Comme bien des femmes, ma mère a subi le racisme. Je n’ai pas à le lui expliquer. Depuis mon tout jeune âge, mon père et elle me racontent les difficultés qu’il et elle ont vécues pour avoir accès à l’emploi. Il et elle ont aussi insisté sur l’importance particulière pour un jeune Noir issu de l’immigration d’avoir une bonne éducation afin que je me «taille une place dans la société». Rosemarie, par son instinct de survie maternel, a aussi pris soin de me dire de faire attention à la police.

Je choisis ici d’offrir quelques pistes de réflexion à ceux et celles dont la mère tient à réitérer: «Les Québécois, on n’est pas racistes.» À ceux et celles dont la mère dit parfois «je ne suis pas raciste, mais…», le tout suivi d’un commentaire on ne peut plus raciste. À ceux et celles dont la mère est convaincue de l’inexistence du racisme systémique. Ou à ceux et celles dont la mère est simplement curieuse.

Je vous suggère de commencer par une affirmation qui entre en conflit avec la compréhension commune du racisme: il n’existe pas des personnes racistes et d’autres pas racistes. Le racisme n’est pas une identité ni une étiquette permanente.

Le racisme se remarque par les désavantages que subissent les personnes en raison de la couleur de leur peau, de leur origine, de leur religion, de leur appartenance culturelle. Comment?

D’abord, par le fonctionnement des institutions. Dans le contexte des Amériques, des personnes venues d’Europe ont cru avoir «découvert» de nouveaux territoires, déjà occupés par des peuples autochtones. La fameuse colonisation. Les colons se sont emparés de terres et de richesses, ils ont exterminé des personnes et en ont soumis d’autres à l’esclavage. Une vaste opération d’exploitation prenant des formes différentes selon les contextes.

La philosophie, la justice, l’art, l’économie, la politique, la culture, des pans entiers de la société ont été organisés, consciemment et inconsciemment, de manière à maintenir cette exploitation. Les populations noires, autochtones et autrement racisées ont souvent été la matière brute permettant l’exploitation. Littéralement. De la matière.

Aujourd’hui, les relents de cette colonisation subsistent et continuent à désavantager les peuples historiquement dépossédés. Par exemple, il est difficile pour les populations autochtones de se libérer des effets des pratiques gouvernementales comme les pensionnats et la rafle des années 1960.

Ensuite, sur le plan individuel, il existe des actes que tout le monde commet. Faire des blagues, des commentaires désobligeants.

Enfin, notre inconscient est influencé par ce qui se dit dans nos familles, à l’école, dans les médias, notamment sous l’influence colonialiste. Le passé produit ses effets. Tout le monde, de par le fonctionnement du cerveau, entretient des préjugés, qui peuvent conditionner des comportements racistes. Exclure une personne d’un emploi, par exemple. Je vous invite à poser un regard critique sur ces préjugés, à en parler à votre mère, en lui expliquant qu’ils existent partout. Chez les mamans aussi.

Des conversations qui peuvent être inconfortables, mais nécessaires. Bonnes conversations!

Fabrice Vil est avocat et entrepreneur social.

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