Mythe 1: le partenaire idéal existe

Alexandra a un coup de cafard quand elle y pense. Le 13 mai prochain, elle aura 30 ans. «J’ai toujours cru que je serais avec quelqu’un à cet âge», confie cette agente de relations publiques. «Mais je commence à croire que je ne rencontrerai jamais la bonne personne.» Bien sûr, elle a vécu des histoires d’amour. Deux fois, elle a emménagé avec celui qui, croyait-elle, allait être son chéri pour la vie. Avec le premier, l’histoire a duré deux ans et demi. «Il travaillait trop! Le soir, j’avais envie de sortir, mais il ne décollait pas de la télé.» Avec le second, la cohabitation a tenu le coup un an. «Il était trop doux. J’ai besoin d’un homme plus viril.»

Russ Harris connaît bien ce genre de reproches. Au cours des 10 dernières années, il a entendu ses clients proférer à peu près toutes les récriminations possibles à propos de leur partenaire: elle est bordélique, il a mauvaise haleine, elle parle trop… «J’ai vu tellement de femmes et d’hommes comparer leur partenaire à une figure idéale sortie tout droit de leur imagination!» s’étonne-t-elle. «Certaines personnes s’imaginent que leur conjoint devrait combler tous leurs besoins, se plier à leurs désirs, rendre leur existence plus agréable, facile et heureuse. Invariablement, elles sont déçues quand leur fantasme se heurte à la vraie vie.»

À ses patients qu’il juge trop exigeants, Russ Harris réserve une bonne douche froide en les amenant à prendre conscience de leurs propres défauts. «On veut tous que notre ami de coeur soit plus attentionné, plus aimant, plus généreux… Mais nous, on se comporte comment avec lui?»

Il insiste aussi sur l’acceptation de l’autre. «Tout le monde a des points forts et des faiblesses. En s’entêtant à ne voir que le négatif, on perd de vue l’ensemble. Il faut s’ouvrir à l’autre, réellement s’intéresser à lui, apprendre à l’accepter avec ses défauts… C’est ça, le vrai amour.» 

Mythe 2: l’amour est facile

Quand Marie-Ève a rencontré son chum à l’été 2006, ils étaient étudiants. Un an plus tard, elle emménageait dans le quatre et demie de Martin. Quelques photos prises lors d’un long séjour au Mexique l’an dernier sont fixées sur le frigo du couple. Des moments de bonheur qui font soupirer Marie-Ève. «Ce n’est pas facile en ce moment, avoue-t-elle. Martin termine sa thèse, mais il ne trouve pas d’emploi. Ma propre bourse pour la maîtrise tire à sa fin. Le stress pèse beaucoup sur notre quotidien. On se chicane pour des choses à propos desquelles on ne se serait jamais disputés avant: les tâches domestiques, ce qu’on va manger ce soir, même le choix du canal de télé!»

Russ Harris s’étonne toujours de constater à quel point ses patients se laissent berner par le mythe voulant que l’amour soit facile. «Quand on devient propriétaire d’une maison, on sait qu’il y aura des travaux d’entretien. Lorsqu’on a un bébé, on s’attend à changer des couches et à passer des nuits blanches. Et pourtant, quand on s’embarque dans une relation, on ne pense pas aux efforts qu’on devra inévitablement déployer pour la maintenir à flot. Pensez-y un instant: vous partagez votre quotidien avec une personne qui a des intérêts différents des vôtres, ses propres attentes au sujet des tâches domestiques, de la sexualité, de l’argent, de l’éducation des enfants, des vacances… Avec toutes ces différences, comment penser qu’il n’y aura pas de disputes?»

Évidemment, certains partenaires ont plus de choses en commun que d’autres. Deux passionnés de montagne auront moins de difficulté à planifier des vacances que si l’un adore la plage et l’autre la déteste. Mais invariablement, il y aura des désaccords.

La bonne nouvelle: la santé d’un couple ne dépend pas de la fréquence de ses disputes, mais de la façon dont les partenaires se querellent. Les couteaux qui volent bas et les critiques blessantes sont une véritable condamnation à mort. Mais les querelles exemptes de mépris et de jugement ne causent généralement que des blessures superficielles. «Une relation saine exige une excellente communication, rappelle Russ Harris. On doit exprimer honnêtement ses idées, ses désirs et ses émotions, avec tact et délicatesse. En contrepartie, il faut écouter son partenaire, lui laisser la possibilité de s’exprimer sans l’interrompre.»

Mythe 3: «Tu me complètes»

La première chose que Christine a faite quand elle est rentrée de son voyage de noces il y a deux ans, c’est mettre à jour son statut Facebook pour laisser savoir au monde entier qu’elle était mariée. «Mon couple, c’est ma fierté, confie la libraire de 28 ans. J’ai toujours rêvé d’avoir un époux et de fonder une famille.»

Cette petite rousse aux yeux pétillants était parfaitement heureuse de partir en congé de maternité il y a six mois. Elle compte avoir un deuxième enfant rapidement et, idéalement, ne pas retourner au boulot. Carl et elle, assure Christine, se complètent bien. «C’est un fonceur qui aime être dans l’action. Moi, je suis plus "maison".» Reste que l’existence parfaite de Christine cache quelques brèches. «À l’heure du souper, Carl semble s’ennuyer quand je lui raconte ma journée. Clairement, il ne m’apprécie pas à ma juste valeur.»

Pour Russ Harris, l’histoire de Christine rappelle la réplique célèbre de Jerry Maguire. À la fin de ce film des années 1990, le personnage-titre interprété par Tom Cruise gagne le coeur de sa petite amie en déclarant: «Tu me complètes.» La phrase est restée gravée dans la mémoire de toutes les accros aux happy endings.

«Si une femme ou un homme pense qu’il est incomplet sans son partenaire, il peut s’attendre à connaître de sérieux problèmes dans sa relation! estime M. Harris. Croire que, grâce à notre couple, on va s’épanouir, que notre vie va enfin avoir du sens, c’est un piège qu’il faut éviter à tout prix.» Pour développer une relation riche et gratifiante, insiste-t-il, chacun des membres du couple doit s’accomplir. «Autrement, on risque de devenir exigeant et dépendant en amour.»

Qu’on soit en couple ou célibataire, on doit donc travailler à la réalisation de soi. «Il faut être fier de qui on est, sans avoir à se regarder à travers les yeux de l’autre pour sentir qu’on est quelqu’un de bien.»

Mythe 4: l’amour dure toujours

Il en a fallu, de la persuasion, pour convaincre Nathalie de livrer son témoignage à un magazine. «Promets-moi que tu vas changer mon nom!» Promis! Si Nathalie est si craintive, c’est qu’elle songe à se lancer dans une aventure extraconjugale. «Ma vie est exactement celle que j’ai toujours voulue», admet la notaire de 35 ans. Elle a un mari qu’elle trouve fantastique, deux enfants adorables, une carrière intéressante, de l’argent… «Mais tu sais quoi? Je m’ennuie! Jean-François et moi, on est sur le pilote automatique. Même le sexe est devenu routinier. C’est cliché, mais j’ai besoin de piquant!»

L’amour qui dure toujours est le mythe le plus tenace auquel s’attaque Russ Harris. «Quand on vit les premiers émois d’une nouvelle relation, on ne peut pas s’imaginer que nos sentiments vont faiblir avec le temps, dit l’auteur. Encore moins qu’ils pourraient s’évaporer pour être remplacés par la colère, la frustration ou même le mépris.»

La phase de la lune de miel ne dure que six mois en moyenne, estime le thérapeute. Trois années, dans les cas exceptionnels. «Même quand il s’agit d’une relation heureuse avec le partenaire le plus extraordinaire qui soit, la passion ne dure pas, assure-t-il. Quand la lune de miel se termine, beaucoup de couples ressentent un vide. Plusieurs personnes sont alors tentées de quitter leur conjoint.»

Les liens authentiques ne peuvent se développer qu’une fois la lune de miel terminée, croit pourtant Russ Harris. «C’est alors qu’on voit l’autre tel qu’il est réellement. À mesure que notre relation progresse sur des bases différentes, de nouveaux sentiments naissent. Ils ne sont pas aussi intenses que ceux du début, c’est vrai, mais ils sont infiniment plus riches et satisfaisants.»

Que faire, alors, de tous ces conseils dont on nous assaille pour nous encourager à entretenir la passion? «Évidemment, il faut savoir créer des moments romantiques et excitants. Mais on n’y arrivera pas tous les jours ni même tous les mois. L’amour qui dure, ce n’est pas toujours exaltant. C’est même frustrant parfois. Et c’est normal. Il faut connaître toute la gamme des émotions humaines pour avoir une vie pleine et épanouie.»

 

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