C’était en juin dernier. La chaleur du jour et les rayons de soleil apportaient un peu d’accalmie. Il le fallait bien, après l’agitation de la première vague. Pour un instant, les «Ça va bien aller», scandés à l’unisson, sonnaient juste et ils étaient beaux. On voguait tous ensemble dans le même bateau. Du moins, on le croyait… Et il en a fallu beaucoup pour que tout bascule. Il a fallu George Floyd. Ça résume tout. Des voix se sont élevées, dont la mienne, pour dénoncer, sensibiliser, et surtout trouver des solutions. Certaines initiatives n’ont pas plu à deux des chroniqueurs d’un journal, que je ne nommerai pas. La tentation est pourtant forte, mais à quoi bon? Je ne vais pas reproduire les actes insensibles de ces fanatiques du clic. Donc, ces deux personnages ont jugé bon d’écrire une publication sur leur page Facebook en mettant ma photo, accompagnée d’un ramassis de mensonges. Je vous épargne la tonne de messages que j’ai reçus de la part de gens qui les suivent et qui s’abreuvent de leurs fabulations. J’ai été inondée de propos haineux, d’appels à mon domicile, j’ai reçu des menaces de mort et j’ai fait l’objet d’une plainte à la police pour incitation à la haine raciale. J’ai vécu un calvaire inqualifiable. J’étais désemparée, démunie et terrifiée. Comment peut-on consciemment mettre autrui en danger en toute impunité? Pourquoi accepte-t-on de nourrir une bête médiatique qui détruit tout? Ne peut-on pas débattre de nos idées sans s’en prendre aux individus? Devant mon incapacité à trouver des réponses, j’ai abdiqué. J’ai arrêté de rédiger mes chroniques dans le journal Métro, arrêté de publier sur mes médias sociaux, arrêté de prendre la parole publiquement, j’ai disparu… Ils avaient gagné! C’est triste, voire révoltant, mais ces intouchables finissent toujours par avoir le dernier mot… ou presque, car la répression de la parole est facile, mais celle de la pensée est beaucoup plus difficile.

De nombreuses femmes vivent ce cauchemar. Elles sont traquées, intimidées, car elles osent défendre des idéaux de justice sociale. Elles sont constamment la cible de chroniqueurs et de tyrans du web qui, derrière leur clavier, n’hésitent pas à les attaquer, à les diminuer, à les sexualiser. Ils tentent de les museler. La vie continue pour ceux qui écrivent ces messages, mais pour moi (pour nous), ces propos restent gravés dans la mémoire. Après avoir pris un certain recul, je m’en veux d’avoir capitulé. Je regrette d’avoir permis à ces hommes de me réduire au silence. Ils usent et abusent de leur pouvoir pour détruire au lieu de construire. Une partie de moi a été brisée à la suite de cette expérience douloureuse, et je tente de la reconstruire depuis. À l’aide d’autres femmes survivantes de ces oppresseurs de la Toile, je comprends davantage l’importance de ne pas les laisser gagner, de ne plus me taire. On ne doit pas laisser la haine vaincre. Jamais.

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