J’étais loin de me douter qu’après toutes ces années, mon univers allait s’écrouler lorsque je découvrirais que l’homme que j’aimais n’était pas avec moi à 100 %.

Parce qu’on s’était rencontrés jeunes et qu’on voulait tous les deux prendre notre temps, mon ex et moi avons attendu longtemps avant d’emménager ensemble. En fin de compte, on n’aura fait vie commune qu’au cours des deux dernières années de notre relation. La première, on a vécu ensemble dans un beau grand appartement. Ma carrière allait bien, la sienne aussi, et on avait commencé à essayer d’avoir un enfant. Vincent bossait dans la restauration, avec le mode de vie que ça implique; il travaillait de soir du mardi au samedi, rentrait souvent très tard, dormait chez des amis, fêtait fort… Et moi, je faisais du 9 à 5 dans un bureau. On se voyait donc très peu, et ce n’était pas rare qu’il disparaisse le temps d’une nuit. Je lui faisais confiance, ou du moins, c’est ce que je croyais. En y repensant, je me rends compte que j’étais souvent inquiète, mais je tenais dur comme fer à ne pas être «la blonde gossante» comme certaines copines de ses collègues. On était tous les deux des êtres indépendants. J’avais ma vie et je voulais le laisser vivre la sienne.

Après un an de vie commune, Vincent m’a annoncé qu’il avait envie de changer d’air, d’aller travailler dans différents restos à travers le monde et de voyager. J’étais triste qu’il ne m’invite pas à partir avec lui, car j’aurais tout laissé tomber pour le suivre. Mais je le soutenais dans son projet, malgré tout, et on est partis à la recherche d’un appart plus petit que je pourrais payer seule lorsqu’il partirait. À l’approche du déménagement, on a dû se départir de plusieurs meubles pour lesquels on n’avait pas de place dans notre futur trois et demi. Il a donné son lit, sa télé et quelques autres objets à Alix, une collègue dont il me parlait souvent, que je ne connaissais pas, mais dont je savais qu’il était très proche. Quand il est parti lui porter ses choses, sur le coup, je me suis dit qu’elle était peut-être pauvre et qu’elle avait besoin d’un coup de main.

En fait, ce jour-là, Vincent emménageait avec Alix. À mon insu. Puis, pendant cinq mois, il a vécu avec… nous deux. Je n’ai rien vu, et je ne sais pas ce qu’il lui disait. Tout ce temps, on continuait d’essayer de concevoir un bébé.

Il dormait alors chez nous environ quatre soirs par semaine. Il découchait plus souvent qu’avant, mais j’avais moi aussi une vie bien remplie et, surtout, j’essayais de ne pas l’étouffer. Un jour, j’ai remarqué que Vincent n’avait plus de code sur son téléphone, alors qu’il en avait toujours eu un. J’ai pensé qu’il voulait peut-être, consciemment ou non, que je fouille dedans. J’ai lu ses textos pendant qu’il était sous la douche et découvert une tonne de messages d’amour entre Alix et lui.

«Je t’aime. Ton odeur me manque.»

Je l’ai confronté en lui demandant s’il était amoureux d’elle. Il m’a répondu que oui. Je lui ai dit que c’était terminé et qu’il devait partir. Le lendemain, Vincent était venu chercher toutes ses choses. C’était fini. Du moins, je le croyais.

Six mois plus tard, une amie m’a dit qu’elle l’avait vu sortir de chez moi, tandis que j’étais au travail. Paniquée, je me suis rappelé que je n’avais jamais repris ses clés et je l’ai contacté pour lui demander ce qu’il faisait chez moi. Il a d’abord inventé une histoire, mais a fini par m’avouer qu’il n’avait jamais dit à sa mère qu’on était séparés et qu’il continuait de la recevoir à bruncher chaque semaine, comme il le faisait depuis longtemps, à mon appartement. En mon absence. Pendant six mois. Je n’arrivais pas à y croire. Ni moi ni sa mère, que j’adorais, on ne s’était rendu compte de quoi que ce soit. J’ai appris qu’elle avait ouvert un tiroir, une fois, et constaté avec tristesse que son fils n’avait aucun sous-vêtement. La semaine suivante, elle lui avait apporté plusieurs boxers.

Un an plus tard, en apprenant toute l’histoire, elle m’a téléphoné en pleurant pour s’excuser du comportement de son fils.

Je n’ai jamais revu Vincent.

Je vais mieux, aujourd’hui, mais il m’a fallu beaucoup de temps pour me remettre de cette rupture et de l’abus de confiance dont j’ai été victime. Les 18 premiers mois, je pleurais tous les jours. Je doutais de moi et des autres; j’avais honte; je me sentais conne et naïve. Je suis une femme intelligente, pourtant – je n’arrivais pas à croire que j’avais vécu une telle chose. Le plus dur, ç’a été de ne pas laisser la rupture teinter négativement toute notre relation. Ç’a été une si importante partie de ma vie que je refuse de la considérer comme un échec. J’ai choisi de voir la fin pour ce qu’elle était – une mauvaise fin –, plutôt que de remettre en question 15 ans d’amour.

Je ne suis pas en colère contre Vincent. J’imagine qu’il souffrait beaucoup et qu’il croyait me protéger en me cachant des choses. Mais il a été lâche, et ses mensonges m’ont blessée beaucoup plus que ne l’aurait fait la vérité. J’aurais préféré qu’il me dise qu’il tombait amoureux d’une autre. J’aurais aussi aimé qu’il s’excuse de m’avoir autant manqué de respect, ce qu’à aucun moment il n’a fait.

J’ai beaucoup appris au fil de cette expérience traumatisante. Avec le recul, je comprends que je voulais tellement être la «blonde cool» que j’ai fait fi de ma petite voix intérieure et me suis empêchée de poser des questions quand j’avais des doutes légitimes. Après plusieurs années de thérapie, je suis arrivée à ne plus me juger d’avoir été victime de Vincent et de me pardonner les choix que j’ai faits pour protéger ma relation. Si c’était à refaire, tout de même, je m’écouterais davantage.

Je me ferais passer en premier.

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