On s’est entretenues avec Melissa Mollen Dupuis pour mieux comprendre comment elle arrive à naviguer dans ces eaux troubles, à garder le cap sur ses objectifs et à continuer d’avancer vers un monde meilleur.

«Ce qui m’a motivée à prendre la parole dans les médias, c’est que je me suis rendu compte que la langue était une barrière au mouvement Idle No More au Québec. En fondant le volet québécois de ce mouvement, Widia Larivière et moi avons voulu faire connaître les enjeux autochtones du Québec en français. Mais la genèse de mon activisme remonte à la crise d’Oka en 1990. Quand j’ai vu Ellen Gabriel défendre la nation mohawk, son territoire, ça m’a remplie de fierté, et j’ai compris pourquoi la représentation des femmes autochtones dans les médias – la vraie, pas à la Pocahontas de Disney! – était importante.

Lorsque je prends la parole, je suis toujours étonnée de la réception positive de mon message. On me remercie souvent d’aborder ces enjeux dans les médias. Ces prises de position, au fil du temps, ont transformé ma vie. Avant, j’étais plus effacée. Quand la lumière s’est allumée, quand j’ai compris que mon message était primordial et valable, ça m’a donné envie de diversifier les sujets sur lesquels je me penche, tout en portant le message des Premières Nations et de ma communauté.

En 2017, lorsque Widia Larivière et moi avons reçu, au nom du mouvement Idle No More au Québec, le prix Ambassadeur de la conscience d’Amnistie internationale, on a senti que notre activisme était validé – on nous mettait aux côtés de Malala Yousafzai, Colin Kaepernick et Greta Thunberg, qui ont tous aussi remporté ce prix! Ç’a été une reconnaissance bienvenue parce qu’au début on anticipait des réactions négatives, voire violentes, au mouvement.

Quand on est en haut de la pyramide des privilèges, on ne voit pas ce qui se passe tout en bas. Il faut donc que les messages voyagent vers le haut, pour mener les gens on top à penser, à se remettre en question parce que ce sont eux qui ont le pouvoir d’ouvrir des portes en grand, pour tout le monde. Si, avec mon travail, j’arrive à conscientiser cinq personnes, à créer du changement chez elles, alors j’aurai mieux investi mon temps qu’en m’obstinant avec ceux qui instrumentalisent mon discours ou qui ne veulent pas faire mieux. Je cherche à côtoyer des gens qui sont friands d’informations, qui sont intéressés et que je n’ai pas à convaincre de s’éduquer sur le monde – et les inégalités – qui les entoure.»

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