Isabelle avait déjà cinq enfants d’une précédente union lorsqu’elle a rencontré Diaba, un Africain originaire de Guinée. «Il était ici en voyage d’affaires, quand nous sommes devenus amants. Comme je sortais d’une relation de 16 ans et que j’avais plusieurs enfants, je n’avais pas envie de m’installer avec un homme pour vivre les aléas d’une famille recomposée. De toute façon, il n’a jamais été question de vivre ensemble. On n’en a jamais parlé, même quand on a eu notre garçon, il y a 8 ans.»

Le psychologue François St Père, spécialiste de la thérapie de couple et médiateur familial, constate que de plus en plus de personnes séparées choisissent de vivre une nouvelle relation, chacun chez soi. Conscientes que la recomposition familiale comporte de multiples défis, elles préfèrent fréquenter leur conjoint. «Un choix qui n’est pas pour tout le monde, souligne le psychologue. Il faut avoir une grande confiance en soi et en l’autre pour accepter de ne pas se voir tous les jours. Certaines personnes ne tolèrent pas la solitude ou vivent trop d’insécurité sur le plan affectif pour vivre ainsi.»

Élément clé: la confiance
«Il faut une certaine maturité émotive pour vivre loin l’un de l’autre, croit Isabelle. Depuis que je suis avec Diaba, j’ai changé ma conception du couple. Quand on me demande s’il est fidèle, je réponds que je ne veux pas le savoir. Il ne me pose pas de questions et je fais de même. L’idée d’un couple fusionnel qui serait au centre de mon existence ne m’intéresse plus. Mon conjoint est une relation significative parmi tant d’autres, comme le sont mes enfants, mes parents et mes amis. Je l’aime, mais il n’est pas le centre de ma vie!»

Mais ce mode de vie est-il possible pour un couple qui veut un enfant? «Quand un couple se sépare, les enfants vivent la garde partagée et s’adaptent, lance Isabelle. Notre fils a des parents qui s’aiment, mais qui n’ont jamais vécu ensemble. Il ne connaît pas autre chose. À l’occasion, son père vient vivre avec nous pour une période de un ou deux mois. Quand il retourne chez lui, on est tous très heureux de reprendre notre routine. Mon fils le premier!»

 Un besoin de liberté
D’autres personnes choisissent de vivre séparément, mais ont déjà vécu ensemble par le passé, se sont laissées ou ont pris une pause chacun de leur côté. «Je rencontre de plus en plus souvent ce type de couple dans ma pratique, indique Nicole Desjardins, psychothérapeute conjugale et familiale. Ils ont besoin de recul, se fréquentent, voudraient reprendre et vivre ensemble, mais craignent de répéter les mêmes erreurs ou ne veulent plus faire de compromis.»

Des compromis, Isabelle n’en fait plus. «On ne se rend pas compte à quel point on fait des petits compromis dans le quotidien. Quand on ne vit pas ensemble, on s’expose à moins de tensions. Les sujets de dispute, comme l’argent, les loisirs, les enfants, le rangement ou les beaux-parents, n’existent plus. Les chicanes entre Diaba et moi sont encore quasi-inexistantes, après bientôt dix ans de relation!»

 

Quel type d’engagement?
«Depuis une dizaine d’années, je vois de plus en plus de nouveaux couples, notamment chez les personnes d’un certain âge, qui sont fidèles, mais qui vivent autrement, explique Nicole Desjardins. Indépendantes financièrement et très créatives dans leur manière d’aborder la vie, elles choisissent de vivre dans le même immeuble, mais dans des logements différents ou encore, sur la même rue. Elles se fréquentent, sortent ensemble, s’invitent à souper ou à coucher à la maison, sans subir tous les petits irritants de la vie quotidienne.»

Si ce mode de vie semble idéal, François St Père précise qu’il est important pour le couple, de bien définir les balises de la relation, que ce soit sur la question de la fidélité, de l’engagement ou d’une éventuelle vie à deux. «On vit séparément, mais que se passera-t-il, par exemple, si l’un des deux veut éventuellement cohabiter? S’il veut un enfant? S’il est malade et a besoin de soutien? Même quand on ne vit pas ensemble, il est important de savoir à quoi s’attendre de la relation», conclut-il.

À lire aussi dans Amour et sexe