Le bruit. Les réveils la nuit. Les matins de marteau-piqueur, très tôt. Le cœur qui court vite, vite, vite. La peur de la fin du monde. Les sursauts provoqués par les klaxons, les chicanes de voisins, un livreur qui sonne à la porte.

Écouter la télé, pour me calmer. Acheter des vêtements, pour être belle. Vouloir maigrir. Penser aux injections esthétiques. Aller boire des verres au bar. Aller chez le coiffeur. À la manucure. Dépenser des tas de sous. Prendre mon auto, tout le temps, pour rien. Mes contradictions, mon ambivalence.

Être dévorée par l’écoanxiété et l’absence de sens. Me «guérir» en consommant. L’adrénaline. Et ainsi de suite. L’aberration

La ville. J’ai mis du temps à comprendre qu’elle m’empoisonnait. Que pareille à n’importe quelle idylle toxique, elle m’enivrait pour me laisser, junkie, avec un trou dans le ventre, qui fait recommencer à consommer. Qu’elle prenait trop de place pour me laisser le temps de me demander qui j’étais, ce que je voulais et, surtout, ce que je ne voulais pas.

Une constante: cette petite paix qui s’installe en moi en quittant l’île, puis cette vague de pensées et de désirs envahissants qui déferle quand je la retrouve.

J’ai pensé qu’une partie de la réponse à ma quête de sens se trouvait peut-être dans le rien. Dans la décroissance, donc. Dans une certaine forme de sevrage. Et que la ville ne me donnait pas l’espace pour atteindre cette paix. Cette absence de désirs futiles

Que tant que je me regarderais 30 fois par jour dans le miroir, tant que je serais obligée de baisser le front sous les lumières scintillantes de la métropole, je n’y arriverais pas.

Je suis déménagée à la campagne. Par la fenêtre, aujourd’hui, je ne vois que du blanc. Quelques oiseaux. Quelques traces de chevreuils dans la neige.

Aucun restaurant. Aucun magasin. Mon voisin, agriculteur bio, m’a apporté des confitures et un petit pot d’herbes séchées. Il a surveillé la maison pendant mon absence. Ce printemps, j’irai l’aider à faire les semis. Quand je serai bonne, je ferai peut-être mon propre jardin.

Ici, je touche à mon téléphone deux heures de moins par jour. Je m’habille en guenilles. Je ris beaucoup. Je travaille aussi. Mais pas vite, vite.

La semaine dernière, je n’ai pas pu aller m’y reposer. Alors, j’ai rechuté. J’ai commandé des vêtements, des chaussures, des bijoux. Je ne connais encore rien. Cette «réponse» que je crois avoir trouvée, je ne sais pas si c’est la bonne. Je suis encore agitée et souvent insatisfaite, même à la campagne. Mais je crois que j’apprends à apaiser mon esprit et à être un peu plus amie avec mes idéaux. Quand je m’imagine dans cinq ans, je me vois dans la cour avec un chapeau de paille et une salopette toute sale. Mon chien me gosse en courant autour de moi. Mon chum joue de la guitare dans la shed. Les kids sont dans le jardin. Je nous trouve beaux.

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