On a posé 3 questions à l’autrice de cet ouvrage qui vise à combattre la discrimination envers les personnes grosses et à outiller celles-ci à faire face à ces préjugés.

Depuis le lancement de ton blogue Dix Octobre en 2016, comment trouves-tu que le mouvement anti-grossophobie a évolué?

Les choses ont énormément changé. En 2016, nous n’étions qu’une poignée de personnes à discuter publiquement de la grossophobie, un mot que très peu de gens connaissaient à l’époque. Aujourd’hui, bien qu’il reste une quantité astronomique de préjugés à combattre et beaucoup de chemin à faire, la conversation a lieu à l’échelle sociétale et de plus en plus de gens y sont sensibilisés. Aujourd’hui, ce sont de nombreuses voix qui s’élèvent, autant contre les injustices et la stigmatisation sur la base du poids qu’en faveur de la diversité corporelle et de la libération des corps marginalisés. On est sur la bonne voie!

Dans cet ouvrage tu réunis certains des témoignages les plus marquants que tu as reçus via ton blogue, pourrais-tu nous en citer un qui a particulièrement résonné en toi?

J’en ai reçu trop pour en isoler un seul, mais certaines catégories de messages m’ont marquée tout particulièrement. D’une part, les horrifiants témoignages de grossophobie médicale vécus dans le milieu de la santé: cancers ignorés qui ont progressé parce que le médecin refusait de voir au-delà du poids, enfants à l’alimentation saine qui se sont vus prescrire des régimes draconiens par des pédiatres et ont lutté toute leur vie contre les troubles alimentaires, refus de traitements sur la seule base de l’IMC, et j’en passe. De l’autre, les messages pleins d’espoir et de force des membres de ma communauté, qui ont osé prendre l’avion pour la première fois, réussi à s’aimer après 60 ans de régimes et de honte, tenu tête à un médecin préjudicieux, découvert leur amour pour le sport dans une optique de santé plutôt que de perte de poids, refusé de se contenter de moins et réalisé que la minceur n’est pas un prérequis pour une vie heureuse et bien remplie.

Tu parles d’une peur collective de prendre du poids, d’une hiérarchisation des corps que l’on doit dénoncer : selon toi par où commencer pour faire évoluer les mentalités?

Je crois qu’il faut tout d’abord réaliser que les standards de beauté ne sont pas des faits, mais bien des opinions. La diversité corporelle est un fait de la nature, pas un buzzword, et l’impression d’être inadéquat.e, que l’on ressent presque tous.tes, est le résultat d’une vie entière à ne se faire montrer qu’un seul modèle d’humain. Mais les personnes minces ne sont pas la valeur par défaut; le poids corporel n’est pas un indicateur fiable des habitudes ou de la santé d’un individu, et la taille du corps est moralement neutre. L’industrie de la beauté, de la perte de poids et du prétendu « mieux-être » sont des machines très lucratives et puissantes qui bénéficient financièrement de tous ces complexes qu’elles travaillent fort à nous créer. Je crois donc qu’il faut cesser de boire le Kool-Aid, se fâcher contre ces systèmes qui profitent de notre vulnérabilité et réaliser, une bonne fois pour toutes, qu’il n’y a pas de mauvaise façon d’avoir un corps. Tous les corps sont valides, normaux et dignes de respect. Sans aucune exception.

« Avant d’ouvrir son essai, l’autrice Gabrielle Lisa Collard nous intime de «garrocher par la fenêtre tout ce que [nous croyons] savoir sur les gros corps et les personnes qui vivent dedans». Car son livre, Corps rebelle, déconstruit un à un les préjugés grossophobes intériorisés que nous pouvons toutes – inconsciemment ou non – entretenir. Et ça fait du bien! Adieu, idées préconçues, pèse-personne  et culture des régimes… on vous a assez vus! » écrivait récemment notre Chef de contenu culture, Laurie Dupont, à propos de l’œuvre.

Le Prix ÉquiLibre est un projet lancé par l’organisme ÉquiLibre qui vise à féliciter les initiatives québécoises qui ont su valoriser l’acceptation de la diversité corporelle en 2021 qui œuvrent dans le secteur de la mode, de la publicité ou des médias.

CorpsRebelle

Corps rebelleUn recueil de textes traitant de grossophobie et d’image corporelle qui vise à combattre la discrimination envers les personnes grosses puis à outiller celles-ci à faire face à ces préjugés. Québec Amérique, 22 $.

 

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