C’est par un matin frisquet du mois de février que j’ai verrouillé pour la dernière fois la porte de mon petit appartement adoré de la rue Sainte-Ursule, dans le Vieux-Québec. Un matin pas comme les autres, pour moi. Mes deux frères étaient venus m’aider à charger la camionnette qui allait emporter les vêtements, les livres et les objets auxquels je tenais le plus. Tout le reste était déjà dans un entrepôt. Je me suis dit: «Allez, courage!» et j’ai démarré ma voiture avant de rouler lentement – pour ne pas dire à reculons – vers la maison de mes parents, à Lac-Beauport. J’aurais dû me réjouir – ou à tout le moins être soulagée – de savoir que ma mère et mon père m’attendaient les bras ouverts, ravis de m’aider à reprendre mon souffle et à retrouver mon équilibre. Mais j’éprouvais à ce moment-là un drôle de sentiment de colère mêlée de honte. À vrai dire, je n’arrivais pas à croire que je retournais à la maison… à 34 ans! Moi qui avais quitté ma famille dès la fin du cégep pour voler de mes propres ailes! Moi qui m’étais tant moquée de mon petit frère, l’éternel étudiant, l’ado attardé qui ne décollait pas de chez papa-maman! Ce matin-là, j’ai dû ravaler ma fierté… Comment en étais-je arrivée là? Laissez-moi vous raconter.

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Presque un an plus tôt, je filais encore le parfait amour. Je vivais avec Simon, un homme attentionné, dynamique et plein d’humour avec qui j’avais lancé une boîte de décoration intérieure spécialisée en home staging. Notre petite entreprise marchait franchement pas mal, en dépit des soubresauts du marché immobilier. Alors, on en profitait! On vivait bien, trop bien même. Condo luxueux, cabriolet cool, restos et vêtements chics, voyages dans le Sud et en Europe: on ne se refusait rien! Je savais que ce train de vie était tout à fait déraisonnable, qu’on aurait dû y aller mollo avec la carte de crédit et épargner davantage, mais Simon, avec son côté flambeur, ne voulait rien entendre. «On n’a qu’une vie à vivre!» n’arrêtait-il pas de me dire. Et comme je ne voulais pas passer pour la «contrôlante» du couple, je ravalais… en angoissant secrètement à propos de l’avenir.

Peu à peu, mon anxiété et le choc de nos valeurs ont eu raison de notre vie amoureuse. Je désirais de moins en moins Simon, si bien que je me couchais souvent plus tôt que lui. Et puis, j’avais moins envie de faire la tournée des grands ducs, alors je le laissais fréquemment sortir sans moi. Bref, on s’éloignait de plus en plus l’un de l’autre. Ce n’est que dans le travail qu’on se retrouvait.

Une nuit, il n’est pas rentré, et c’est là que tout a basculé. À son retour, le lendemain matin, je lui ai demandé des comptes. Il a fini par m’avouer qu’il se sentait «pris au piège». Au début, il avait simplement voulu s’amuser, flirter, se sentir désiré. Et puis, il était «tombé amoureux sans le vouloir» d’une fille qu’il avait rencontrée, et maintenant, il ne savait plus qui choisir, de moi ou d’elle. J’étais sous le choc, effondrée. Je lui ai dit de prendre ses affaires et de partir sur-le-champ. J’ai pleuré, hurlé tout le weekend… Je me sentais tellement trahie!

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On a rompu à peine deux semaines plus tard. Et notre agence? Ç’a été la catastrophe! J’ai dû la fermer, la mort dans l’âme, en raison des dettes que Simon avait contractées sans m’en parler, sans compter tout l’argent qu’il avait retiré de notre compte – à mon insu, bien sûr. Brisée, trompée, humiliée, je n’ai même pas pu intenter de poursuites légales, puisque je n’en avais pas les moyens. Quelle injustice! J’ai tenté, avec l’énergie du désespoir, de sauver ce qu’il restait de notre affaire. Pendant quelque temps, j’ai continué à faire de la consultation et à servir mes clients, mais la tête, le coeur et l’énergie n’y étaient plus. J’avais le moral et le compte en banque à zéro…

Prise à la gorge, j’ai dû demander de l’aide à mes parents, qui ne se doutaient pas de l’ampleur du désastre. Je leur ai tout dit, tout avoué. Ils m’ont écoutée sans me juger. Le lendemain, ils ont débarqué chez moi sans me prévenir pour m’offrir d’aller vivre chez eux, «le temps d’y voir plus clair». J’ai d’abord refusé – j’ai ma fierté! -, mais à bout d’arguments, j’ai fini par accepter. De toute évidence, j’avais besoin de soutien. Et aujourd’hui, je sais que ce retour dans le nid familial est la meilleure chose qui pouvait m’arriver!

Évidemment, ça m’a fait tout drôle de retrouver ma chambre d’adolescente, convertie en chambre d’amis. J’y ai reconnu le papier peint fluo, très tendance dans les années 1990, et le lit double avec sa housse de couette fuchsia que j’avais choisie à 17 ans. Wow! Quel retour en arrière! J’avoue que j’ai mis quelques jours avant de m’installer vraiment, mais, dès que j’ai garni la bibliothèque de livres et que j’ai accroché au mur mes deux gravures d’artistes préférées, je me suis sentie mieux. Plus important encore, ça m’a fait un bien fou d’être entourée et protégée par mes parents, si aimants.

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Les premières semaines, je crois que j’ai «dormi ma vie». J’étais tellement fatiguée! Je me couchais vers 21 h pour ne m’extirper du lit le lendemain que vers 11 h ou midi. Je mangeais un peu, je prenais à peine l’air et je n’avais qu’une envie: aller me recoucher. Mes parents ont vraiment été compréhensifs. Ils m’ont laissé faire, sans trop me poser de questions, tout en me faisant sentir qu’ils étaient tout disposés à m’écouter si jamais j’avais envie de parler… Je pense qu’ils savaient intuitivement ce dont j’avais besoin, mieux que je ne le savais moi-même! Avec le recul, je me rends compte qu’ils m’ont laissé sortir de ma déprime en douceur… et avec amour. Au fond, je crois que mes parents étaient contents de m’avoir auprès d’eux à nouveau. Est-ce parce que j’avais quitté la maison si tôt, adolescente? Peut-être, mais une chose est sûre, dès que j’ai commencé à aller mieux, on a vite retrouvé le plaisir de cuisiner, de jardiner et d’être ensemble, sans rien se dire de particulier. Un soir, on a même ressorti le vieux jeu de Monopoly avec mes frères! On a tellement ri! Et dire que j’avais tourné le dos à tout ça tellement jeune, pour prouver que j’étais indépendante et autonome! Je trouve ça plutôt ironique aujourd’hui…

Le réconfort que m’offraient mes parents ne m’a évidemment pas empêchée d’avoir le cafard, d’angoisser ou de rester parfois prostrée dans ma chambre. Mais leur présence me rassurait. Je savais qu’après avoir pleuré un bon coup je pouvais descendre à la cuisine préparer un délicieux souper maison avec ma mère, qui pourrait rivaliser avec n’importe quel chef, ou aider mon père à rentrer du bois… De mon côté, j’ai tenté de leur rendre la pareille. Je leur ai donné des conseils en matière de décoration, notamment pour le salon, qui avait besoin d’être rafraîchi, et je les ai aidés à aménager la maison afin qu’ils puissent en profiter au maximum. Bon, nous avons eu quelques désaccords sur le choix du canapé et des couleurs – mes parents sont terriblement conservateurs! -, mais j’y ai pris plaisir. Ç’a été mon premier nouveau projet après la mort de l’agence, en quelque sorte. Et ça m’a confirmé que la déco, c’est vraiment ma passion.

Il a suffi d’un peu plus d’un an pour que je retombe sur mes pieds, sentimentalement et psychologiquement du moins. Car sur le plan financier, je ne suis pas encore au bout de mes peines! Je sais que ça viendra, puisque j’ai déniché depuis peu un boulot de décoratrice d’intérieur dans une boutique de déco, et que j’ai appris à m’écouter et à vivre selon ma vraie nature, sensée et plutôt économe. Bref, je m’apprête à quitter la maison familiale, une fois que j’aurai trouvé un petit 3 ½ à mon goût. Mes parents sont certes un peu tristes de me voir partir de nouveau, mais ils savent qu’on va rester très, très proches. Non seulement parce que je leur serai éternellement reconnaissante de m’avoir aidée à surmonter cette épreuve, mais aussi parce que je les ai redécouverts comme des personnes à part entière, au-delà de leur rôle de parents. Il était temps! Grâce à eux, je suis enfin devenue – à 34 ans! – l’adulte que j’aurais dû être depuis longtemps.

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