Suzanne a mis des années à se remettre de l’adultère de son mari. Ou plutôt à rebâtir sa confiance en elle. «Quand il m’a avoué qu’il avait une blonde après que je l’ai confronté, j’ai décidé de faire comme si de rien n’était, et on n’en a plus discuté.» Trente ans et bien des épreuves plus tard, le sujet n’a toujours pas été abordé. «Il nous arrive de parler d’infidélité en général, mais jamais de la sienne.»

Parce qu’elle aimait son mari et qu’ils avaient trois jeunes enfants, Suzanne a choisi de pardonner. En apparence, tout allait bien. Mais Suzanne était en colère. Elle s’isolait dans les bois pour crier et écrivait. Des pages et des pages qu’elle brûlait. «Ç’a été ma thérapie», explique-t-elle. Si sa rage s’est épuisée au bout de quelques mois, les blessures infligées à son amour-propre ont été beaucoup plus longues à guérir.

Ce manque de confiance en elle a amené Suzanne à sauter la clôture à son tour, six ans plus tard. Non par vengeance, assure-t-elle. Mais pour se valoriser, parce que son opinion ne semblait jamais importante aux yeux de son conjoint. Un adultère qui a fait l’objet de peu de discussions, même si à un certain moment, elle a songé à quitter son mari.

L’infidélité, symptôme d’un malaise

«La majorité du temps, l’infidélité traduit une insatisfaction ou un malaise dans la relation. Ça peut être dû à un manque de communication ou à des problèmes sexuels. On en vient à se négliger et à s’éloigner. Après des mois, voire des années, les gens deviennent vulnérables. Ils pourraient alors, par exemple, être sensibles au collègue de bureau attentif qui les écoute», explique François St Père, docteur en psychologie et spécialiste de la thérapie de couple.

L’infidélité est un accident souvent tragique, mais il ne doit pas nécessairement marquer la fin du couple, souligne Yves Dalpé. Le psychologue et docteur en sexologie ajoute que la survie de la relation dépend de la gravité de ce qui est arrivé et du caractère de la personne trompée. Le pardon ne doit pas se faire de façon automatique ni trop vite. «Il faut d’abord comprendre ce qui s’est passé, se demander quel est le sens de cette infidélité, explique Yves Dalpé. Si elle s’est produite parce que celui qui l’a commise avait déjà envie de s’en aller, l’échec du couple est garanti. Mais si l’amour est toujours là, on peut réussir à passer à autre chose.»
 

 Surmonter l’infidélité

Suzanne n’a jamais douté des sentiments de son mari. Sans doute parce qu’elle connaissait son besoin de charmer. «Mais, je représentais la sécurité; je savais qu’il ne partirait pas, raconte-t-elle. De plus, il n’y avait plus de femmes à l’usine où il travaillait et, pendant six ou huit mois, il n’est presque pas sorti.» Une attitude qui l’a aidée à lui refaire confiance.

«L’infidélité, c’est une trahison. Qu’elle soit amoureuse ou sexuelle, elle ébranle ou démolit les fondements mêmes d’une relation: l’exclusivité, la confiance, la transparence, l’avenir commun, le sentiment de sécurité et l’impression d’être unique pour l’autre», rappelle François St Père. Il est donc normal que le partenaire trompé devienne très vigilant et plus méfiant. «Celui qui a commis l’écart doit être compatissant pour un long moment», ajoute le psychologue.

Cette période ne doit cependant pas durer indéfiniment. «Il faut que ça se replace au bout d’un an pour que le couple soit viable, croit Yves Dalpé. Si après deux ans, la personne trahie est toujours hargneuse, c’est peut-être bien le symptôme d’autres problèmes.»Avant d’entreprendre des changements, il faut que l’infidèle quitte son amant ou sa maîtresse, admette ses torts, s’excuse sincèrement et manifeste son désir d’améliorer la relation. Le partenaire trompé doit pour sa part échapper au piège de se prendre pour une victime et de vouloir punir l’autre. «Il faut que chacun soit lucide, qu’il voie quel a été son rôle dans la tournure des événements, et se demande comment le couple en est arrivé là», souligne Yves Dalpé.

Sortir grandis de l’infidélité

Comme toutes les crises, l’adultère comporte des éléments positifs, selon les psychologues. Elle permet, notamment, de voir l’importance de l’autre dans notre vie et d’analyser la dynamique du couple. «Certains patients m’ont dit que leur relation était meilleure après l’épisode d’infidélité. Mais je ne la conseille à personne pour donner un nouveau souffle à une histoire amoureuse!»

Les gens qui prennent le temps de discuter de ce qui ne va pas dans leur relation et qui font des efforts pour changer les choses vont s’en tirer, croient les psychologues. Mais attention: passer des nuits blanches à ressasser la question ne sert à rien. Il faut parler, mais pas de façon excessive. Suzanne et son mari vivent aujourd’hui très bien avec leurs fantômes. À preuve, une à deux fois par an, ils passent quelques mois confinés dans une petite caravane sur les routes du Canada, des États-Unis ou du Mexique.

Suggestions de lecture

  • L’infidélité – Mythes, réalités et conseils pour y survivre, François St Père, Libre Expression, 2006, 282 pages.
  • L’infidélité n’est pas banale, Yves Dalpé, Les éditions Quebecor, 2008, 256 pages.
  • Les illusions de l’infidélité – La prévenir ou y survivre, Yvon Dallaire, Éditions Jouvence, 2007, 96 pages.
  • La puissance des amoureux de longue durée, Yves Dalpé et Johanne Côté, Les éditions Quebecor, 2010, 312 pages.