Maps afin de pouvoir le retrouver. Mais woh! je ne veux pas vous voir tous débarquer là! C’est MON spot.

Un peu en retrait du chemin où tout le monde passe, ce discret bosquet d’arbres, on peut y entrer comme dans une petite chapelle naturelle. Pendant deux semaines, fin mai, il y pleut des pétales roses et blancs, qui tapissent le sol, et l’endroit est digne d’un film du studio japonais Ghibli. Des fées se mettraient à danser autour de moi que je ne serais même pas surpris. (Je serais un peu inquiet pour ma santé mentale, mais je ne serais pas surpris.)

J’ai croisé cet endroit par hasard une journée où aller marcher était la seule chose que j’étais capable de faire, et tant pis pour les trois textes que j’avais à remettre. Je me suis assis contre un arbre, le derrière dans les aiguilles de pin et les yeux dans l’eau, et j’ai finalement pris la grande respiration dont j’avais tant besoin. Depuis, n’en déplaise à la dame qui y avait installé son hamac la dernière fois que j’ai voulu m’y poser, c’est mon spot. Mon endroit. Mon point de contact avec une autre dimension où les arbres me parlent et où je communie avec l’univers.

Vous trouvez que je parle comme un disciple de Gwyneth Paltrow? Vous redoutez que j’essaie de vous vendre des chandelles qui guérissent le psoriasis? Ça se peut. Je sonne toujours un peu comme ça quand je reviens de mon coin sous les arbres roses.

On a tous un endroit comme ça. Ou on devrait tous en avoir un, en tout cas. Ça peut être un banc de parc d’où on regarde les enfants jouer, un bout de balcon avec une vue imprenable sur le soleil qui se couche entre les appartements du quartier, une roche sur le bord du fleuve où les vagues nous éclaboussent les orteils ou une place au comptoir du bar d’où on peut observer la faune, si c’est plus votre genre. Un endroit capable de démonter en quelques secondes l’échafaudage de stress et d’anxiété sur lequel on était juché sans le savoir. Un endroit où on sort un peu de notre propre tête pour faire partie d’un tout plus grand, où moi, toi, le ciel, le gazon pis tout ça, «c’est toute connecté, man», pour parler encore comme Gourou Gwyneth.

Pourquoi perdre des heures en cours de méditation à apprendre à respirer en legging sur un tapis en mousse quand on peut simplement se pointer à notre spot et laisser la magie opérer?

Parce que ça nous permet de reconnecter avec nous-même et le reste de l’univers, parce que notre vie a non seulement besoin de temps d’arrêt, mais aussi d’un endroit où arrêter le temps, je place «avoir son spot» en 208e position de la liste infinie des choses qui font du bien.

"Mon spot".

"Mon spot".Mathieu Charlebois