Dramaturge, traductrice, auteure jeunesse et essayiste, Fanny Britt, 36 ans, décloisonne les frontières de l’écriture. Et ça lui réussit. Sa pièce Bienveillance lui a valu un prix du Gouverneur général l’automne dernier. Son roman graphique Jane, le renard et moi, dont Isabelle Arsenault signe les illustrations, a connu un succès retentissant ici et à l’étranger. En mai, elle prendra la direction d’Amos, sa ville natale, en tant que présidente d’honneur du Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue (du 22 au 25 mai). Après quoi elle s’attellera aux mille et un projets qui lui tiennent à coeur, dont la création d’une pièce, qui devrait voir le jour à l’automne, d’un scénario de film, d’un nouveau roman graphique et, ultime rêve qui l’habite depuis toujours, l’écriture d’un roman. Tout cela en étant mère de deux enfants. C’est d’ailleurs à ce titre qu’elle s’interroge sur les paradoxes de la maternité dans un court essai percutant: Les tranchées (Atelier 10).

Vous ne vous reconnaissez pas dans des modèles de mères parfaites, indignes, sexys… Vous plaidez pour l’ambigüité de la maternité. Comment ça se traduit dans votre vie? Je me suis rendu compte que ce qui m’obsédait, c’était l’impression d’être inadéquate. C’est un sentiment que portent plusieurs mères, et aussi plusieurs femmes sans enfant. Et qui a occupé une place très importante dans tout ce que j’ai fait en théâtre jusqu’à maintenant. L’autocritique, l’intransigeance envers soi, la haine de soi… J’ai constaté que ça m’habitait aussi dans mon rôle de mère. Je souhaiterais qu’on cesse d’opposer les divers modèles de mères. Et qu’on pose un regard plus doux sur nos responsabilités et les combats que nous avons à mener.

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Vous échangez dans votre livre avec d’autres femmes, d’autres mères, telles que la journaliste Annie Desrochers et la comédienne Alexia Bürger. Pourquoi? Ça vient de mon manque d’assurance. C’est-à-dire que je cherche des modèles. J’en ai toujours cherché. J’ai toujours été remplie de doutes et eu l’impression qu’il y avait chez les autres de la sagesse, un savoir-vivre, un savoir-être qui, à moi, m’échappaient. Je vis tellement dans l’anxiété. J’ai toujours cherché des réponses chez les autres, pour pouvoir m’en inspirer. Et puis, il y avait l’idée d’activer un dialogue avec d’autres femmes. J’espérais que des points de vue multiples sur la maternité puissent cohabiter. Et même qu’ils puissent cohabiter chez une même mère.

C’est-à-dire? Il y a quelque chose de toxique dans notre tendance à opposer les façons de faire chez les parents. Par exemple, soit on est strict, soit on est laxiste. On ne peut pas être les deux à la fois, avoir nos propres contradictions. Dans mon plaidoyer pour l’ambigüité, il y a aussi un plaidoyer pour le doute, que je vois comme un garde-fou, un baromètre moral. Je pense que c’est bien d’avoir des doutes. Les mères doivent toutefois arrêter de se torturer avec leurs différences, leur marginalité.

À propos de torture… Vous écrivez que la question d’avoir ou non un troisième enfant vous torture. Avez-vous résolu votre dilemme? Pas encore. Je ne veux pas faire campagne auprès de mon chum: je trouve important qu’il ressente autant que moi l’envie d’agrandir la famille, que ce ne soit pas juste moi qui essaie de le convaincre. Ces dernières semaines, on s’est remis à en parler. Notre plus jeune a 4 ½ ans, et notre plus grand a presque 12 ans: on n’a plus de bébé… Alors oui, ça nous tente.

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