Je vous rassure tout de suite, je vais vous épargner toutes les grandes lignes entendues et répétées sur les réseaux sociaux. Je vous épargnerai aussi mon envie d’écrire de grandes tirades sur le vertige qui m’envahit de voir le droit des femmes reculer sous mes yeux in the land of the free (men) et je vous épargnerai tous ces petits poèmes de type «lettres à ma fille» et des citations de La servante écarlate qui vous donneraient envie de pleurer en flattant votre utérus.

Je tenterai aussi de ne pas faire de ce billet une réponse à la théorie complètement dingo que ce qui se passe aux États-Unis ne nous concerne pas et ne reflète pas notre réalité. Ben coudonc, qu’elles s’arrangent hein, les Âmâricaines!

J’ai beaucoup de choses à dire à vous toutes, peu importe vos idéologies, vos valeurs, vos principes, vos religions. Je m’adresse autant à la militante impliquée qu’à la femme apolitique. À celles de droite, de gauche, de centre, la woke, la guerrière ou la complètement désintéressée.

Parce qu’on le veuille ou non, ce qui se passe en ce moment, n’est qu’un rappel que nous sommes des instruments de politique. Que nos droits peuvent reculer à tout moment. Que le recul ou la négation des droits des femmes, ça semble toujours loin. On pense aux Talibans, on pleure pour nos sœurs afghanes, mais de loin en retournant à nos préoccupations de femmes occidentales, le nez dans nos cellulaires. Moi la première.

Et là, c’est tout près, dans un pays qui se réclame d’être un exemple de liberté et de démocratie. Un pays, une société avec une influence indéniable sur la nôtre. Après W. Bush, on a eu Harper. Après Obama, on a eu une vague orange et Trudeau. Et après Trump, qu’est-ce qui nous attend ? Vous avez vu les sondages? Vous pensez qu’on est à l’abri d’une droite religieuse? Avez-vous vu ce qu’on fait subir aux femmes autochtones, dans notre beau pays qui «protégera nos foyers et nos droits»?

Ce qui me désole, c’est que ça place la féministe en moi dans une position de guerrière du surplace. Je devrai me battre pour garder nos acquis, et non pour avancer et pour progresser. Je devrai me battre pour que ma fille ait les mêmes droits que les miens et que ceux de sa grand-mère. Je devrai me battre pour m’assurer qu’on ne recule pas, au lieu de faire avancer la société, au lieu de tendre la main aux plus opprimés que moi pour leur donner l’élan qu’on m’a accordé.

Ceux qui dénoncent les trop grands changements des mouvements woke peuvent dormir tranquilles: «iel» est peut-être dans le dictionnaire, mais bientôt, des femmes vont mourir dans l’indifférence la plus totale, car des juges de la Cour suprême qui auront décidé que c’est la volonté de Dieu. Rita Baga est peut-être à Bonsoir Bonsoir, mais en Floride, un professeur va perdre son emploi pour avoir parlé d’homosexualité en classe.

Faire reculer les droits des femmes, c’est faire reculer ceux de tous les autres, en nous rappelant, à chaque seconde, que notre place, notre liberté et notre corps, sont des choses qu’on peut reprendre, par la loi. C’est surtout de souligner à tous les autres groupes de la société que l’avancée de leurs droits sera une longue et dure bataille, encore plus redoutable que celle qu’on fait vivre à la moitié de l’humanité. La femme.

Mon petit message est celui-ci : qu’on soit carriériste, éduquée, maman, célibataire ou mariée, notre volonté de nous émanciper dans une société qui nous considère et nous fait progresser ne peut passer que par notre désir de changer celle-ci de l’intérieur.

«Qu’on utilise nos compétences, notre éducation, notre pouvoir pour nous faire avancer, nous protéger, nous défendre.»

On vit dans une société qui nous apprend à nous dépasser et à performer pour nous-mêmes. Mais à quoi bon, si le pouvoir peut tout nous reprendre? À nous de créer notre pouvoir, d’infiltrer les institutions, la politique, le militantisme, le communautarisme, et qu’on se serve de notre savoir, de nos compétences, pour avancer et s’assurer de protéger nos acquis, pour que les futures générations puissent apprendre de cette solidarité et enfin (crisse!): PROGRESSER ET NON RÉGRESSER.

S’il y a un Parti vert pour l’environnement, il devrait y avoir des partis politiques pour les droits des femmes. Parce que lorsque ceux-ci sont défendus et protéger, il est plus facile, pour les femmes, d’aider les autres.

Les conséquences et le prix à payer pour l’invalidation de Roe vs Wade sont inimaginables. Ils auront un effet dévastateur sur la vie de millions de femmes, mais aussi sur leur communauté, incluant les hommes, les enfants, les communautés LGBTQIA+. Bientôt, nous lirons des histoires tragiques qui nous feront trembler jusqu’au plus profond de nous-mêmes. Mais de grâce, ne nous habituons jamais. Et n’arrêtons jamais de nous battre pour ce qui nous revient.