Je ressens le même malaise quand quelqu’un me fait part de sa résolution du Nouvel An que lorsqu’une connaissance à qui je n’ai pas parlé depuis 2008 m’envoie un pitch de vente pyramidale.

Dans les deux cas, je sais comment ça va finir, mais je me sens obligée d’être encourageante. Vous m’excuserez de me diriger vers 2022 avec mes gros sabots de cynique, mais les chiffres me donnent raison. 

Une application pour les coureurs a analysé les données de 98,3 millions d’utilisateurs de sa plateforme et a déclaré que le 19 janvier était le Quitter’s Day, soit la journée des lâcheurs. Toutes résolutions confondues – peser moins, bouger plus et manger mieux trônant au palmarès –, les sondages indiquent un taux d’abandon de 80 % en février.

J’ai appris en faisant mes recherches (merci aux complotistes d’avoir sali la rigueur) qu’on attribuait aux Babyloniens l’adoption, il y a quatre millénaires, de la prise de résolutions du Nouvel An, qui se célébrait alors en mars.

C’est plus tard que Jules César a remanié le calendrier et a mis au monde janvier, le mois du dieu Janus, représenté par deux visages qui regardent dans des directions opposées: l’un vers le passé et l’autre vers la nouvelle année. 

La coutume voulait, chez les Babyloniens comme chez les Romains, qu’on fasse des promesses aux divinités pour être dans leurs bonnes grâces pendant l’année à venir. Peu d’entre elles se doutaient qu’un jour, c’est plutôt la promesse d’un derrière plus ferme qu’on déposerait sur l’autel d’un gym.

On passe l’année à promettre à gauche et à droite qu’on va performer. On promet fiabilité et efficacité au travail et disponibilité à la maison. On promet à des entreprises des paiements mensuels, et aux amis et amies de faire de quoi ensemble, ce serait le fun, tu me manques. 

On promet de se donner sans faute ni retenue, et à peine a-t-on franchi le pas de la bonne année, les godasses de l’an passé encore aux pieds, qu’on est déjà à hausser la mise de nos engagements pour l’année à venir. Des résolutions toujours pigées dans le même bol, celui du self-improvement par la performance au quotidien.

Si, fois après fois, tu te promets de courir, mais que t’accroches tes runnings avant de décrocher les décorations des fêtes, peut-être que t’haïs ça, courir, pis que tu devrais essayer la boxe ou le pole dancing. Ou peut-être que t’aimes ça, courir, que ça te recentre, mais qu’avant de t’acheter un (autre) accessoire indispensable – parce que cette fois-ci, c’est la bonne –, tu devrais plutôt abandonner quelque chose d’autre si tu veux avoir assez de souffle pour tout mener à bien.

Peut-être aussi que t’en fais déjà assez, pis que tu peux entamer cette nouvelle année en te donnant une tape sur l’épaule au lieu de pousser à la roue de la productivité. Le sentiment de ne jamais en faire assez est un bien triste moulin à projets.

On raconte que, chez les Babyloniens, la promesse la plus courante faite au Nouvel An était de payer ses dettes ou de rendre ce qu’on avait emprunté. Si je ne m’abuse, c’est d’ores et déjà ce qu’on fait quand on reçoit le premier relevé de carte de crédit de l’année, après les «dépassements de coûts» du temps des fêtes. Ça me semble audacieux, pour ne pas dire insolent, de vouloir l’emporter sur les Babyloniens à propos de cette tradition.

Quant à Jules César, malgré qu’une salade porte le même nom que lui, et même s’il craignait le courroux divin, il ne s’était pas engagé à choisir la salade plutôt que les frites au resto.

Je pense que tu peux te donner un break.

Manal Drissi est une chroniqueuse et une autrice exilée dans la forêt.

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