On s’est entretenues avec Safia Nolin pour mieux comprendre comment elle arrive à naviguer dans ces eaux troubles, à garder le cap sur ses objectifs et à continuer d’avancer vers un monde meilleur.

Qu’est-ce qui t’a motivée à prendre la parole dans les médias?

Après mon premier passage au gala de l’ADISQ, j’ai lu les commentaires et les articles sur le web à mon sujet, et je trouvais ça dommage de ne pas pouvoir m’expliquer. J’ai décidé de répondre de façon réfléchie, puisque le tout avait un effet négatif sur moi et mon entourage. Un webzine a publié mon billet… et l’Internet a «crashé»!

Que se passe-t-il, généralement, après l’une de tes prises de position?

Après la publication de ce billet, j’ai reçu beaucoup d’amour. Mais beaucoup de merde aussi. Quand je prends la parole dans les médias, je reçois en général beaucoup de critiques. J’ai l’impression que certains médias de masse suivent chaque minute de ma vie pour ensuite publier des articles à mon sujet. Si j’écris sur les réseaux sociaux pour parler de quelque chose qui me tient à cœur, c’est repris ailleurs, et on me dénigre. On dirait qu’à chaque fois que je parle, ça dérange les gens.

Quel impact ton militantisme a-t-il eu dans ta vie?

Quand je me fais inviter à des émissions de télé ou de radio, je me sens reconnaissante envers les personnes qui m’invitent parce que je sais que ça leur apporte aussi un lot de répercussions assez intenses. Je ne fais pas l’unanimité, mais je sens que ça va plus loin: certaines personnes me haïssent pour de vrai. Elles n’aiment pas ce que j’incarne: je suis lesbienne, je suis une artiste, une hurluberlue de gauche, je ne m’habille tellement pas comme elles le souhaiteraient! Aujourd’hui, tout ça me passe dix pieds par-dessus la tête. J’essaie d’apporter mon aide par des actions concrètes. Par exemple, depuis deux ans, je suis porte-parole de la Journée de la visibilité lesbienne. Je dois le dire, je reçois aussi des témoignages encourageants de gens qui sont contents que j’évolue dans la sphère publique et que je m’exprime. Ça me motive à continuer d’exister telle que je suis.

Quelles pistes de solution pourrait-on explorer, à ton avis?

Les médias devraient instaurer des codes de conduite pour les utilisateurs de leurs plate-formes et pratiquer une modération plus grande des commentaires sous leurs publications. Ne pas aimer ma musique, ça va. Mais me traiter de «grosse pute», ça ne devrait pas passer. C’est la responsabilité des médias de s’assurer que les gens ne soient pas violents impunément dans les commentaires sous leurs articles.

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