Elle entamait son message ainsi: «Ça fait plusieurs fois que j’ai envie de t’écrire. Je ne sais pas pourquoi je ne l’avais pas encore fait…» Que pouvait-elle bien me vouloir? N’avait-elle pas assez de décrocher tous les rôles que convoitaient les filles partageant notre casting?

Me féliciter. C’est ça qu’elle voulait. Pour ce que je faisais, et la façon dont je m’y prenais.

Mon premier réflexe, après m’être émue de ce message inopiné, a été de me demander pourquoi elle avait spécifié avoir attendu avant de m’écrire. Je me suis questionnée un moment, puis j’ai trouvé. Moi aussi, je pensais qu’elle méritait d’être applaudie; pourtant, jusqu’à aujourd’hui, je ne le lui avais jamais dit non plus. Je m’étais à peine arrêtée pour réaliser comme elle était magnifique à voir aller, enchaînant les projets à un rythme effréné.

J’étais sans doute trop occupée à m’avouer vaincue dès qu’elle entrait dans la même pièce que moi. Comme si, entre femmes, il ne pouvait y en avoir qu’une seule qui brille à la fois.

Le milieu dans lequel on évolue est bien mal fait… C’est qu’on est plus d’une à être à la fois douées et suffisamment spéciales pour ne pas tanner le public québécois, qui regarde assidûment la télévision pendant de longues saisons. La compétition semble inévitable. Pourtant, en recevant une telle cargaison d’amour, et qui plus est, une qui soit énoncée de façon aussi sincère et désintéressée, j’ai eu la preuve qu’on peut réellement l’esquiver, cette compétition.

À mes yeux, son message était porteur d’espoir. Entre les lignes de sa solidarité bien rédigée, je lisais surtout «NOUS NE SERONS PAS BITCHES PAR DÉFAUT».

J’ai donc saisi la balle au vol pour souligner que je partageais son sentiment. Je lui étais tellement reconnaissante d’avoir surpassé cette ridicule concurrence qu’on entretient presque par bienséance. Elle a renchéri en faisant remarquer qu’elle la ressentait également, mais que, comme moi, elle la trouvait vaine et refusait d’y participer.

On s’est complimentées. Je nous ai trouvées bonnes. Je nous ai senties fortes.

Elle a conclu en signant: «Une fan inconditionnelle, qui te soutient pour toujours.»

PAF! Un jab en plein sur la rivalité. Un point pour la sororité!

Je suis impatiente de la recroiser dans une salle d’attente, juste avant une audition, parce que je sais que, peu importe le résultat, on sera au moins deux à se réjouir.

On saura désormais que, quand l’une d’entre nous gagne, on gagne toutes.