Elle surveillait son arrivée. Il ne savait pas si elle serait là. Cachée dans les herbes hautes, vêtue de sa jolie robe paysanne, elle se demandait s’il allait la sentir, s’il parviendrait à la trouver. Elle ne lui avait donné aucune assurance de sa présence, pas plus qu’elle n’avait su s’il avait bien compris le message et s’il y répondrait favorablement.

Maintenant, il arrivait, tangible, plus qu’il ne l’avait été dans ses rêves, quand ils se retrouvaient dans un bureau vitré du vingtième étage et qu’ils faisaient l’amour dans les nuages, entièrement nus à l’exception de quelques bijoux.

Il s’approchait toujours. Elle était tentée de se manifester pour mettre fin à cette comédie, mais en même temps, elle savourait le pouvoir qu’elle possédait sur sa prochaine proie. Il serait à elle, elle en ferait ce qu’elle voudrait puis, il la prendrait pour lui, toute à lui. Ses seins gonflés lui faisaient mal.

Il s’en rendrait sûrement compte, puisque depuis qu’elle l’avait vu, le jour d’avant, tous ses sens le réclamaient. C’est quelque chose qui est rarement aussi fort. Quand on ne le ressent pas, on ne peut pas s’en douter, et lorsqu’on le vit finalement, on n’aurait jamais imaginé que ce serait si puissant et si soudain.

Ses longs cheveux bruns lui tombèrent sur la figure, puis elle sentit un souffle près d’elle ainsi qu’une présence, sa jambe. En levant les yeux, quand elle eut réussi à faire le point entre son visage et le soleil, elle le vit sourire gentiment.
– Alors, belle enfant, vous attendez quelqu’un?

Elle baissa la tête, car le soleil était difficile à soutenir. Il l’avait trouvée avec plus de facilité qu’elle ne l’aurait cru. Il s’assit à côté d’elle.
– Ma douce amie, quel plaisir de vous rencontrer ici, dans ce champ de marguerites!
– Je… J’espérais… oui.

Il regardait au-dessus des fleurs l’horizon campagnard qui se dessinait. Personne, que du blé, des terres en jachère et, au loin, très loin, la petite route comme une ligne tracée vers le vrai monde, celui qui est raisonnable, ennuyeux, où les rêves ne se réalisent pas. Il se tourna vers elle. Elle avait l’air d’un songe dans sa robe aux minuscules fleurs vertes et bleues qui entourait son buste si gentiment découpé. Irrésistible.

 

Sa main était attirée par la soyeuse chevelure de la femme. C’était une pulsion si forte qu’il n’essaya même pas de la réfréner. C’était plus doux que tout ce qu’il avait connu. Et quand il arriva sur l’épaule, il sentit clairement le frisson qu’il avait provoqué. Elle se tourna vers lui.

Après avoir trouvé ce qu’il cherchait dans les grands yeux marron vif ouverts à lui, il glissa ses lèvres sur la bouche humide et chaude qui souffrait dans l’attente du baiser. Il calma ce brasier, mais, ce faisant, en attisa d’autres.

Elle eut la force de balbutier:
– Je veux…
Voyant qu’il n’avait aucune intention de perdre son souffle à parler ou à l’empêcher de faire ce dont elle avait envie, elle lui passa la main dans les cheveux avec beaucoup de douceur, puis descendit le long de son dos jusqu’au bas de ses reins. Ses fesses d’homme étaient bien pleines, rebondies comme celles d’un cycliste, laissant présager des heures d’endurance.

De sa bouche, il lui dévorait déjà le cou et les épaules, tandis qu’elle sentait son sexe, dur comme la pierre, lui communiquer son désir. Il s’enfonçait dans sa robe, impossible à ignorer.

Il fit glisser les minces bretelles sur les épaules délicatement bronzées de la femme, dégagea les seins de leur enveloppe de tissu et, après en avoir admiré le galbe si caractéristique, entreprit de les goûter. Leur saveur subtile était vanillée, comme celle d’un yogourt tiède. Après quelques secondes, il se mit à les dévorer.

Ils auraient pu prendre le temps de se parler, de s’apprivoiser, de se montrer comment ils étaient spirituels, mais le désir sexuel était trop pressant, chez lui comme chez elle. La main de l’homme plongea enfin sous la robe de la femme, allant toucher ces hanches qui promettaient tant de plénitude.

La fine culotte en dentelle blanche qui recouvrait son bas-ventre le rendait encore plus intéressant à regarder. Au milieu de cette nature sauvage, dans la campagne reculée, il était surprenant et excitant de voir ces fesses parfaitement rondes et dorées au soleil. Tout en caressant sa croupe, il goûtait ses épaules parfumées. Les fleurs qui les entouraient produisaient des effluves euphorisants qui l’enivraient et décuplaient ses sensations.

C’était vrai pour elle aussi. Au moindre de ses effleurements, elle se tendait comme une jument pur-sang sur la ligne de départ. Elle était devenue une tension sexuelle, nerveuse, à l’acuité aiguë. Elle lui avait enlevé sa chemise et, après avoir embrassé ses épaules, elle s’était mise à le caresser de haut en bas, comme pour masser son énergie.

Enflammée, elle bandait ses flancs comme s’il s’agissait d’un sexe nerveux, se préparant pour le grand moment. La corde de l’arc, même tendue par Ulysse, n’aurait pu vibrer de façon plus intense. Le membre de l’homme était prêt. Il lui faisait mal. Il fallait se libérer. Pas question que ça n’arrive pas.

Surgi de nulle part, un chien planta son gros museau humide et morveux entre leurs visages. Prompts, ils le repoussèrent et se mirent en position défensive. La bête s’éloigna de quelques pas, s’arrêta, et les regarda comme s’ils débarquaient de la planète Mars.

Ils lui firent signe de partir. Le chien attendait la suite, assis dans les marguerites. Il était très beau, blond et avait l’air mélancolique. L’animal pouvait les observer à loisir tout en se tenant hors de portée immédiate.

Elle rit.
– Oui, je le reconnais, c’est à… 

Elle se rhabillait prestement.

Un grand gaillard d’une cinquantaine d’années aux cheveux en désordre et aux grosses lunettes s’approcha d’eux. Il arrêta à quelque distance, les épiant par-dessus les fleurs comme s’il s’agissait du mur intime d’une demeure.

La jeune femme sembla se fâcher.
– C’est-à-dire, monsieur… Mais on ne passe pas ici par hasard. Vous me cherchez?

L’arrivant fit une réponse mielleuse.
– À vrai dire, vous vous donnez de l’importance. C’est ce monsieur que je cherche.

L’homme, assis dans l’herbe, se préparait à toute éventualité. Mentalement, il pensait à tout ce qui pourrait advenir à partir de ce moment. Son sexe lui faisait mal; il fallait faire quelque chose. L’autre était là pour lui briser sa baise.

Parmi tout ce qui lui vint à l’esprit, il retint l’idée qui lui semblait la meilleure. La jeune femme était à côté de lui. Il replongea la main sous sa robe; elle se tourna d’un air surpris. Il releva le vêtement vers le haut et admira ses magnifiques fesses en forme de gouttes d’huile. L’effet fut immédiat. Il retrouva son érection, qui l’avait à peine quitté, et dégagea son sexe de toute entrave.

L’intrus ouvrit la bouche et, bien qu’étant un emmerdeur patenté, il ne trouva aucun mot à ajouter. En un mouvement vif, l’homme se plaça derrière la femme. Il hésita une seconde entre derrière et devant, mais se dit que l’après-midi était encore jeune et qu’une fois libérés de cet importun…

Quand il la pénétra, elle émit un profond soupir, comme longtemps retenu. Douloureux? Trop chaud? Elle jouissait de sa verge, une chaleur de feu consumant son sexe et se propageant dans son corps comme s’il était de paille sèche, comme les petites marguerites qui les entouraient.

Finalement, l’observateur enquiquineur s’en fut, vaincu, et les amants purent s’en donner à cœur joie dans la tranquillité de la campagne, avec pour seule compagnie les fleurs d’août et les jolis papillons blancs.

 

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