Philosophie et art de vivre, le tantrisme utilise l’amour charnel pour atteindre la spiritualité. Cette pensée, née en Inde il y a plus de 4 000 ans, parle de l’unité qui existe entre le cosmos et nous, montre le lien qui unit l’âme et le corps. Dans le tantrisme, le corps n’est ni sale ni «péché». Au contraire, il est pur, il est sacré, il est divin. Il a ses jardins, ses rivières, ses sanctuaires et ses portes. Il est le «temple de l’âme».

Lorsque l’âme et le corps ne font qu’un, l’union sexuelle n’est plus la simple recherche du plaisir; elle devient fusion, celle de deux forces qui génèrent la vie: Shakti, le principe féminin, et Shiva, le principe mâle. Lorsque le yoni (sexe féminin) et le lingam (sexe mâle) s’unissent, ils marquent la création de l’univers. Le monde n’a été créé ni par un dieu qui se serait reposé le septième jour ni lors d’un big-bang. La création du monde a lieu sans cesse, à chaque instant.

Chaque fois que l’acte d’amour est accompli, il crée et recrée le monde. Dans la pensée tantrique, Shakti est à l’origine de toute création, et c’est naturellement à la femme que revient le pouvoir. D’ailleurs, pendant l’amour, elle possède une meilleure maîtrise du temps, de la durée. L’homme n’est plus l’acteur principal: il accepte que sa complice mène le jeu. Elle est l’initiatrice. LA FEMME, MAÎTRESSE DU JEU
Condamnée par la religion, interdite par les hommes, la jouissance féminine a longtemps été jugée coupable. Le tantrisme, lui, la place au centre de sa philosophie: les femmes conquièrent leur liberté sexuelle en laissant leur shakti s’exprimer. Le tantrisme fait de la femme une déesse, et jamais aucune doctrine, aucune philosophie n’a été plus soucieuse de son plaisir.

Pour atteindre l’harmonie, encore faut-il que l’homme comprenne que l’éjaculation n’est pas le summum de son plaisir. Elle en est, au contraire, l’adversaire et elle réduit tout à néant. S’il suit les conseils tantriques, l’homme pourra contrôler son plaisir et répondre aux besoins de sa partenaire. Celle-ci n’aura plus alors qu’à se laisser aller. C’est la femme qui accomplit les gestes de l’amour, c’est elle qui prend possession de l’homme et le guide. Le rôle de celui-ci est d’éveiller le désir de sa partenaire puis de rester concentré et de se maîtriser. Tout l’art de la femme consiste à maintenir et à intensifier le désir, tout en aidant son amant à se retenir pour ne rien compromettre.

Les textes tantriques recommandent aux partenaires de communiquer tout au long de l’acte sexuel. La femme exprime ses désirs, enseigne à son partenaire comment il peut lui donner du plaisir, lui décrit ses sensations et reste toujours à l’écoute de son corps. Un des secrets consiste à maîtriser les muscles du yoni. Comme avant un accouchement, la femme contracte ces muscles les uns après les autres, garde la contraction maximale pendant au moins cinq secondes, puis les relâche. Pratiqué cinq minutes par jour, cet exercice permet, pendant l’acte sexuel, de resserrer le yoni jusqu’à ce qu’il enserre le lingam telle une main. La femme peut alors ouvrir et fermer son yoni selon son bon plaisir.
Et celui de son partenaire. QUAND L’HOMME DÉCOUVRE L’ORGASME FÉMININ
Les possibilités de jouissance sexuelle sont infiniment plus nombreuses et riches pour la femme que pour l’homme. Les tantras (livres sacrés) prescrivent à ce dernier des pratiques qui l’aident à être en harmonie avec sa partenaire.

L’orgasme masculin doit être une expérience de type féminin qui irradie tout le corps: au lieu de sortir «par le bas», la kundalini (énergie sexuelle) remonte «vers le haut»; car tout au bout de l’épine dorsale, au niveau du cerveau, il existe un autre pôle sexuel, une sorte de «paradis» qui, lorsqu’il est excité, mène à l’extase. Grâce à des techniques de yoga augmentant la maîtrise de soi, la vague de plaisir ressentie dans les organes génitaux remonte le long des chakras jusqu’au cerveau. Alors, tête et cœur s’unissent, âme et cœur sont reliés. Il est donc possible à l’homme d’éprouver un orgasme sans éjaculer, le principe étant de faire circuler son énergie sexuelle au lieu de la dépenser. Mais comment peut-il se contrôler? Stabiliser le souffle, la pensée et le sperme constitue un des secrets majeurs du tantrisme.

L’amour provoque une accélération du rythme respiratoire. En se concentrant sur notre respiration, on parvient à une inspiration profonde, rythmée, qui part du diaphragme (le ventre se gonfle) et s’effectue par le nez. L’expiration est un soupir, ralenti, confidentiel. Une fois le souffle maîtrisé, l’acte sexuel peut se poursuivre presque indéfiniment. Pour retarder son éjaculation, l’homme doit prendre conscience de l’anneau musculaire qui enserre la base de son lingam. Cet anneau, contracté volontairement, ramène le lingam vers le corps. Il sert au «langage secret» des amants, lorsque le lingam répond aux contractions du yoni. L’homme doit donc s’entraîner à contracter et à relâcher cet anneau, afin de le contrôler. Pour le tantrika (adepte du tantrisme), faire l’amour procure un sentiment de communion, et retenir son éjaculation, un plaisir qui se traduit par un apaisement. Le sexe cesse alors d’être basé sur l’excitation et il devient détente, abandon. L’amour est une danse dont la femme choisit le tempo. L’homme l’accompagne dans son voyage. RITUEL: RÉVEILLEZ VOS CINQ SENS
Le rituel est très important. Dans le tantrisme, la femme est la déesse,
son corps est un temple, et l’homme le consacre par des paroles, des gestes, des attitudes complexes. Après s’être baignés et s’être massés avec une huile parfumée, après avoir placé bougie, encens, matelas et coussins, les partenaires apportent des fruits et du pain pour symboliser la Terre, du poisson pour l’Eau, du vin pour le Feu et de la viande pour l’Air (le tantrisme précède l’hindouisme; il n’en observe pas les principes, notamment celui du végétarisme). Le cinquième élément, l’Espace, est symbolisé par le maïthuna, l’acte sexuel lui-même. Tout en dégustant les aliments, les partenaires se mettent d’accord sur le déroulement du maïthuna, le choix des positions, la façon de communiquer, les désirs de chacun, et Shakti fait le reste…

Après l’amour, les Occidentaux ont tendance à se précipiter dans la salle de bain pour se laver. Les tantras condamnent cette pratique. La transpiration des corps et les sécrétions vitales de l’amour sont riches en sels minéraux qui, une fois réabsorbés, s’avèrent bénéfiques. Il est conseillé aux amants d’observer un délai d’au moins une heure entre l’acte d’amour et le bain.

La douche ou le bain chaud détendent, mais provoquent la somnolence. Mieux vaut terminer par une douche froide. Elle raffermit le corps et aiguise la conscience!