Il y a un peu plus de six ans, j’ai tout laissé derrière pour m’envoler vers l’Asie du Sud-Est faire un voyage dont j’avais rêvé toute ma vie: six mois d’aventures et d’exploration, seule avec mon sac à dos. Ce n’était pas mon premier voyage en solo, mais jamais je n’étais partie aussi longtemps. J’étais célibataire, sans attaches, prête à vivre l’aventure d’une vie. Avant mon départ, mes parents, de qui je suis très proche, m’avaient dit à la blague: «On ne te demande que deux choses: reviens en un morceau, et ne rencontre pas quelqu’un qui vit à l’autre bout du monde!» 

Deux mois et demi plus tard, le destin mettait Giuseppe sur mon chemin

Accompagnée d’un ami québécois venu me rejoindre pour quelques semaines, je débarquais tout juste dans la magnifique ville de Luang Prabang, au Laos, avec ses airs européens et sa température paradisiaque, après un voyage de deux jours en bateau sur le Mékong, depuis la Thaïlande. Après avoir exploré un peu la ville, on s’est rendus dans un bar appelé Utopia pour faire la fête. C’est un très bel endroit, fortement fréquenté par les voyageurs; un espace ouvert, avec vue sur le Mékong, rempli de coussins où s’avachir confortablement. L’ambiance était parfaite; on a dansé, bu, rigolé et fait la rencontre de plein d’autres voyageurs. Parmi eux se trouvait un garçon, assis un peu en retrait avec sa bière, qui a tout de suite attiré mon attention. Il avait quelque chose de mystérieux. En revenant de la salle de bains, j’ai décidé de l’aborder. Tout paraît tellement plus facile en voyage. J’étais heureuse, je me sentais libre et je n’avais rien à perdre, après tout. Je me suis donc assise avec lui, et ç’a tout de suite cliqué entre nous, malgré la barrière de la langue. On a dansé et discuté jusqu’à la fermeture du bar (les bars ferment vers 23 h au Laos), puis on a sauté ensemble dans un tuk-tuk pour se rendre avec nos amis dans un salon de quilles clandestin et y continuer la soirée. 

J’ai appris qu’il s’appelait Giuseppe et qu’il était originaire de la région des Pouilles, en Italie. Il était beau, avec son teint méditerranéen, son accent et son grand sourire, et il me plaisait énormément. On s’est embrassés, ivres l’un de l’autre, comme sur un petit nuage où il n’y avait que nous deux. À la fin de la nuit, désertés par nos amis, on s’est arrêtés à un kiosque de coin de rue pour manger une bouchée avant de partir chacun de notre côté. C’était une soirée extraordinaire, mais j’étais certaine que je ne le reverrais jamais

Le lendemain, au réveil, j’ai découvert une capture d’écran de son profil Facebook dans mon téléphone. Je lui ai fait une demande d’amitié et on a commencé à jaser. Il m’écrivait en italien, moi en anglais, et on se débrouillait de notre mieux avec Google Translate. Je m’attendais à ce que notre relation soit éphémère, comme tant d’amitiés de voyage, mais on a continué à se parler. Au fil des mois, on s’est raconté nos vies, on a discuté de nos rêves, de nos ambitions, de nos familles. Notre connexion s’approfondissait de jour en jour. Vers la fin de mon périple, il a commencé à m’inviter chez lui, à Vieste, mais je ne voulais pas écourter mon voyage pour un garçon que je n’avais vu qu’une seule fois.

«Ce que je faisais là, c’était le premier d’une série de voyages que j’allais entreprendre en Italie pour aller rejoindre celui qui deviendrait mon mari.»

Au même moment, apprenant que ma mère avait des ennuis de santé, je suis rentrée d’urgence au Québec pour aller passer quelques semaines chez mes parents. Heureusement, elle a vite repris du mieux, et a tout de suite remarqué que j’étais constamment sur mon téléphone à «chatter» avec ce bel Italien rencontré à l’autre bout du monde. Je tenais à rester auprès d’elle, mais elle m’a convaincue d’aller lui rendre visite, histoire d’en avoir le cœur net. Avec sa bénédiction, j’ai donc réservé mon billet et je suis partie rejoindre ce garçon que j’avais croisé dans un bar au Laos, par pur hasard, des mois auparavant. Une fois dans l’avion, quand il n’était plus possible de faire marche arrière, je me souviens de m’être demandé: «Mais qu’est-ce que je fais là?» 

Ce que je faisais là, c’était le premier d’une série de voyages que j’allais entreprendre en Italie pour aller rejoindre celui qui deviendrait mon mari. Dès le premier jour où on s’est revus, quand il a posé sa main sur mon épaule à l’aéroport, avant de m’emmener découvrir les Pouilles en faisant un petit détour par Rome, ç’a été le coup de foudre. Depuis, on est inséparables. On partage notre temps entre le Québec et Vieste, où Giu possède une entreprise de croisières journalières sur l’Adriatique et une oliveraie. On a voyagé ensemble, du Bas-du-Fleuve aux Pouilles en passant par le Kenya, on s’est acheté une maison en Estrie et on s’est mariés deux fois. La première s’est déroulée chez le notaire, en pleine pandémie, avec mes parents pour témoins; les déplacements entre les pays étaient complexes et incertains à l’époque, et on n’en pouvait plus de ne jamais savoir combien de temps on serait séparés. On a sabré le champagne dans le Vieux-Montréal, dans le froid glacial de février, et on s’est baladés dans les rues désertes, parmi les commerces et les restos fermés. La seconde a eu lieu au bord de la mer, dans une Italie inondée de soleil, entourée de proches, lors d’une célébration qui a duré plusieurs jours. 

«Malgré l’incertitude, au fond de moi, quelque chose de très, très fort me poussait à continuer d’explorer cette relation.»

Si j’ai assurément un penchant pour l’aventure, je ne suis pas quelqu’un d’irréfléchi. Je sais bien que toute cette histoire pouvait paraître un peu folle vue de l’extérieur et que les gens autour de nous n’y croyaient pas vraiment — ce qui est parfaitement compréhensible. Mais malgré l’incertitude, au fond de moi, quelque chose de très, très fort me poussait à continuer d’explorer cette relation. Je ne regrette absolument pas d’avoir écouté mon intuition! 

Giuseppe est un homme brillant, sensible, curieux, attentionné, travaillant, altruiste, ouvert d’esprit et généreux. Mon attirance, ma confiance, mon respect et mon amour pour lui ne font que grandir avec les années. Aujourd’hui, on est tous deux trilingues, nos familles s’adorent et on a d’innombrables projets ensemble. On fait une excellente équipe. C’est ma personne; je n’ai pas le moindre doute là-dessus.

Propos recueillis par Gabrielle Lisa Collard.