Je ne crois pas en une seule et unique âme sœur. Le monde est peuplé de gens fascinants au contact desquels on peut apprendre et s’épanouir. Après tout, jusqu’à preuve du contraire, je n’ai qu’une vie, et elle est courte! C’est pour cette raison que lorsque j’ai rencontré le père de mes deux enfants, avec lequel j’ai vécu 10 ans, nous avons décidé d’être un couple ouvert. C’était une première pour moi. L’idée me plaisait et le deal était clair: on ne se parlerait pas de nos aventures sexuelles et on ne tomberait pas amoureux de nos partenaires. Nous pensions qu’ainsi, notre couple serait préservé. Pourtant, c’est précisément ce qui l’a détruit. Les sentiments échappant à tout contrôle, mon ex a fini par s’éprendre d’une de ses conquêtes et il a fait le choix de me quitter pour elle. La séparation a été difficile, mais elle m’a permis de réaliser qu’au-delà de tout, c’est le mensonge qui m’a rongée.

À la suite de cette rupture, j’ai fait la connaissance de François sur un site de rencontres il y a trois ans. J’ai tout de suite été conquise par sa maturité et sa sensibilité. Père de deux enfants lui aussi, il était à la fois séduisant et rassurant. Notre histoire est vite devenue sérieuse, et le sujet du polyamour s’est invité naturellement dans nos discussions. Je dis polyamour car, contrairement à l’expérience que j’avais vécue avec mon ex, où toute relation parallèle était cachée, la transparence y est essentielle! Mais François étant novice en la matière (et moi aussi, en quelque sorte), nous avons voulu prendre le temps de nous construire à deux avant d’envisager d’ouvrir notre couple. Par ailleurs, il n’a jamais été question de chercher activement à rencontrer quelqu’un d’autre. Simplement, si tel était le cas, pourquoi se priver de ressentir ou même d’aimer? Certains nous jugeront frivoles. Je pense au contraire que choisir ce mode de vie nécessite beaucoup d’amour, de confiance et de respect pour son partenaire. Et puis, cela n’empêche pas de faire des projets de vie à long terme. La preuve: nous nous sommes mariés au début du printemps dernier et je suis tombée enceinte deux mois plus tard!

C’est alors que j’ai rencontré Charles. Contrairement à certains polyamoureux, qui préfèrent cultiver plusieurs relations de la même intensité, François et moi avons toujours été d’accord sur un point: notre couple est la priorité absolue. Je lui ai donc immédiatement parlé de mon désir naissant pour Charles, et nous avons établi trois règles: port du condom en tout temps, consentement et communication. Au début, tout se passait bien, mais je suis rapidement tombée très amoureuse et je dois admettre que je n’ai pas toujours été à l’écoute de François. Malgré un dialogue constant, il s’est souvent senti seul et exclu. Je le comprends: déjouer le sentiment d’insécurité est l’un des plus grands défis de notre quotidien. C’est pourtant ce que j’ai tenté de faire en lui présentant mon amoureux. Je voulais le lui rendre sympathique, éliminer le mensonge et l’inclure dans mon histoire. Malgré tout, leur relation est devenue conflictuelle. Inutile de préciser que cette période a mis mon mariage à rude épreuve et quand j’y repense, sans notre entêtement à sauver notre couple, nous ne serions plus ensemble aujourd’hui.

Quelques mois plus tard, cependant, mon mari a fait la connaissance de Mélissa et s’est épris d’elle. Il me l’a présentée et je suis tombée sous son charme. Intéressante, pétillante, je comprends qu’il ait été séduit. Notre vie peut sembler compliquée, mais honnêtement, entre les enfants que nous avons en garde partagée avec nos ex, notre couple, mon amoureux et la chérie de François, le plus difficile à gérer dans cette situation, ce sont les agendas! Pour le reste, je pense que le dialogue est la clé. Suis-je jalouse par moments? Bien sûr. Il m’arrive de me sentir plus vulnérable, surtout enceinte de six mois. Mais nous parvenons toujours à désamorcer le sentiment d’insécurité en restant à l’écoute des limites et du rythme de chacun. Nos enfants sont-ils au courant de notre mode de vie? Oui. Les miens, préados, ont même rencontré Mélissa, qui est maman d’un petit garçon. Et ils ont hâte de la voir à nouveau.

«Être libre d’aimer qui je veux est essentiel pour moi, mais pas au point de mettre ma vie de famille et mon mariage en péril.» 

Quant à Charles, notre histoire s’est terminée il y a quelques mois. J’y ai mis un terme, car non seulement cet amour me faisait du mal, mais il commençait à être trop lourd à porter pour mon couple. Or, je ne veux jamais avoir à faire un choix entre mon amoureux et François. Être libre d’aimer qui je veux est essentiel pour moi, mais pas au point de mettre ma vie de famille et mon mariage en péril. Aujourd’hui, je suis en paix. D’ailleurs, François m’a aidée à traverser cette peine d’amour sans jamais tenter de se venger du mal que j’ai pu lui faire, ce dont je lui suis reconnaissante. Les mois ont passé, j’ai appris à connaître Mélissa et je me suis attachée à elle… à tel point que nous vivons désormais une belle relation à trois! Je la vois tantôt seule, tantôt avec mon mari. Rien n’est forcé, les rapports sont simples et il y a toujours beaucoup de tendresse et de sensualité entre nous.

Avec l’arrivée de notre enfant au printemps, on risque de se recentrer un peu plus sur notre cocon familial, mais Mélissa y aura sa place, c’est certain. Le sentiment d’inclusion est primordial pour que tout le monde s’épanouisse dans ce contexte. Quant à mon couple avec François, je sais qu’il est solide, et le temps qu’on veille à se ménager en amoureux est précieux. Finalement, on fait peut-être plus attention que d’autres à cultiver l’amour et le désir qui nous lient, car pour que ça fonctionne avec d’autres, il faut d’abord que ça fonctionne parfaitement entre nous.