J’aurais pu écrire une histoire de coming out. Seul hic: je n’en ai jamais fait, de coming out! Je suis bisexuelle. Ces temps-ci, c’est le centre de ma personnalité. J’adore cette partie de moi-même. J’y trouve du plaisir, un sentiment de communauté. Avant, je n’en parlais presque pas, sauf si c’était vraiment nécessaire pour faire avancer une conversation. Comme les temps ont changé!

C’est grâce à ma mère si j’ai compris que je m’intéressais aussi aux femmes. J’avais 13 ans, et je vivais une petite déception d’amitié — une amie ne pouvait pas venir souper à la maison, pour une raison plutôt banale qui m’échappe. J’avais beaucoup de peine, je pleurais. Ma mère m’a regardée et m’a dit: «Voyons, minou, pas obligée de pleurer; ton amie va venir souper une autre fois. C’est à ça que ça sert, les amies!» C’est cette répétition du mot «amie» qui a produit un déclic dans ma tête. Ça m’a frappée comme un piano qui tombe du ciel : de toute évidence, je voulais que mon amie soit plus qu’une amie. Je suis allée dans ma chambre. Je pleurais encore plus, en regardant par la fenêtre, très emo comme dans une comédie romantique des années 2000. J’en ris maintenant, mais dans mon cerveau d’ado, à ce moment-là, c’était très sérieux.

Au fil du temps, j’en ai parlé à quelques amis et amies. Toutefois, comme j’ai toujours été en relation avec des hommes, je me heurtais à de la surprise et à de l’incompréhension — de la part de gens queers ou non. Parce que je n’ai jamais eu de relation sérieuse avec une femme (un mélange de hasard, de préférence, de gêne, j’imagine), on dévalue ma queerness. Et donc, j’ai arrêté d’aborder ce sujet. Surtout que je suis maintenant mariée à un homme et que, dans le meilleur des mondes, ça restera ainsi pour toute ma vie. 

 

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Récemment, j’ai lu sur le concept de coming in. (Il y a de très bons balados et des conférences TED sur ce sujet.) J’ai compris que j’avais laissé entrer dans mon intimité certaines personnes triées sur le volet, des gens qui me faisaient sentir que, peu importe la façon dont j’allais vivre ma queerness, elle était valide. C’est seulement depuis trois ou quatre ans que j’ai cessé de dire que je suis une alliée dans la communauté LGBTQIA2S+, mais que j’en fais plutôt partie à part entière. J’accepte toute la complexité qui vient avec le fait de pouvoir aimer tout le monde. 

«J’ai compris que j’avais laissé entrer dans mon intimité certaines personnes triées sur le volet, des gens qui me faisaient sentir que, peu importe la façon dont j’allais vivre ma queerness, elle était valide.»

Mais non, je n’ai jamais fait le grand coming out. Le post Instagram. La grande discussion à table avec ma mère et mon père. Je n’en ai jamais éprouvé le besoin. Je pense que ça vient d’un privilège: j’ai été élevée par des parents et une famille élargie qui m’ont toujours acceptée et aimée, no matter what. Je n’ai donc jamais eu l’impression de devoir justifier mon orientation sexuelle devant quiconque. Je savais que je pouvais en parler en toute sécurité en cas de besoin. S’il y a certainement eu une part de peur, au début lorsque j’ai constaté que j’étais bisexuelle, ça ne m’a jamais causé de détresse. J’ai la chance d’être entourée de gens queers qui rendent ma vie tellement l’fun et me permettent de m’épanouir sous toutes mes facettes. Malgré quelques embûches, je pense avoir eu la plus graduelle et la plus douce histoire de prise de conscience queer. Je suis revenue à moi-même, et c’est d’une grande beauté. Je ne peux que souhaiter que ça devienne la norme pour tous les membres de ma communauté.