Écrit entre le premier et le cinquième siècle de notre ère, le Kâma Sûtra demeure un recueil de plusieurs ouvrages de philosophie indienne. Le brahmane Mallanaga Vatsyayana est à l’origine de ce bréviaire qu’il destinait à l’éducation des moeurs aux classes aisées de l’Inde ancienne. La première version anglaise a été rédigée en 1883 par l’explorateur, anthropologue et linguiste sir Richard Burton. Au Québec, le recueil a atteint une vague de popularité dans les années 70.

D’emblée, le Kâma Sûtra traite davantage des moeurs sociétales, philosophiques et morales. «Le Kâma Sûtra est un code de conduite, un mode de vie», précise Pierre Soucis, sexologue clinicien, historien et enseignant en sexologie à l’Université du Québec à Montréal. Le recueil compte quelque 36 chapitres, divisés en sept sections qui traitent, entre autres, des comportements, de l’attirance, la fidélité, la courtisanerie et, bien sûr, des relations sexuelles. «Les hindous sont quand même très prudes. Le Kâma Sûtra a été créé dans un contexte religieux et spirituel, afin que l’âme de qui le pratique s’élève».

La vie déjà tracée

«L’homme, dont la période de vie est de cent ans, doit pratiquer Dharma, Artha et Kama à différentes époques et dans un souci d’harmonie, sans que l’un nuise à l’autre. Il doit s’appliquer à l’acquisition du savoir dans son enfance; dans la jeunesse et l’âge mûr, il pratiquera Artha et Kama, et dans la vieillesse, il se consacrera à Dharma». Kâma Sûtra

Le bréviaire indien fait l’éloge de trois objectifs que l’Homme se doit d’atteindre au courant de sa vie. On retrouve la vertu (Dharma), la prospérité (Artha) et l’amour (Kâma). Chaque dessein se destine à des périodes de la vie bien distincte. L’enfance, qui dure jusqu’à 16 ans, se consacre exclusivement à l’acquisition du savoir, aucune question sur la sexualité n’y est encore abordée – un apprentissage difficile à faire adopter de nos jours. «La chasteté jusqu’au mariage peut plus ou moins se transposer actuellement dans notre société», note Marc-André Junot, sexologue clinicien à Trois-Rivières.

 

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Maîtrise de soi et communion physique

Les adeptes du Kâma Sûtra maîtrisent avant tout le contrôle de soi dans toutes les sphères de leur personnalité et même au lit. C’est pourquoi l’on suggère à l’homme de retarder son éjaculation jusqu’à ce que sa partenaire soit arrivée à obtenir au moins un orgasme. Cette technique sert de méditation, mais consiste aussi à satisfaire la femme. Cette communion physique correspond à l’élévation de l’âme. «Aujourd’hui, cette vision est plus ou moins conseillée, car on sait que la prostate doit travailler afin de ne pas développer diverses maladies», explique monsieur Junot.

 
Pour une union épanouissante

«Un homme à l’esprit grossier, ou déchu de sa position sociale, ou trop porté à voyager ne mérite pas qu’on l’épouse, tout comme celui qui a beaucoup de femmes et d’enfants ou qui se passionne pour le sport et le jeu et ne vient trouver sa femme que s’il en a envie». Kâma Sûtra

Le Kâma Sûtra insiste sur l’importance de partager les mêmes valeurs que son ou sa partenaire. L’homme et la femme doivent avoir les mêmes intérêts, les mêmes goûts, les mêmes aspirations, les mêmes idéaux. Cette compréhension mutuelle fortifie l’union. L’alliance ainsi formée est la plus recommandée, car l’amitié et l’amour sont deux valeurs essentielles pour un mariage heureux et épanouissant. «C’est certain qu’encore aujourd’hui, il faut avoir des valeurs semblables et des buts communs pour avoir une relation heureuse», renchérit Marc-André Junot.

 

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Règles de fidélité

«Un homme peut vouloir prendre possession de l’épouse d’autrui pour sauver sa propre vie, lorsqu’il réalise que son amour pour elle ne cesse de croître».Kâma Sûtra

L’adultère est un chapitre à ne pas prendre à la légère, selon le bréviaire. «S’approprier la femme du voisin n’est pas une simple affaire. Il faut avoir conscience de la portée de nos gestes», acquiesce Marc-André Junot. Le Kâma Sûtra invite à évaluer les risques et les avantages relatifs à cette action. L’autre en vaut-il la peine? Est-ce une relation qui durera? Il est alors bon de consulter les dix degrés d’intensité de la passion, afin de prendre une décision judicieuse. Ceux-ci varient entre l’attirance physique, l’affinité intellectuelle, l’obsession, l’insomnie, la perte d’appétit, le dégoût de la vie, la perte du sens des convenances, la folie, les évanouissements et la mort inéluctable.

La soumission de l’épouse

«Une femme vertueuse qui a de l’affection pour son mari se conforme à ses désirs, comme s’il était un être divin; avec son accord, elle prend sur elle toute la charge du ménage. Elle veille à la propreté de la maison tout entière, dispose dans les différentes pièces des fleurs d’espèces et de nuances variées». Kâma Sûtra

«L’homme est fort et supérieur, la femme est timide et faible», enseigne le Kâma Sûtra. Cela peut faire grincer les dents aujourd’hui, car la soumission de l’épouse est loin de la réalité québécoise. Cependant, cette position archaïque indienne se retrouvait encore il n’y pas si longtemps dans nos règles de conduite. «On peut retrouver ce genre de conseils dans certains écrits québécois du XXe siècle parrainés par l’Église. Par exemple, on pouvait y lire que la femme doit accueillir son homme qui rentre du travail en lui préparant son souper et en ne lui parlant pas de ses problèmes pour ne pas le froisser», indique le sexologue.

Le Kâma Sûtra incitait aussi les femmes à se faire discrètes, à ne pas rire trop fort pour ne pas être vulgaires. Elles devaient se montrer soumises et respectueuses avec leurs beaux-parents. On conseillait aussi à la femme de se conformer aux désirs de son époux dans les travaux domestiques, être toujours radieuse et bien parée lors de son arrivée, de s’endormir après lui et de s’éveiller avant lui… Tout pour exciter la Québécoise du XXIe siècle!

 

Suggestions de lecture

  • Kama Sutra, Sélection de Reader’s Digest, Anne Johnson d’après la traduction originale de sir Richard Burton, 2000.
  • Kâma Sûtra, Le Bréviaire de l’Amour, Traité d’érotisme de Vâtsyâyana, Alain Danielou, Éditions du Rocher, 1992.
  • Le Kâma Sûtra, Marc de Smedt

 

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