J’ai toujours vu l’amour comme un jeu et la vie comme un film d’aventures. Petite, je ne tenais pas en place. Et ça n’a pas vraiment changé avec le temps: je ne supporte toujours pas l’ennui, encore moins à deux. Pourquoi tolérer le train-train quotidien quand on peut mener une existence excitante? Comment peut-on s’abandonner à la banalité alors qu’avec un peu d’imagination, on peut s’épanouir en couple?

J’en étais là dans mes réflexions hautement philosophiques quand Olivier est venu me rejoindre au resto, après le boulot. On finissait souvent la semaine comme ça, en rigolant devant un bon verre de vin et un plat de linguines aux fruits de mer. Ce n’est pas que nous formions un vieux couple mais, après quatre ans de vie à deux, disons que nous avions nos petites habitudes – même si l’expression me donne de l’urticaire!

Petite parenthèse: j’ai mis un certain temps avant d’emménager avec Olivier. J’avais beau être follement amoureuse de lui, j’avais peur de perdre mon indépendance. Mais, avec lui, c’était différent: il avait le don de me faire sentir aimée et libre. Zéro jalousie ni possessivité entre nous, rien que de la complicité et du plaisir à être ensemble. Fin de la parenthèse. Ce soir-là, au resto, Olivier avait la tête ailleurs. Il rouspétait pour un rien. Ça brassait à son bureau, alors j’ai mis sa mauvaise humeur sur le compte du stress. On a mangé rapidement, puis on est rentrés en silence. Ça ne nous était jamais arrivé.

PLUS: C’est mon histoire: «Notre amour a commencé en silence»

Les semaines ont passé. Nos fous rires se sont faits plus rares, nos baisers, plus furtifs, et nos tête-à-tête à notre pizzeria préférée, plus lourds. J’ai même surpris Olivier à scruter le fond de son verre de pinot noir pendant que je lui racontais la dernière frasque d’Émilie, ma meilleure amie. Tout ce qu’il a trouvé à me dire, c’était qu’il trouvait les pâtes trop cuites. Je sais, ça peut arriver à tout le monde d’enchaîner les soupers banals, mais cette distance soudaine m’inquiétait. D’autant plus que plusieurs nuits d’affilée, nous nous étions endormis sans même nous toucher… Étais-je moins désirable? Avait-on déjà fait le tour de notre relation? Étions-nous en train de nous éloigner l’un de l’autre? Je m’affolais rien que d’y penser. Je ne pouvais pas laisser faire ça! Je devais réagir. Mais comment? Je n’en avais aucune idée.

Puis, un midi, après mon cours de yoga, j’ai eu une illumination. Et si je m’inventais un amant imaginaire? (J’avais vu ça dans un film, il y a longtemps.) Ça réveillerait Olivier, non? En plus, je n’aurais rien à me reprocher, puisque je ne le tromperais pas réellement.

«T’es folle?», m’a lancé Émilie lorsque je lui ai fait part de mon plan pour sauver mon couple d’un naufrage annoncé. «Ça arrive, les temps morts, dans une relation…», m’a-t-elle dit pour tempérer mes ardeurs. Mais, pour une rare fois, je ne l’ai pas écoutée. Bref, je me suis inventé un amant.

« J’avais un peu honte de mes agissements, mais puisque c’était pour une bonne cause… » 

Le matin, j’ai commencé à me faire particulièrement belle. Moi qui allais travailler la plupart du temps en jean et gros pull, j’enfilais une tunique en soie et un legging sexy, ou j’osais carrément porter une robe et des cuissardes. Olivier l’a remarqué tout de suite. Je le voyais dans son regard étonné, mais il ne m’a posé aucune question, se bornant à me dire qu’il me trouvait «bien jolie, aujourd’hui». Je me contentais de sourire mystérieusement. J’avais un peu honte de mes agissements, mais puisque c’était pour une bonne cause… j’en rajoutais, en m’aspergeant d’un parfum que je réservais aux occasions spéciales. Les jours suivants, je me suis mise à oublier de rapporter du pain, à prendre un air rêveur à table. J’ai même chuchoté quelques fois au téléphone (j’étais en ligne avec Émilie, toujours agacée par mon stratagème), histoire d’éveiller les soupçons d’Olivier. Qui ne vinrent pas. Rien! Aucune réaction.

PLUS: C’est mon histoire: «J’ai été trahie par ma meilleure amie»

J’ai donc décidé de jouer le grand jeu, soit de me faire envoyer des fleurs à la maison et de prendre un air troublé en lisant la carte qui les accompagnait. Je sais, c’était puéril, mais n’oubliez pas que j’étais prête à tout pour réveiller mon couple en précoma. Encore une fois, la réaction d’Olivier m’a désespérée.

Il est sorti de la cuisine avant même que j’aie fini de déballer le bouquet. J’ai donc continué sur ma lancée
 «de la fille qui part travailler avec un
 look d’enfer» puis, un soir, prétextant
 un cinq à sept avec les filles du bu
reau, je suis rentrée autour de minuit,
 passablement pompette. (À vrai dire, j’avais prolongé l’apéro chez ma chère Émilie qui, dois-je le dire, s’inquiétait un peu de la tournure des événements.) Olivier m’attendait tranquillement, allongé devant son talk-show américain préféré. Il m’a demandé si j’avais passé une bonne soirée. J’ai bredouillé une réponse quelconque avant de m’effondrer sur le canapé, atterrée. Je rentrais à pas d’heure, et c’était tout l’effet que ça lui faisait? Son calme olympien – pour ne pas dire son indifférence – me désarçonnait totalement. Je me suis endormie le cœur lourd.

Mon anniversaire arrivait dans quelques jours. J’ai donc répété le coup des fleurs, en laissant traîner la petite carte manuscrite qui disait: «Joyeux anniversaire à la plus séduisante de mes clientes! – Étienne». Cette fois-ci, Olivier a mordu. «Je le connais? Étienne… ça ne me dit rien.» Ce à quoi j’ai répondu: «Je t’en ai pas parlé? C’est un nouveau consultant, à l’agence. Il est très compétent.» Un ange est passé. Olivier, ayant à peine réagi, a marmonné qu’il était sans doute aussi «très motivé pour m’envoyer un aussi beau bouquet, à la maison, en plus.» Motivé? J’étais exaspérée! Si bien que, sous le coup d’une impulsion, je lui ai annoncé que j’allais passer le week-end à New York avec Émilie, pour mon anniversaire. Il ne me restait qu’un an avant la trentaine, après tout: il fallait fêter ça!

Ça l’a un peu surpris, lui qui avait prévu m’inviter dans un resto chic pour l’occasion, mais, bon joueur, il s’est montré content pour moi. J’en ai profité pour aller visiter ma sœur à Toronto. Le dimanche midi, n’y tenant plus, j’ai décidé de revenir à Montréal. Cinq heures de route, ça donne le temps de réfléchir. Je commençais à en avoir assez de cette comédie. D’ailleurs, mes tactiques étaient nulles. Olivier était toujours aussi distant et, moi, je me sentais ridicule.

En arrivant, j’ai trouvé la maison vide. Étrange, puisque j’avais texté à Olivier que je rentrais pour le souper. Sa partie de hockey de garage avait dû se prolonger. Les heures ont passé. Pas de réponse à mes textos. Bah! Il était sans doute en train de boire une bière avec ses coéquipiers. Quand je l’ai entendu rentrer aux petites heures, j’ai fait semblant de dormir.

PLUS: 10 clés pour faire durer son couple

Après quelques nuits blanches et de nombreuses conversations avec Émilie, j’ai décidé de tout avouer à Olivier. Et, dans la foulée, de lui dire combien je tenais à lui, mais que je n’aimais pas notre vie de couple, qu’il fallait qu’on se retrouve! Je me suis exécutée le soir même. J’ai fait ma confession, une énorme boule dans la gorge.

Il est resté étrangement silencieux. Il a pris une longue inspiration, a fait une pause encore plus longue, avant de m’avouer tout bas qu’il avait une maîtresse. Et que, dans son cas, c’était vrai: cette fille existait. Il l’avait rencontrée par hasard, s’était senti très attiré par elle; ç’avait été plus fort que lui.

Je devenais folle! Je le mitraillais de questions. Il ne répondait que par monosyllabes. Quand je lui ai demandé pourquoi, il m’a expliqué qu’il se sentait «vivant» avec elle. Et pas avec moi? J’hallucinais. Quoi, on n’était pas bien ensemble? On ne s’amusait pas, tous les deux? C’est à cet instant précis qu’il m’a dit le fond de sa pensée. Oui, on était bien ensemble, là n’était pas la question. Mais il se sentait toujours en représentation pour me plaire: il ne se sentait pas vrai avec moi.

« J’ai aussi compris que l’amour peut être un jeu dangereux, surtout lorsqu’on est pris à son propre piège. »

On s’est quittés peu de temps après. La rupture a été extrêmement difficile. Mais, avec le recul, je peux dire qu’elle m’a fait mûrir aussi. Depuis le temps où Olivier est sorti de ma vie (ça fait maintenant deux ans), j’ai perdu le désir que ma vie soit une fête perpétuelle. J’ai aussi compris que l’amour peut être un jeu dangereux, surtout lorsqu’on est pris à son propre piège. Rien ne remplace la vérité. D’abord envers soi-même, mais aussi envers ceux qui nous entourent. C’est une leçon de vie que je compte bien appliquer à la lettre, désormais. Et que mon amie Émilie jure bien de me rappeler si jamais j’en viens à l’oublier.

À DÉCOUVRIR:
C’est mon histoire: «J’ai été escorte dans une autre vie»
Pourquoi l’amour fait si mal?
Pourquoi j’ai choisi de ne pas tromper ma blonde