De son propre aveu, Sarah est une serial dater. «Depuis mon divorce, il y a quatre ans, j’ai fait la connaissance de plus de 250 hommes», affirme cette consultante en marketing de 40 ans. Ces hommes, Sarah les déniche sur des réseaux sociaux pour adultes avertis, tels que Adult FriendFinder.com (AFF.com), ou encore dans la section «Rencontres occasionnelles» de sites de rencontres, comme PlentyofFish. com. «Ces rendez-vous ne se soldent pas tous par une partie de jambes en l’air. Pour qu’un mec se faufile jusque dans mon lit, il doit d’abord me stimuler intellectuellement», dit-elle. Devant la multitude de prétendants que lui offre Internet, la pétillante brunette peut se permettre d’être sélective. Comme Sarah, des millions de femmes en mal de sensualité arpentent la Toile à la recherche d’amants. Aux États-Unis, les sites de rencontres coquins sont même devenus plus populaires que ceux qui promettent l’amour avec un grand A. Le site Match.com – qui se targue d’être le leader de la rencontre en ligne – a attiré un peu moins de 18 millions de visiteurs en février dernier, selon le site de référencement Quantcast. Durant la même période, le site AFF.com, lui, en a compté plus de 29 millions, dont plus du tiers était des femmes.

Au Québec, le marché de la rencontre en ligne est encore dominé par des sites pour trouver l’âme soeur. Toutefois, selon Cindy Cinnamon, chroniqueuse coquine et porte-parole de PourTesFesses.com (notre équivalent du site AFF.com), l’intérêt des Québécois – et des Québécoises – pour les sites de rencontres pour adultes ne cesse de croître: «À l’époque où les bars et les petites annonces des journaux étaient les principales façons de faire connaissance avec de nouveaux partenaires sexuels, on voyait peu de femmes prendre les devants Aujourd’hui, elles sont très actives sur les sites libertins.»

Le sociologue français Pascal Lardellier croit d’ailleurs qu’elles sont en position de force sur ce genre de sites. «Puisqu’il y a plus d’hommes que de femmes, elles ont l’avantage et peuvent choisir leur partenaire», soutient l’auteur des Réseaux du coeur: sexe, amour et séduction sur Internet.

La drague, sans le baratin

Au retour d’un séjour à l’étranger de deux ans, Julie ne s’imaginait pas entamer une relation à long terme. Elle avait envie d’aventures d’un soir. «J’ai essayé de faire des rencontres dans des bars, mais je n’ai pas aimé mon expérience. Des gars que j’avais vu butiner toute la soirée se décidaient à venir me parler 10 minutes avant le last call, désespérés de ramener une fille dans leur lit. C’était très humiliant», dit-elle en soupirant.

Cette conseillère financière de 27 ans s’est donc tournée vers AFF.com. Est-ce que la drague derrière un écran d’ordinateur a été moins éprouvante? «Il est arrivé qu’un gars me réponde: "Excuse-moi, mais tu n’es vraiment pas mon genre." C’est sûr que ç’a fait mal à mon égo, mais j’ai préféré qu’il me dise ça plutôt qu’il me raconte n’importe quoi.» «La possibilité d’être rejetée fait partie de la game», concède pour sa part Sarah. Mais elle apprécie justement que les sites pour adultes soient moins prétexte aux fauxsemblants. «On partage tous la même motivation: avoir un partenaire sexuel. Dans un bar, ce n’est pas aussi clair, ce qui peut conduire à des malentendus.» Ceci dit, Sarah avoue espérer que ces aventures coquines lui permettront un jour de trouver l’amour…

Le sexologue Alain Gariépy croit d’ailleurs que les femmes qui fréquentent ces sites sont nombreuses à partager cet espoir de «tomber sur le bon». «À l’inverse, les hommes y considèrent souvent les femmes comme des objets sexuels et sont centrés sur leur propre plaisir plutôt que sur la relation.»

Sarah et Julie reconnaissent toutes deux que les sites qu’elles fréquentent regorgent de ce genre de spécimens. «Pour moi, c’est un turn off total. Je suis à la recherche d’un ami-amant et je considère que l’amitié est aussi importante, sinon plus, que le sexe, précise Sarah. Heureusement, tous les gars ne sont pas aussi égoïstes!»

 

Désir égale danger?

Avoir des relations sexuelles avec des inconnus n’est-ce pas un jeu dangereux? Oui, si on en croit l’histoire de Julissa Brisman. En avril 2009, cette étudiante américaine de 25 ans a été retrouvée morte dans une chambre d’hôtel après avoir publié une annonce dans la section «Rencontres occasionnelles » de Craigslist.com, pour proposer ses services de masseuse. Tout porte à croire qu’elle a été tuée par un homme ayant répondu à son offre.

Même si elles sont conscientes du danger, Sarah et Julie ne se sont jamais senties menacées lors de leurs rencontres occasionnelles. Julie insiste toutefois sur l’importance de respecter deux règles de base. Elle choisit toujours un lieu public pour ses premiers rendezvous et elle ne divulgue jamais son adresse ni son numéro de téléphone résidentiel. Julie reconnaît que ces précautions semblent évidentes, mais parfois, dans le feu de l’action, il arrive qu’on s’emballe et qu’on prenne des risques inutiles. «Au cours de ma première expérience avec AFF.com, j’étais si fébrile que j’ai donné mon numéro de téléphone fixe à ma date. Je n’ai réalisé qu’après coup que cette information pouvait lui servir à retracer mon adresse», raconte la jolie brune sans trop de fierté.

Sarah, elle, se rappelle avoir reçu des messages d’insultes lorsqu’elle a mis fin à une correspondance avec un homme avec qui elle partageait peu d’affinités. Elle avoue aussi avoir rencontré quelques soupirants qui ne ressemblaient pas du tout à la photo qu’ils avaient publiée sur leur profil. «Je me souviens d’un gars qui était bâti comme une armoire à glace. Je me suis dit que s’il essayait de me faire du mal, je n’avais aucune chance.» Heureusement, elle lui avait donné rendez-vous dans un lieu public où elle lui a fait comprendre qu’elle ne désirait pas aller plus loin. «Il faut vraiment se fier à son instinct», prévient-elle.

Liz, une écrivaine de 52 ans, est du même avis. Si elle avait écouté sa petite voix intérieure, son appartement n’aurait pas été saccagé par un homme rencontré sur Craigslist. com. «Dès le départ, j’ai senti que quelque chose clochait. Nous nous sommes quand même retrouvés sur mon lit, à moitié nus. Puis, il a commencé à me raconter des trucs qui m’ont dégoûtée. Je lui ai alors dit que je ne voulais pas aller plus loin. Le mec s’est mis à hurler et à donner des coups de poing dans les murs.» Heureusement, il ne s’en est pas pris à elle et a quitté son domicile au bout d’une quinzaine de minutes. Malgré cet épisode, Liz n’a pas cessé de fréquenter Craigslist.com.

 

L’attrait de l’inconnu

Pourquoi la perspective de tomber sur un mauvais numéro ne refroidit-elle pas l’ardeur de ces filles? «La rencontre d’un nouveau partenaire sexuel est un moment où se mêlent l’excitation et la peur de l’inconnu, explique la psychologue Doris Vincent. Ces deux sentiments ont pour effet d’augmenter la sécrétion d’adrénaline, une hormone qui a un très fort pouvoir addictif.»
Julie confirme d’ailleurs qu’à un certain moment la fréquentation d’AFF.com est devenue comme une drogue. «Durant les deux semaines qui ont suivi mon inscription, je n’ai pratiquement pas dormi. Je regardais des profils et j’envoyais des messages de façon compulsive. Depuis, j’ai réussi à reprendre le contrôle, mais c’est vrai que c’est facile de devenir dépendant», confie-t-elle.
Le sociologue Pascal Lardellier croit également que celles qui multiplient les aventures d’un soir risquent d’émousser leur désir. «Nous vivons dans une société pragmatique et utilitariste où il faut obtenir ce qu’on veut, sans perdre de temps. Dans la même logique, Internet permet désormais la consommation sentimentale et sexuelle immédiate. Or, le désir est justement stimulé par l’attente.»
Sarah ne croit toutefois pas que son impressionnant tableau de chasse ait altéré sa capacité à désirer. «Au fil du temps, les raisons pour lesquelles je vais sur les sites libertins ont évolué. Au début, c’était pour combler un manque. Maintenant, c’est pour faire des rencontres qui enrichiront ma vie. Mes critères se sont raffinés. Bref, j’ai compris que la qualité valait mieux que la quantité.»

 

 

Le sexe géolocalisé

Dans la communauté gaie, un mot est sur toutes les lèvres: Grindr (prononcer grinder). Cette application mobile lancée en 2009 permet aux hommes «gais, bi et curieux» – 3,5 millions d’utilisateurs répartis dans 192 pays! – de repérer, grâce à la géolocalisation, un partenaire pour une aventure d’un soir. La version hétéro de cette application, baptisée Blendr et créée en septembre dernier, s’est donné pour mission de rallier la gent féminine. Car, ce n’est pas un secret, dans l’industrie des services de rencontres, une bonne représentation féminine est gage de réussite. Or, contrairement à son grand frère, Blendr a reçu un accueil mitigé. Même si l’application a été pensée et conçue pour les femmes, celles-ci demeurent peu nombreuses à la télécharger. La raison? «Elles craignent, entre autres, d’être suivies, voire traquées», croit Mark Brooks, consultant et éditeur de OnlinePersonalsWatch.com, un portail de nouvelles consacré aux rencontres en ligne. Selon lui, ce n’est toutefois qu’une question de temps avant que les services de rencontres géolocalisés gagnent leur confiance. «Après tout, elles n’ont qu’à fermer l’application lorsqu’elles veulent avoir la paix», indique-t-il.

 

 

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