«À 32 ans, j’ai réalisé que je pouvais compter sur les doigts de ma main les fois où j’avais eu un orgasme en faisant l’amour!» Cette prise de conscience, Sara-Anne l’a eue il y a deux ans, alors qu’elle venait enfin de rencontrer le «bon». Cette technicienne en informatique s’est demandé pourquoi elle parvenait si rarement à la jouissance et ce qu’elle pouvait faire pour que ça change. «Je me suis rendu compte que je faisais l’amour pour plaire à mon partenaire, pour être acceptée, jamais pour moi-même. Je ne me sentais pas assez belle ni assez bonne, et je ne me préoccupais jamais de mon propre plaisir. J’étais déconnectée.»

Sara-Anne aurait très bien pu se rabattre sur un des nombreux guides qui enseignent une technique supposément infaillible pour grimper au septième ciel… Aurait-elle atteint plus facilement l’orgasme? Ce n’est pas garanti.

À une époque où on parle de sexe comme de la pluie et du beau temps, on pourrait croire qu’on s’est débarrassé de tous les tabous qui pouvaient nuire à notre sexualité. Et pourtant, nous sommes nombreux, comme Sara- Anne, à ne pas toujours prendre notre pied au lit.

Il y a une dizaine d’années, les psychologues Sheree Dukes Conrad et Michael Milburn, de l’université du Massachusetts, à Boston, ont mené une vaste étude sur la sexualité des Américains. «Nous nous sommes aperçus que la majorité des personnes interrogées étaient plutôt insatisfaites de leur vie sexuelle et qu’elles éprouvaient différents problèmes, comme l’absence de désir ou des pannes sexuelles», explique Sheree Dukes Conrad.

Certaines idées, comme le souci d’avoir une belle apparence ou de maîtriser la bonne technique, n’amélioraient en rien les ébats de ces hommes et de ces femmes. Au contraire, ces préoccupations nuisaient plutôt à leur quête du plaisir.

C’est ce constat qui a mené les deux psychologues à créer le concept de l’intelligence sexuelle. Une approche qui, plutôt que de miser sur la performance, propose à chacun de se reconnecter à ses propres désirs et aux sensations qu’il éprouve en faisant l’amour. «C’est un retour vers soi, en somme. Mais aussi un abandon», précise Sheree Dukes Conrad.

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Le culte de la performance

«Le sexe? Plus vite il était expédié, mieux je me portais! J’étais souvent trop fatiguée et je n’avais pas la tête à ça», admet Annick, une avocate de 41 ans, en couple depuis 10 ans. Son corps, marqué par deux récentes grossesses, ne l’aidait pas à retrouver l’envie de faire l’amour.

«Je ne me sentais ni belle ni désirable. Je faisais une fixation sur mon ventre, que je trouvais trop gros, et sur mes seins, qui tombaient un peu.» Ajoutez à cela un conjoint obsédé par les orgasmes qu’il pouvait lui procurer… Résultat: «Je simulais souvent! Je n’arrivais pas à me laisser aller et je stressais à l’idée que ça me prenne trop de temps avant de jouir. D’autant plus que mon conjoint accordait une telle importance aux orgasmes qu’il pensait me donner, comme si c’était ce qui le valorisait…»

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Selon la sexologue Sophia Lessard, nous sommes nombreux à angoisser à l’idée de ne pas être assez sexy et performants au lit: «Certaines personnes s’imposent une telle pression que le sexe en devient presque contraignant.» Il est vrai qu’on a parfois l’impression que, pour être épanoui sexuellement, il faut faire l’amour sept fois par semaine, avoir un corps parfait, jouir sur commande et maîtriser tout l‘art du Kamasutra!

Sheree Dukes Conrad croit que ces stéréotypes qui s’immiscent dans notre chambre à coucher sont dus en grande partie aux médias et à la pornographie. «Ils ont beaucoup contribué à nous faire croire que seules les personnes jeunes et belles ont une sexualité satisfaisante.»

Même chose pour cette croyance répandue qui veut que l’orgasme soit le but ultime de toute relation sexuelle. La psychologue et sexologue Esther Perel est d’avis qu’il faut se débarrasser de toutes ces idées préconçues sur ce qu’est une relation sexuelle «normale».

«Qui a dit qu’il devait absolument y avoir une pénétration? Et qu’il fallait tout arrêter une fois que l’homme a éjaculé?» s’interroge l’auteure de L’intelligence érotique. Selon elle, nous accordons beaucoup trop d’importance aux positions à prendre et aux gestes à faire en pensant qu’ils nous mèneront à la jouissance. Si bien que nous passons parfois à côté de l’essentiel…

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Sortir des stéréotypes

Un jour, le chum d’Annick s’est fâché. Il en avait assez que son amoureuse ait l’air si découragé chaque fois qu’il voulait faire l’amour. Il l’a convaincue de s’étendre nue sur le lit avec lui, juste pour qu’ils puissent se coller l’un contre l’autre.

«J’ai soupiré un peu, mais j’ai accepté. Mon chum a alors commencé à me masser, chose qu’il n’avait pas faite depuis des années! s’exclame Annick. Je ne pensais pas encore au sexe, mais ce que j’éprouvais était merveilleusement bon. Puis, nous avons commencé à faire l’amour lentement, doucement. Tous mes sens étaient éveillés, et le plaisir était vraiment intense.»

Après cet épisode, Annick et son conjoint ont multiplié ces séances de massage et ont eu de nombreuses discussions sur la course aux orgasmes. «Mon chum a fini par comprendre qu’il était un bon amant et que j’éprouvais du plaisir, même si je n’avais pas d’orgasme chaque fois.»

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Selon les experts, les personnes qui font preuve d’intelligence sexuelle sont justement celles qui parviennent à lâcher prise et à se concentrer sur ce qu’elles ressentent, plutôt que de tenter de correspondre à des stéréotypes. «Nous  possédons tous un imaginaire, des désirs et des fantasmes qui nous sont propres. Il est vain de calquer sa vie sexuelle sur celle des autres… On doit se réapproprier sa sexualité et la vivre comme ça nous chante», estime Esther Perel.

La sexologue croit que, pour être vraiment épanoui au lit, il faut d’abord se demander ce que représente le sexe pour nous, ce qu’on souhaite qu’il nous apporte. Une fois qu’on a identifié ce qui alimente notre désir, encore faut-il être capable d’en faire part à son partenaire… Sophia Lessard croit d’ailleurs qu’être intelligent sexuellement, c’est surtout savoir communiquer. «Il est important de parler de ce qu’on aime, de ce qu’on ne veut pas, avant, pendant et après l’acte sexuel.»

 

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Sara-Anne a justement choisi de jouer la carte de la communication. Après avoir expliqué à son conjoint les raisons de son malaise à l’égard du sexe, elle s’est efforcée de se concentrer sur les sensations et les émotions qu’elle ressentait, bref sur son propre plaisir. «Nous avons pris notre temps pour faire l’amour et nous avons arrêté d’être obnubilés par l’orgasme. Il m’a fallu quelques mois avant de prendre confiance et de m’abandonner, mais j’y suis arrivée!» s’exclame la jeune femme.

Ce qui ne signifie pas que chaque partie de jambes en l’air est un feu d’artifice… Mais, comme l’explique Sara-Anne, l’important c’est d’être vrai chaque fois qu’on fait l’amour. «Lorsqu’on élimine la notion d’échec et de réussite, ça enlève beaucoup de pression, confirme Sheree Dukes Conrad. Le sexe devient alors ludique, léger, agréable…» Et certainement plus intelligent.

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Les 5 clés de l’intelligence sexuelle

1. Connaître ses préférences sexuelles: savoir ce qui nous excite de manière à mieux guider son partenaire.

2. Être bien dans son corps: se libérer de ses complexes pour pouvoir se concentrer sur les sensations qu’on ressent.

3. Savoir communiquer: être capable de parler de sexualité avec son partenaire, sans honte ni malaise.

4. Apprendre la sexualité 101: s’informer, par exemple, sur les raisons biologiques qui peuvent expliquer l’absence d’orgasme ou d’érection.

5. Éviter de répéter les mêmes erreurs: comme de simuler l’orgasme ou de ne penser qu’à jouir, ou encore de faire l’amour uniquement pour plaire à l’autre, etc.

3 livres pour mieux s’aimer

  • Développez votre QI sexuel, de Marty Klein (Les Éditions de l’Homme)
  • L’intelligence érotique – Faire vivre le désir dans le couple, d’Esther Perel (Robert Laffont)
  • L’intelligence sexuelle – À la découverte de votre moi sexuel secret, de Sheree Dukes Conrad et Michael Milburn (Payot)

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