Je me souviendrai toute ma vie du moment où Frédéric et moi nous sommes revus, en chair et en os, pour la première fois depuis des années. De cet instant où j’ai pensé: «C’est lui, c’est le bon.» Avant d’en arriver là, pourtant, nous en avons mis, du temps…

En 2007, je sortais d’une relation de six ans. Six ans de doute, de peine, de déchirements, de hauts… mais surtout de bas. J’apprenais enfin à vivre seule, pour la première fois de ma vie, dans un petit studio où je venais d’emménager.

Un jour, ma nouvelle photo de profil Facebook a suscité beaucoup de commentaires flatteurs. Évidemment, ces compliments m’ont fait plaisir, mais je ne me berçais pas d’illusions, car dans les médias sociaux, on louange, on félicite, on encourage… mais qui sait à quel point c’est sincère? Au moment où je me faisais cette réflexion, un message a surgi sur mon écran: «Si tout le monde dit que t’es belle, ça doit être vrai.»

Mon coeur s’est emballé lorsque j’ai lu le nom de l’expéditeur. Frédéric! LE Frédéric que je regardais de loin au secondaire et que je trouvais si beau, si extraordinaire! Après le cégep – où nous avions appris à nous connaître un peu mieux -, nous nous étions perdus de vue et avions fait nos vies chacun de notre côté. Mais voilà qu’il me retrouvait sur Facebook!

Je lui ai répondu, évidemment. Nous avons échangé un courriel, puis deux, puis trois… Les banalités se sont vite transformées en longues discussions. Nous parlions de nos valeurs, de nos aspirations, de nos enfances respectives, de nos envies… Lorsque je lisais ses messages, c’était comme si je reconnaissais mes propres mots, comme si nous partagions le même esprit.

«Il m’arrivait souvent de ne pas me doucher pour ne pas quitter mon écran plus de cinq minutes d’affilée.»

Au bout de trois mois d’échanges, nous en étions rendus à nous envoyer des centaines de courriels par jour. Il m’arrivait souvent de ne pas me doucher pour ne pas quitter mon écran plus de cinq minutes d’affilée. J’étais pigiste à ce moment-là, et autant dire que je n’étais pas au summum de mon efficacité professionnelle!

Pourtant, notre histoire n’était pas idyllique, car si j’étais célibataire, Fred, lui, ne l’était pas. Vraiment pas. En couple depuis cinq ans, il partageait un condo (et un chien!) avec sa fiancée. Le genre d’engagement qu’on ne brise pas pour une belle photo de profil Facebook! Il avait beau me répéter que ça ne fonctionnait plus du tout avec sa blonde, qu’ils n’étaient plus que colocataires… j’avais des doutes. Me mentait-il? Combien de filles avant moi s’étaient fait chanter la pomme par un homme en couple et avaient fini par se rendre à l’évidence qu’il ne quitterait jamais sa femme? Est-ce que je voulais vraiment être cette fille-là, celle qui brise un ménage? Quelle serait ma réaction si c’était à mon amie que ça arrivait?

Les questions s’enchaînaient dans ma tête. Quand j’en faisais part à Fred, il me rassurait et me demandait de lui faire confiance. Soit. Jusqu’à présent, je n’avais jamais été le genre de fille à aimer courir des risques mais, depuis le début de notre histoire, une petite voix intérieure me répétait de sauter à pieds joints dans cette aventure. J’ignore encore si cette voix m’était soufflée par mon instinct, par un sixième sens ou par mon ange gardien, mais je me félicite chaque jour de l’avoir écoutée.

Durant tout ce temps, nous ne nous étions encore jamais revus en vrai. Dans nos échanges, aucun des deux ne l’avait encore proposé. De mon côté, ça me faisait peur. Je ne voulais pas perdre ce que nous avions construit, je craignais que le Fred en chair et en os ne soit pas à la hauteur de celui que j’apprenais à connaître depuis plus de trois mois. Heureusement, il s’est décidé avant moi à franchir le pas. Un jeudi après-midi, alors que mon appartement était sens dessus dessous et que je lui envoyais des courriels en pyjama depuis mon divan, il m’a écrit: «Tu fais quoi, là? J’ai envie de te voir.» Il disposait d’une dizaine de minutes entre deux rendez-vous et proposait que nous nous rejoignions dans un café.

Quand j’ai lu ce message, j’ai eu l’impression de manquer d’air. Je me suis dit que tout pourrait s’effondrer dans les prochaines minutes. Si le courant ne passait pas entre nous, notre histoire serait gâchée à jamais. Après toutes ces choses profondes que nous nous étions écrites, je ne pouvais pas me résoudre à ce que nos premiers mots en personne soient «où est-ce que tu veux t’assoir?» ou «prendras-tu du sucre avec ton latte?». En même temps, je ne pouvais pas dire non; il fallait bien que ce moment finisse par arriver…

J’ai repris mes esprits et je lui ai fait une proposition: il allait venir sonner chez moi, et nous n’échangerions pas un mot. J’allais ouvrir la porte, et ce serait le silence total. Nos esprits se parlaient depuis plus de trois mois; il fallait maintenant voir si nos corps s’accorderaient aussi bien. Enthousiaste, il a accepté sans hésiter.

Je me suis dépêchée de ranger mon appartement, j’ai sélectionné une playlist appropriée, j’ai allumé des chandelles, collé des flèches partout, du bas de l’escalier jusqu’à ma porte… De plus en plus stressée, j’ai failli lui écrire une quinzaine de fois pour lui demander de ne pas venir mais, chaque fois, je me suis ravisée.

Lorsqu’il a cogné à la porte, j’étais paralysée. Mon coeur battait la chamade. J’avais peur qu’il rompe le charme et qu’il parle, j’avais peur d’être déçue, peur de le décevoir à mon tour. Mais je me suis secouée et j’ai ouvert à celui que j’attendais depuis des mois… depuis toute ma vie.

Nous nous sommes regardés cinq longues secondes en silence, puis je lui ai sauté au cou, et nous nous sommes embrassés. Il m’a attrapée dans ses bras et m’a portée jusqu’au sofa. Nous avons fait l’amour en silence. Nos corps se parlaient pour la première fois et ils se reconnaissaient. Au moment où Fred a dû partir, le voeu de silence n’avait toujours pas été brisé, alors il m’a laissé une note: «Je dois y aller, mais je vais revenir. Je t’aime.»

«Même si tout devait s’arrêter là entre nous, j’étais infiniment heureuse d’avoir connu une telle passion.»

Pendant quelques minutes après son départ, je me suis demandé ce que nous allions faire maintenant, mais mon questionnement n’a pas duré longtemps. Même si tout devait s’arrêter là entre nous, j’étais infiniment heureuse d’avoir connu une telle passion.

Le lendemain, il m’écrivait pour me dire qu’il voulait me revoir. Il comptait venir me rejoindre le samedi, à 4 h du matin, pour me préparer le déjeuner. «Quand tu vas te réveiller, je serai là, et ce sera comme si on avait passé la nuit ensemble.»

Évidemment, je n’ai pas dormi de la nuit. Je me suis couchée, apprêtée comme une poupée, et j’étais bien réveillée lorsqu’il est arrivé chez moi. Nous avions décidé de ne parler que lorsque ça voudrait vraiment dire quelque chose. J’avais donc collé des Post-it partout dans mon appartement pour lui indiquer où se trouvaient la salle de bains, le café, les ustensiles…

Nous avons passé une journée d’amoureux à la maison, à faire l’amour, à manger, à faire l’amour encore… Nous communiquions en nous écrivant sur des petits bouts de papier. Et quand le papier est venu à manquer, nous avons tatoué nos mots doux directement sur nos corps.

Avant qu’il parte, il m’a chuchoté «je t’aime» à l’oreille. C’était la première fois depuis nos retrouvailles que j’entendais sa voix. Et quand je lui ai répondu «moi aussi», c’était la première fois qu’il réentendait la mienne.

Le lendemain, il venait s’installer dans mon studio, quittant sa vie d’avant pour que nous puissions commencer la nôtre. Nous ne nous sommes plus jamais séparés. En ce qui concerne mon sentiment de culpabilité envers la fiancée de Fred, j’ai eu de la chance: au moment de leur rupture, elle lui a avoué qu’elle avait un amant de son côté, elle aussi. Une preuve, encore une, que Fred et moi étions destinés l’un à l’autre…

Aujourd’hui, sept ans et trois enfants plus tard, notre lune de miel dure toujours. Chaque année, nous fêtons notre anniversaire en amoureux. Nous passons la journée à l’hôtel, en silence, à faire l’amour et à communiquer par mots doux. Et lorsque nous reprenons notre vie normale, après une journée passée à nous taire, nous échangeons un «je t’aime» qui traduit tout le bonheur que nous ressentons de nous être trouvés.

À DÉCOUVRIR:
La tentation annonce-t-elle la fin du couple?
La vérité derrière nos «je t’aime»
Rencontres sur Internet: l’amour en quelques clics