Une nuit, alors que je donnais le biberon à ma fille de cinq mois, j’ai découvert par hasard une bosse dans mon sein. J’avais 35 ans. Paniquée, j’ai téléphoné à mon gynécologue, qui m’a dirigée vers une clinique de santé du sein. Parce que j’étais jeune et que je n’avais pas d’antécédents familiaux, on m’a dit qu’il n’y avait que 5 % de risque que la masse soit cancéreuse.

Deux mois plus tard, les résultats de la biopsie ont révélé qu’il s’agissait bel et bien d’un cancer. Je crois que ces deux mois d’incertitude ont été pires que l’année qui a suivi. Deux mois d’attente, d’impuissance et de panique durant lesquels mon cerveau me préparait au pire. Quand je l’ai finalement su, je suis immédiatement passée en mode action. J’étais prête à tout, férocement déterminée à chasser cet intrus de mon corps. À aucun moment je n’ai pensé y laisser ma vie. Je tentais de rester aussi positive que possible, mais annoncer la nouvelle à ma famille et à mes proches a été très dur. Le dire à voix haute, ça a rendu tout ça très concret, et leur tristesse m’a brisé le cœur. Mais à partir du moment où les tests ont révélé que le cancer ne s’était pas répandu ailleurs dans mon corps, j’ai décidé de voir ma maladie comme une grosse grippe. La seule option, c’était de passer au travers.

Après avoir été opérée, j’ai reçu 16 traitements de chimiothérapie et 19 de radiothérapie. Malgré une grande fatigue, je les tolérais assez bien. Je tentais de m’écouter, et je voyais ma chimio comme une visite chez le massothérapeute; c’était le seul moment où je m’accordais vraiment le droit d’être malade, de me laisser dorloter et de ne rien faire durant quelques heures. Le reste du temps, j’étais une jeune maman, avec tout ce que ça suppose de dévotion, de nuits blanches et de bonheur. Ma fille, trop jeune pour comprendre ce que je traversais, m’a donné la force de continuer à me battre. Elle était la seule personne dans ma vie qui ne me regardait pas avec les yeux de la maladie, et prendre soin d’elle était ma priorité. Son père était très présent et m’aidait beaucoup, mais j’ai tenu à vivre la maternité de manière aussi normale que possible.

Ce n’était pas de tout repos, mais la vie continuait, et je ne me reconnaissais nulle part dans la façon dont on parlait du cancer d’une personne qui était dans la trentaine. À la télé, dans les publicités ou les téléthons, je ne voyais que des femmes accablées, au teint gris, qui parlaient avec tristesse de leur vie d’avant. Sans porter le moindre jugement sur la façon dont les autres vivent avec cette maladie, j’avais envie de contribuer à projeter une image différente, plus représentative de la manière dont je me sentais: vivante, belle, fière et pleine d’espoir. Il n’y a aucune honte à avoir le cancer ou à être chauve! J’ai donc accepté de jouer les modèles pour une boutique locale, et mes photos ont circulé partout. Les messages de soutien ont commencé à affluer, et j’ai pu, par cette expérience, créer une communauté qui m’a énormément aidée à passer au travers et avec qui j’échange encore aujourd’hui. L’aide de la famille et des amis est essentielle, mais c’est aussi crucial d’échanger avec des gens qui vivent ou qui ont vécu la même chose que nous.

Mes traitements ont duré un an; un an de réflexions, de défis et de remises en question qui m’ont transformée du tout au tout. Plutôt que de me tirer vers le bas, la maladie m’a propulsée vers le haut. Aujourd’hui, mon désir de vivre est plus fort que jamais. Certes, après cinq ans sans récidive, la peur que le cancer revienne reste présente, et j’y pense tous les jours, mais elle me pousse à vivre ma vie. Une vie qui me ressemble. Si je devais un jour recevoir un second diagnostic, je voudrais pouvoir regarder ma vie passée et me dire que je n’ai aucun regret.

Le cancer, pour moi, s’est avéré un immense cadeau de la vie. Un cadeau qui m’a permis de me découvrir, de réaliser mon plein potentiel. Il m’a appris à m’affranchir de l’opinion des autres; j’ose me choisir et suivre mes envies, quitte à faire des vagues. Je veux me sentir libre, et j’essaie d’inculquer à ma fille l’importance de profiter du moment présent, d’être fier de soi et de s’assumer pleinement.

Si je pouvais donner un conseil à la Mélissa d’avant mon diagnostic, je lui dirais ceci: «Ta vie s’apprête à être chamboulée. Tu vas vivre des moments difficiles, mais tu seras portée par une vague d’amour incroyable. Accepte-la; fais-toi confiance. Enjoy the ride.» 

Vous vivez une histoire particulière et aimeriez en faire part à nos lectrices? Une journaliste recueillera votre témoignage. écrivez à Laurie Dupont, à [email protected]

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