Vous croyez que nous sommes les seules à faire semblant au lit, à l’occasion? Détrompez-vous: certains hommes simulent eux aussi l’orgasme! C’est du moins ce qu’a démontré un sondage du Département de psychologie de l’université du Kansas, en 2010. Parmi les 180 étudiants qui y ont répondu, 25% ont admis avoir fait mine de jouir pour mettre fin à une relation sexuelle, parce que l’orgasme se faisait trop attendre.

En matière de dysfonctions sexuelles masculines, il est souvent question de troubles érectiles et d’éjaculation précoce, mais rarement de difficulté à éjaculer. Pourtant, selon une étude britannique datant de 2003, jusqu’à 11% des hommes traverseraient, à un moment ou un autre de leur vie, une période de plus d’un mois durant laquelle ils parviennent difficilement à atteindre l’orgasme.

La pornographie entretient l’image du mâle viril capable de maintenir une érection toute une nuit et de faire jouir sa partenaire plusieurs fois de suite. Mais dans la réalité, partager son lit avec un homme qui ne parvient à éjaculer, disons, qu’après trois heures ou qui n’y arrive qu’en se masturbant, est loin d’être idyllique.

Qu’est-ce que l’anéjaculation?

On doit distinguer l’éjaculation retardée de l’anéjaculation. «Dans les cas d’anéjaculation, l’homme n’éjacule tout simplement jamais; il n’a pas d’éjaculation nocturne involontaire et ne parvient pas non plus à l’orgasme en se masturbant», explique la sexologue Sophie Morin.

Plus rare que l’éjaculation retardée, l’anéjaculation a très souvent des causes physiologiques. Certaines maladies, comme le diabète, ou encore la prise de certains médicaments (antidépresseurs, neuroleptiques, barbituriques) ou drogues peuvent entraîner une incapacité à éjaculer.

Parfois, c’est la mécanique sous le capot qui est en cause. «Ça peut être une malformation interne du pénis ou des testicules, le résultat d’une blessure ou d’un accident au dos, ou encore un problème neurologique qui empêche le réflexe éjaculatoire de fonctionner», poursuit Sophie Morin.

«Si un homme n’arrive pas du tout à éjaculer malgré des érections normales, il devrait consulter un médecin qui le dirigera éventuellement vers un spécialiste en urologie ou en neurologie», conclut la sexologue.

 

Un vrai problème

«Au début de ma vingtaine, je me sentais hot d’être un "marathonien" du sexe», raconte Julian, aujourd’hui dans la mi-trentaine. Il a toutefois réalisé que, si ses partenaires d’un soir semblaient apprécier ses performances, c’était moins le cas des femmes avec qui il entretenait des relations plus sérieuses. «Elles se plaignaient d’irritation vaginale et perdaient l’envie de faire l’amour avec moi à l’idée qu’elles devraient encore tenir plusieurs heures avant que je parvienne à jouir. Certaines ont même perdu confiance en elles parce qu’elles ne réussissaient pas à me faire atteindre l’orgasme par une fellation, par exemple.»

C’est ce qu’a vécu Anne, 37 ans, avec un ancien conjoint. «Au début de notre relation, il éjaculait environ 40% du temps, et seulement lorsqu’il finissait par se masturber, confie-t-elle. J’étais tellement amoureuse de lui que ça ne me paraissait pas trop grave. Puis, il a joui de plus en plus rarement.» L’égo d’Anne en a pris un coup, d’autant plus qu’elle n’hésitait pas à mettre le paquet pour émoustiller son chum, en testant différentes techniques de fellation ou en lui faisant des danses lascives. «Je n’osais pas lui en parler parce que j’avais peur qu’il me dise que c’était moi le problème!» se rappelle-t-elle.

Plus d’un diagnostic

Lorsque Philippe, un étudiant de 20 ans, a eu de la difficulté à jouir avec son amoureuse pendant une certaine période, il a mis ça sur le compte de la routine. «Au bout de trois ou quatre fois, ma copine s’est mise à croire qu’elle ne m’excitait plus. Du coup, je suis devenu de plus en plus anxieux et j’ai commencé à douter de moi.» Il s’est alors mis à faire des recherches sur le Web pour connaître les causes probables de son problème. C’est ainsi qu’il a découvert que la consommation de marijuana peut retarder, voire empêcher l’éjaculation. «Justement, ma blonde et moi avions l’habitude de fumer un joint avant de faire l’amour, parce que ça nous procurait des sensations intenses. J’ai donc arrêté de consommer avant nos relations sexuelles, et tout est rentré dans l’ordre.»

Si cette difficulté peut avoir des causes physiologiques, la sexologue Marie- Josée L. Drouin observe dans sa pratique qu’elle a bien souvent des racines psychologiques. «En cabinet, je reçois des hommes en couple comme des célibataires, des hétéros aussi bien que des gais, qui souffrent de ce problème pour des raisons très variées.»

Selon la sexologue Sophie Morin, il peut s’agir d’hommes qui sont stressés au début d’une relation ou lors d’une première relation sexuelle avec une nouvelle partenaire. «Ils ont peur de la décevoir, et cette pression énorme qu’ils éprouvent peut les empêcher de se laisser aller. Dans ce cas-là, chacun doit se donner le temps de s’adapter à l’autre.»

S’il s’agit d’une aventure d’un soir et que Don Juan fait le marteau-piqueur depuis plus d’une heure, rien ne nous oblige à faire semblant que ça nous plaît. Émilie, 32 ans, se souvient d’avoir passé la nuit avec un émule de Rocco Siffredi dont les prouesses étaient, disons, interminables. «À 5 h du matin, je ne savais plus quoi faire pour l’encourager à jouir! J’étais tellement exaspérée que je lui ai demandé ce qui clochait. Il m’a avoué qu’il ne jouissait presque jamais. Je lui ai répondu sèchement que j’aurais préféré l’apprendre avant d’être écorchée à vif.»

 

Quand le sexe parle de soi

Lorsque l’éjaculation retardée persiste au-delà des premiers ébats, les causes sont peut-être plus profondes. «Certains hommes vivent ce problème parce qu’ils ont une personnalité obsessionnelle. Pendant les relations sexuelles, ils mesurent leur performance plutôt que de s’abandonner», explique Marie-Josée L. Drouin.

Marianne, 30 ans, reconnaît là les traits de son ex. «Il voulait très souvent faire l’amour, mais jouissait très rarement, confie-t-elle. Quand je lui en ai parlé, il n’a jamais vraiment admis que c’était problématique. Il était fier de pouvoir performer pendant plusieurs heures. Finalement, je n’ai pas pu accepter qu’il ne se laisse jamais aller. Pour moi, une sexualité satisfaisante implique que mon partenaire parvienne aussi à s’abandonner.»

«Dans d’autres cas, ces hommes n’assument pas pleinement leur orientation sexuelle ou entretiennent des fantasmes vraiment hors du commun qu’il leur est impossible d’assouvir avec leur partenaire, poursuit Marie-Josée L. Drouin. Ou encore ils craignent que leur partenaire tombe enceinte, et ça crée un blocage. Cette difficulté à éjaculer va parfois de pair avec une peur de l’intimité. Peut-être y a-t-il des conflits dans la relation, une colère non exprimée? Enfin, certains hommes peuvent avoir vécu des abus sexuels, et ce traumatisme les empêche de parvenir à l’orgasme.» Bref, les explications simples sont rares.

Désensibilisés par la porno?

Robert, 25 ans, n’a jamais réussi à éjaculer en présence de sa partenaire. Il a pris l’habitude de se masturber en pressant très fort son pénis et en s’exhibant devant des inconnues sur le Web. «Ça me procure un plaisir que je ne ressens pas lorsque je fais l’amour avec ma copine», confie-t-il. La prolifération sur Internet de contenu pornographique de plus en plus hard aurait-elle désensibilisé certains hommes, au point où les rapports avec une femme en chair et en os ne leur procurent pas assez de sensations fortes pour jouir?

«Je ne crois pas que la consommation excessive de porno puisse être la cause de l’éjaculation retardée, tranche la sexologue Sophie Morin. Un homme accro à la pornographie va plutôt souffrir de troubles érectiles.» Selon elle, c’est la masturbation en solo qu’il faudrait mettre au banc des accusés. «Un homme peut avoir développé une accoutumance à un style de masturbation ou à un enchaînement de gestes très précis qui lui permet d’arriver à l’orgasme. On observe la même chose chez les femmes qui ont pris l’habitude de se masturber avec une douche téléphone, par exemple.»

Que faire si on n’en peut plus que Chéri dure toute la nuit et qu’on se prend à rêver d’une petite vite? Sophie Morin nous recommande de diminuer l’anxiété au sein du couple. «Il faut briser le cercle vicieux de l’anticipation de l’orgasme. On essaie de dédramatiser et on se caresse sans essayer de jouir à tout prix.»

L’homme qui est incapable d’éprouver du plaisir autrement qu’en se masturbant gagnerait à rompre avec cette habitude pendant quelques semaines, ou encore à ne se masturber qu’en présence de sa partenaire.

Finalement, si la situation ne s’améliore pas au bout de quelque temps, consulter un thérapeute est probablement nécessaire, et dans ce cas-là, une discussion franche s’impose. «C’est important de préserver l’estime de soi de notre partenaire, poursuit la sexologue. On ne fait pas de menaces et on ne pose pas d’ultimatum. On lui explique qu’on tient à lui et qu’on aimerait rencontrer un spécialiste afin que notre couple s’épanouisse davantage sexuellement.»

Présenté comme ça… c’est presque sexy!

Pour trouver un sexologue dans sa région: Regroupement professionnel des sexologues du Québec.

 

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