Il y a deux ans, Claire Brosseau en a eu vraiment, mais vraiment marre de l’amour. Que ce soit des aventures d’un soir, des flirts de quelques semaines ou des fréquentations de quelques mois. «J’étais obsédée par les garçons, comme une ado attardée», raconte cette comédienne et humoriste de 33 ans. «Je vivais déception sur déception parce que je m’attachais très rapidement à des mecs qui, eux, ne partageaient pas mes sentiments et n’avaient pas l’intention d’avoir une vraie relation avec moi.»

Intelligente, talentueuse, drôle et super jolie, Claire avait tout pour elle: une carrière qui marchait très bien et des amis qui l’adoraient. Elle consacrait toutefois une quantité phénoménale d’énergie à des histoires de coeur qui ne la menaient nulle part. «Je voulais m’engager sérieusement avec un homme et, éventuellement, fonder une famille, mais les relations que j’entretenais étaient à mille lieues de cet objectif. J’ai réalisé que je choisissais les
mauvais partenaires et qu’il fallait que je prenne du recul pour mettre fin à ce pattern malsain.»

Avec le sens de la formule d’une humoriste, elle a baptisé manbbatical l’année sans homme qu’elle a alors décidé de s’offrir. Elle s’est promis de respecter 10 commandements très stricts, notamment: pas de sexe, pas de baisers, pas de textos, ni de courriels, ni de conversations au contenu sexy, pas de rendez-vous doux, pas de statut Facebook ni de tweet aguichant, pas de décision prise en fonction des gars…

Pour s’encourager à respecter ses résolutions, elle a choisi de relater son expérience – avec une bonne dose d’humour! – sur son blogue, clairebrosseau.com (en anglais seulement). Très vite, jusqu’à 2000 lecteurs se sont mis à la suivre quotidiennement, et le magazine torontois NOW lui a offert de publier des chroniques inspirées de son blogue dans ses pages. «L’écriture m’a beaucoup aidée. J’y ai pris du plaisir, et mes lecteurs m’ont encouragée dans les moments difficiles», dit-elle.

Parce que tout n’est pas rose au royaume du célibat, même quand ce mode de vie est librement choisi.

 

Apprivoiser la vie en solo

D’abord, les besoins physiques se font sentir. Impérieusement. «Je n’avais jamais passé plus de quelques semaines sans faire l’amour. J’étais en manque!» raconte Claire en riant. Mais elle en a tiré une leçon. «J’ai réalisé que c’était plus satisfaisant de me masturber que de m’envoyer en l’air avec un mec qui se fout de moi et que je ne reverrai pas.»

Ce qu’elle a trouvé difficile par-dessus tout au cours de cette année? Devoir réprimer un béguin pour un homme qu’elle avait rencontré grâce à son travail. «Nous avons eu une attirance mutuelle fulgurante, mais je n’ai pas couché avec lui, confie-t-elle. De mon côté, j’avais pris l’engagement de rester seule et, de son côté, avec trois ex-femmes et plusieurs enfants, il n’avait pas de place dans sa vie pour une nouvelle relation. Je regrette que cette histoire ait été tuée dans l’oeuf sans qu’on lui ait donné une chance.»

Cela dit, la sabbatique amoureuse de Claire a aussi eu des bienfaits inattendus. «J’avais soudainement beaucoup plus de temps à moi! Auparavant, je passais des heures à analyser le comportement des gars que je fréquentais ("Pourquoi m’a-t-il dit qu’il m’appellerait, alors qu’il ne m’appelle pas?"), à surveiller leur profil Facebook ou Twitter, et à décortiquer le moindre texto avec mes copines.»

Résultat? Elle s’est mise à l’entraînement, a cessé de noyer son chagrin dans les cocktails tous les soirs et a perdu 30 livres! À cela s’est ajoutée une énergie renouvelée au boulot, ce qui s’est traduit par de nouveaux contrats, notamment un rôle dans une comédie aux côtés de l’actrice Marcia Gay Harden. «Je ne me suis jamais sentie aussi bien dans ma peau et confiante en mes capacités, affirme Claire. C’est un cliché gros comme ça, mais j’ai appris à être bien avec moi-même!»

 

Faire le GRAND MÉNAGE

Bien sûr, l’idée d’une sabbatique de ce genre n’a rien de nouveau. On a toutes une copine, une soeur ou une collègue de travail qui a décidé un jour qu’elle en avait soupé des tempêtes émotives et que l’heure était venue de faire un bilan. Pour Laura, l’idée de s’accorder une pause d’un an afin d’effectuer un grand ménage s’est imposée quand elle avait environ 26 ans. «Je collectionnais les blessures sentimentales non réglées et je venais de quitter un gars que j’avais accablé de reproches. Pourtant, sur papier, c’était le mec idéal pour moi, raconte cette scripte-recherchiste aujourd’hui âgée de 33 ans. Jusqu’alors, chacune de mes relations avait été comme un pansement sur la précédente. J’avais clairement besoin de faire le deuil de mes histoires passées.» Laura a donc décidé de consulter un psychologue et s’est promis de rester seule pendant un an.

 

L’Opinion d’une psy

Selon Odile Lamourère, auteure de Célibataire aujourd’hui: de la solitude à la relation amoureuse, faire une pause pour y voir plus clair dans ses choix n’implique pas forcément de s’imposer une période d’abstinence. Question de génération, peut-être? «J’ai vécu la révolution sexuelle et l’amour libre, alors je ne comprends pas l’intérêt de s’empêcher à tout prix de faire l’amour pendant une longue période. Avoir une ou deux aventures peut parfois faire du bien et nous redonner confiance en notre pouvoir de séduction! Mais si une femme s’attache trop rapidement à tous les hommes qu’elle fréquente et qu’elle en souffre, je lui proposerais de prendre du recul, voire de suivre une thérapie», poursuit cette psychothérapeute française, qui conseille depuis 20 ans les personnes en quête d’une relation durable.

À ses clients célibataires qui veulent trouver l’âme soeur, elle demande de dresser un bilan très détaillé: premier amour, relations marquantes, qualités et défauts des partenaires précédents, regrets, colères ou blessures non dites, tout doit y passer. «Après une rupture, je recommande toujours de ne pas se précipiter dans une autre histoire sérieuse. Il faut d’abord tourner la page et se reconstruire. Ça peut prendre trois mois ou trois ans, selon l’intensité de la relation précédente et la façon dont elle s’est terminée.»

 

Mimi, une directrice artistique de 41 ans, a poussé l’idée encore plus loin. «J’avais alors 28 ans et j’étais prise dans un pattern: tous les gars que je fréquentais se révélaient être des types bizarroïdes à problèmes. J’ai donc décidé de ne plus fréquenter personne pendant un an. J’ai même organisé un party de filles où j’ai annoncé à mes copines que j’allais me refaire une virginité!» se rappelle-t-elle.

Mais il suffit parfois de dire à Cupidon qu’il n’est pas invité à la fête pour qu’il cogne à la porte! Trois semaines après avoir annoncé qu’elle renonçait aux mecs, Mimi a rencontré l’homme avec qui elle allait passer les cinq années suivantes. «J’étais très méfiante au début, parce que j’avais été si souvent blessée et déçue, se souvientelle. Il a été persévérant, et l’amour a finalement été plus fort que mes résolutions!»

Laura a elle aussi renoncé à ses résolutions après huit mois. «Je suis tombée amoureuse d’un bon ami. Malheureusement, ça n’a pas fonctionné non plus. Même si j’avais beaucoup travaillé sur moi pendant ces mois de célibat, je me sentais comme un vase brisé dont les morceaux étaient à peine recollés.» Le prochain a, par contre, été le bon! «J’ai choisi quelqu’un qui me donne l’impression de rentrer à la maison, explique-t-elle. J’ai fait le deuil des grandes passions. Ça m’attriste un peu de dire ça, puisque celles-ci m’ont fait sentir intensément vivante, mais j’ai compris à un moment que je ne voulais plus vivre les hauts et les bas qu’elles entraînent inévitablement.»

 

Carrie Bradshaw, en mieux?

Lorsque son manbbatical a pris officiellement fin, en juin 2011, Claire Brosseau ne s’est pas précipitée sous les draps avec un homme. «Bien sûr, j’ai pensé à ramener un mec chez moi juste pour une nuit, mais je savais que je resterais sur ma faim, affirme-t-elle. Ce dont j’avais vraiment envie, c’était de vivre un moment d’intimité, de me sentir proche de quelqu’un. Baiser avec n’importe qui aurait été comme manger du fastfood alors que j’ai envie de caviar. J’ai préféré attendre!»

 

Même si ses lecteurs lui ont été fidèles et que le plaisir de l’écriture va lui manquer, l’humoriste a décidé de mettre un point final à son blogue. «Je vois mal comment je pourrais rencontrer des hommes et continuer à tout divulguer sur Internet sans que ça fasse foirer toutes mes relations potentielles!» s’exclame-t-elle. Son partenaire idéal? «Un homme qui m’aime, ce serait déjà pas mal! Ah oui, de préférence un homme autonome financièrement, et qui a un bon sens de l’humour. Bref, un homme avec qui je pourrais être moi-même.»

Bien que Claire Brosseau n’ait pas trouvé l’amour au terme de son manbbatical, elle est loin de se languir. La belle habite aujourd’hui à Los Angeles et a recommencé à accepter des rendez-vous doux. Son histoire semble même avoir séduit Hollywood, puisqu’il est question d’une adaptation au grand ou au petit écran… Comme quoi, on n’a pas toujours besoin d’un prince charmant pour vivre un conte de fées!

 

L’Opinion d’une psy

Selon Jocelyne Bisaillon, auteure de l’ouvrage Le grand amour! Est-ce pour moi?, prendre temporairement congé de l’amour peut s’avérer bénéfique, à condition de le faire pour les bonnes raisons. «Si on veut s’isoler uniquement pour se protéger et éviter d’être blessée à nouveau, ça ne sert à rien. Par contre, si c’est pour réfléchir à nos attentes (sont-elles réalistes?) et à nos comportements (choisit-on nos partenaires ou laisse-t-on les autres nous choisir?), ça peut nous aider à repérer un partenaire qui nous convient et à mieux vivre une relation.»

Et inutile de culpabiliser si on se laisse tenter par le prochain bel inconnu, malgré notre voeu d’être seule pour un temps. «On ne peut pas prévoir ce qui va se passer. Parfois le coeur se fait prendre par surprise!» conclut Jocelyne Bisaillon.

 

 

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