Comment se remet-on du pire moment de sa vie? Si vous avez la réponse, n’hésitez pas à me l’envoyer par courriel, fax, ou pigeon voyageur, parce que moi, ça fait deux ans que je la cherche.

Le pire moment de ma vie, c’était en février il y a deux ans. Après des mois à être la pire version de moi-même, je me suis assis dans la cuisine et j’ai regardé mes toasts en silence pendant de longues minutes. Puis, j’ai dit à la femme que j’aime «Je ne suis plus capable. Il faut que je parte», et je suis parti.

Les mois suivants ont été une lente promenade dans les sentiers boueux de la dépression, à manquer de doigts pour compter les gens à qui je faisais mal. Exit, le Mathieu qui a le sourire facile et la joie en quantité illimitée. Place au Mathieu avec une craque dedans, par où s’échappe le bonheur.

Le chemin pour aller mieux est passé non seulement par une psy et de l’aide, mais aussi par un moment où j’ai décidé d’abdiquer, d’abandonner toute résistance. Pendant quelques semaines, j’ai suivi tous les conseils qu’on me donnait pour aller mieux. J’ai pris des bains, même si j’ai toujours haï ça. J’ai sniffé de la lavande pour me calmer. J’ai acheté des pantalons de jogging pour m’habiller en mou chez moi. (Des gris, parce que mon amie avait dit gris.)

Suivre les conseils des autres m’a servi d’entraînement pour apprendre à écouter ceux que mon intérieur essayait de me donner depuis longtemps. «Laisse les autres t’aider», qu’il me disait, mon intérieur. «Donne-toi le droit d’arrêter», «Trouve le beau».

Mon intérieur m’a appris à passer l’après-midi au musée quand pleurer m’empêche de travailler. À fermer les yeux comme pour peser sur pause et ramener un peu de calme. À me promener dans la nature. Et ceux qui m’ont connu entre 0 et 35 ans savent à quel point «Mathieu aime les arbres» devrait être une affirmation incongrue.

Tout ça n’a pas colmaté la craque. Elle est encore là. Je la sens. Je vis dans la peur de mon nouveau moi normal, ce moi-avec-une-craque-dedans. Je me dis parfois que je ferais peut-être mieux d’apprendre à aimer la craque. Après tout, elle a fini par créer une version améliorée de moi-même. Merci, craque?

Ça va mieux aujourd’hui, et pas juste parce que je ne vois pas comment ça pourrait aller pire. Je ne sais pas encore de quoi mon demain sera fait. Mais je sais désormais qu’on a tous besoin de choses qui font du bien. Qu’il faut apprendre à créer de ces choses, et qu’il faut aussi apprendre à les «spotter» quand elles passent. C’est pourquoi je place «Comprendre qu’on a besoin de la liste» tout en haut de la liste infinie des choses qui font du bien.

Mathieu Charlebois est un ancien musicien viré journaliste, qui a viré chroniqueur politique, viré auteur d’humour écrivant maintenant sur le bonheur comme s’il connaissait ça.