Selon un sondage effectué en 2017 par The Canadian Journal of Human Sexuality, près de 53 % des Canadiens utiliseraient des jouets sexuels. La tendance qui monte en flèche? Tout ce qui touche au plaisir dit « féminin », soit les jouets conçus pour les vulves et les vagins. On pense aux vibrateurs faits pour le clitoris, aux jouets à succion et aux dildos pour stimuler le point G, entre autres. Ces merveilleux joujoux comptaient pour plus de 59 % des parts de marché du secteur des jouets sexuels en 2019! Leur popularité peut être associée au discours positif sur la notion de plaisir mis de l’avant par les éducateurs – notamment en ligne –, qui brisent les tabous un à un et démocratisent le plaisir pour tous, quels que soient leur genre, leur type de corps, leurs préférences et leur orientation sexuelle. Du balai, la fameuse disparité des orgasmes!

Les pros du marketing aident aussi à faire changer la conversation entourant les jouets sexuels, en se tenant loin des images pornos véhiculées auparavant et en mettant en marché des objets accompagnés d’un message axé sur l’amour de soi, la routine santé, le self-care et l’importance d’une vie sexuelle satisfaisante. Aujourd’hui, tout le monde veut – et peut! – prendre son pied, et une foule de jouets novateurs au design étudié, autrefois jugés de niche, tirent leur épingle du jeu.

Pour et par

Dans un marché mondial qui vaut plus de 25 milliards de dollars – constamment en hausse grâce aux discrètes ventes en ligne et à l’entrée sur l’échiquier de nouveaux joueurs, qui osent briser les codes –, ce sont maintenant les entreprises menées par des femmes et des personnes non binaires qui attirent l’attention. Elles sont de plus en plus nombreuses et gravissent les échelons de ce monde concurrentiel à la vitesse grand V. Et ça a beaucoup de sens! Qui de mieux placé pour penser au plaisir des femmes et des personnes non binaires… que des femmes et des personnes non binaires? « C’est certain que, quand on peut tester un produit sur son propre corps, ça change tout! On peut arrimer son design et son fonctionnement non seulement avec les différentes façons de se donner du plaisir, mais aussi avec ce qui convient à notre routine, à notre quotidien. Les jouets sexuels font maintenant partie de notre style de vie! Ils doivent être pensés comme tels », dit Alexandra Fine, présidente et cofondatrice de Dame, une société new-yorkaise dont les jouets sont mis au point pour « célébrer l’intimité, les expériences sexuelles et l’empowerment » des utilisatrices et des utilisateurs. Selon la femme d’affaires, un sex toy se rapproche aujourd’hui plus d’une brosse à dents que d’un objet de luxe, qu’on n’utilise que dans les occasions spéciales. « Personnellement, mon vibrateur me sert tous les jours – comme ma brosse à dents! Celle-ci aura beau être plaquée or, sertie de diamants, elle ne brossera pas mieux mes dents. (Rires) C’est la même chose pour mon vibro: je veux un objet qui soit esthétiquement plaisant, mais qui soit facile à utiliser, pratique. Et qui fonctionne selon mes envies et mes besoins! »

Ce discours trouve un écho chez Isabelle Deslauriers, présidente et fondatrice de Désirables, une entreprise québécoise qui se spécialise dans « les produits intimes sécuritaires et de luxe » – des dildos en porcelaine, de façon prépondérante – et dont les valeurs prônent la pleine conscience, le bien-être et… l’amour! « Si je créais un jouet spécifiquement pour les personnes avec un pénis, je m’assurerais d’avoir dans mon équipe quelqu’un avec un pénis, lance la créatrice. C’est logique, non? Pourtant, dans le passé, les compagnies qui créaient des sex toys pour les femmes étaient composées majoritairement… d’hommes! Pas étonnant alors que presque tout ce qui sortait des usines était phallocentrique, axé sur la fiche technique des objets, sur les chevaux-vapeur du moteur! (Rires) Des produits très pornos ou alors infantilisants – on n’a qu’à penser aux petits papillons ou aux lapins qui ornent certains vibrateurs vieux jeu. Aujourd’hui, les jouets qu’on voit apparaître sur le marché et qui sont faits par et pour des personnes avec des vagins et des vulves sont plus ergonomiques, plus esthétiques, plus diversifiés. Centrés sur l’état d’esprit, sur l’aspect positif qui entoure la masturbation et le plaisir. Même l’emballage est différent: il est plus joli, plus luxueux. Le marché se transforme pour plaire à la grande diversité des utilisatrices et des utilisateurs! »

Des bâtons dans les roues

Alexandra Fine et Isabelle Deslauriers s’entendent pour dire que, sur leur chemin dans l’univers des jouets sexuels, elles ont dû relever des défis et surmonter des embûches. Le grand coupable? Le bon vieux sexisme. Il n’est pas toujours facile de faire sa place dans l’industrie du plaisir appelé « féminin », lorsque les gens hauts placés qui prennent les décisions tant marketing que monétaires sont des hommes. « Dans les foires technologiques, ça fait des années que des hommes présentent des robots sexuels, des jeux vidéo pornos, qu’ils gagnent des prix pour leur travail et reçoivent du financement, relate Isabelle Deslauriers. Les géants du web, comme PornHub, sont menés par des hommes, et ils ont beaucoup d’argent! Mais quand une femme crée un produit centré sur le plaisir féminin, ça ne passe pas. On a de la difficulté à aller chercher des fonds: les gens sont davantage ouverts au sujet, mais les institutions restent conservatrices. Même chose en ce qui a trait aux assurances d’entreprise ou à leur publicité et à leurs ‘‘codes d’éthique’’. Sur Instagram, par exemple, on peut utiliser une image hypersexualisée de la femme pour vendre tout et n’importe quoi, mais pas question de parler de plaisir, de clitoris, d’outils pour aider les femmes à reprendre en main leur sexualité! Ce sont d’immenses montagnes à déplacer, encore aujourd’hui. »

VIBRATEUR FLEXIBLE POM, de Dame Products

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MASSEUR LE WAND PETITE (MARINE), de Le Wand

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MANCHE DE PLAISIR, de The Shotpocket

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Une expérience client rehau – hau – HAU! – ssée

Pour notre plus grand plaisir (!), les deux créatrices (et bien d’autres aussi) ont parcouru le chemin cahoteux qui les a menées à nous offrir des produits de qualité, sécuritaires, et conçus pour donner aux femmes et aux personnes non binaires des orgasmes avec un O majuscule. Et pas que! Les objets qui sont sur le marché à l’heure actuelle proposent un design novateur, ergonomique, à l’aspect luxueux, en plus d’une technologie de pointe élaborée en ayant en tête ce qui nous fait vraiment plaisir. Ils sont davantage sécuritaires, fabriqués dans des matériaux qui sont sans danger tant pour notre corps et nos muqueuses que pour la planète, et ils sont surtout exponentiellement inclusifs! « Auparavant, les jouets étaient vraiment classés par catégories. Dans les sex shops, il y avait un coin pour ‘‘femmes’’, un coin pour ‘‘hommes’’, un coin pour ‘‘hommes gais’’. Et les gens s’en tenaient habituellement à la section qui leur était attitrée! » dit Henri-June Pilote, directeur général chez AlterHéros (@alterheros), et spécialiste en éducation sexuelle et enjeux LGBTQIA2S+, qui a travaillé de nombreuses années dans un magasin de jouets sexuels. « Et ça a changé rapidement au cours des dernières années. On a décloisonné le tout, et je crois que c’est une question de génération, mais aussi d’éducation. Les hommes hétéros s’intéressent sans gêne au sexe anal, les femmes veulent des trucs non genrés, loin des jouets rose bonbon d’antan, et les personnes de tous azimuts ont un intérêt pour le BDSM. C’est l’fun de voir les gens essayer de nouvelles choses. » Il salue aussi les initiatives de plus en plus présentes centrées sur le plaisir des gens trans et queer. « Avec ma plateforme (@june.pilote sur Instagram), je voulais surtout que les personnes de la communauté LGBTQIA2S+ puissent avoir accès à des sex toys qui leur conviennent, parce que je me suis rendu compte que ces jouets ont un véritable pouvoir, qu’ils peuvent aider à combattre la dysphorie de genre et à trouver une euphorie sexuelle, ajoute-t-il. Ça me ravit parce que depuis trois ou quatre ans, les connaissances des gens de cette communauté sur les différents jouets sexuels, leur utilisation et leur composition ont explosé – tout comme l’offre de toys diversifiés, d’ailleurs. On fait du chemin! »

La boutique en ligne montréalaise Nox Shop, cofondée et tenue par Amy Johnson, surfe sur cette vague. Elle propose des jouets non genrés qui conviennent à tous les goûts et à tous les portefeuilles. « Je pense qu’avant que l’offre se diversifie, que l’industrie soit prise d’assaut par les femmes, les personnes non binaires et les personnes queer, bien des gens se sentaient exclus et peu représentés dans cet environnement, qui n’était certainement pas accessible à tous. Maintenant, les boutiques comme Nox et tant d’autres font en sorte que l’expérience shopping est plus invitante et plus inclusive, parce qu’elle est centrée sur la communication, l’éducation et la sexualité positive », explique l’entrepreneure. D’après elle, le fait que l’utilisation de ces joujoux ne soit plus stigmatisée est redevable aux réseaux sociaux, où l’équipe de Nox et ses pairs font un travail de sensibilisation. « On n’a qu’à penser au langage qui entoure les jouets sexuels: il est en constante évolution et vise à inclure le plus de personnes possible. Les mots qu’on emploie sont de moins en moins genrés, on tente de réduire les fausses promesses du type “le meilleur orgasme de l’univers entier en trois minutes top chrono!” et de centrer la conversation sur la connaissance de son corps, de ses envies, des sensations qu’on trouve agréables. Le marketing lié aux sex toys est aussi plus axé sur le plaisir en solo, alors qu’avant il était axé sur les couples. Ça normalise la prise en charge de son propre plaisir. »

Casser les tabous entourant la masturbation, le plaisir désigné comme « féminin », les jouets comme outils permettant d’avoir une vie sexuelle plus satisfaisante sert à tout le monde, mais, de l’avis d’Henri-June Pilote, cette révolution sert également à diversifier l’offre – et à la rendre plus accessible! « Pensons aux jouets à succion, qui coûtaient plusieurs centaines de dollars il y a quelques années. Il y en a maintenant une tonne sur le marché, à un prix beaucoup plus abordable. C’est important de démocratiser le plaisir, notamment pour les gens encore stigmatisés dans notre société, comme les gens trans et les travailleurs du sexe, qui n’ont pas toujours un budget faramineux leur permettant de remplir le tiroir de leur table de chevet. » Se dirige-t-on lentement, mais sûrement vers un plaisir réellement accessible à tous? On ne peut que (se) le souhaiter!

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