Amour et sexe
Je suis lesbienne, et puis après?
Modèles lesbiens stéréotypés et rares. Culture homosexuelle discrète, voire inexistante. Les lesbiennes hésitent à s'afficher. Trois d'entre elles racontent leur histoire.
par : Danielle Verville- 04 juil. 2012
Maya, 15 ans
Adolescente et lesbienne
J’ai commencé à me poser des questions sur mon orientation sexuelle très tôt. Au début de l’adolescence, je croyais être bisexuelle, mais j’ai vite réalisé que je me sentais mieux avec les filles. Je devais avoir 12 ans quand j’ai commencé à m’assumer et à dire que j’étais lesbienne.
Ma mère a appris que j’étais homosexuelle en voyant une de mes photos de couple sur Facebook. Elle ne se doutait de rien avant de voir cette photo. Elle a quand même bien pris la nouvelle, mais elle aurait aimé que ça se passe autrement. Avec mon père, ç’a été plus délicat. Il a su que j’étais lesbienne en signant mon agenda. J’avais écrit un mot disant que mon ex-copine m’avait laissée, et il l’a lu. La nouvelle été un peu plus difficile à accepter pour lui, mais tout va bien maintenant. Devant les autres, il préfère dire que je suis accompagnée de ma meilleure amie, mais sinon, ça va.
Le plus facile, ç’a été à l’école. Tout le monde m’a acceptée. Je ne vis pas d’intimidation ni rien. Même que si quelqu’un m’agace, ce sont les autres qui le remettent à sa place. Il faut dire que j’ai un bon groupe de copains. Mon entourage est très ouvert. Mon meilleur ami est gai, et certaines de mes copines sont bisexuelles. J’affiche mon homosexualité et je m’implique dans la Journée internationale contre l’homophobie. Mon look est masculin. Quand on me regarde, on sait. C’est peut-être pour ça que ça passe bien: parce que je m’assume et m’accepte comme je suis.
Florence, 24 ans
Changer les choses
J’ai fait mon coming out à 19 ans sans ressources ni modèle. Pour moi, être lesbienne, ça signifiait être associée à la femme bûcheronne. Je suis maintenant en couple depuis trois ans et je crois qu’il faut changer l’image que nous avons de nous-mêmes. Pour nous et pour la prochaine génération.
Ma conjointe et moi travaillons avec 25 autres homosexuelles à un projet de site Web, Lez Spread The Word, où les lesbiennes de tous les âges et de tous les milieux peuvent échanger et en apprendre davantage sur plusieurs sujets entourant l’univers lesbien. Notre communauté est éclectique, et c’est à nous de redéfinir notre image.
Les femmes hésitent à sortir du placard. Elles ont eu à se tailler une place sur le marché du travail, à faire reconnaître leurs compétences, à exiger l’égalité des sexes et l’équité salariale. Quand tu es une femme qui occupe un haut poste en entreprise, tu fais déjà partie d’une minorité. Être lesbienne en plus, c’est souvent vivre une double minorité. Les femmes ont un bon bout de chemin de fait, et c’est à ma génération de sortir de l’ombre et de changer les mentalités.
Marjorie, 40 ans
L’homoparentalité
Ma conjointe et moi sommes les parents d’une fillette de bientôt quatre ans et d’un bébé garçon âgé d’à peine un mois. L’homoparentalité est une belle expérience, mais cela n’a pas toujours été facile.
Avant 2010, la procréation médicalement assistée impliquait un investissement financier de taille. On a donc pensé se tourner vers un bon ami. Après réflexion, on a préféré opter pour l’insémination artificielle. J’ai été la première à porter un de nos enfants. Ça nous a causé beaucoup de stress. Je n’étais plus très jeune, et chaque essai brûlait nos économies. Dans un couple lesbien, quand l’une est moins fertile que l’autre, une pression s’ajoute: si ça ne fonctionne pas, l’autre peut le faire à notre place! Quand ma conjointe a porté notre garçon, la procréation médicalement assistée était couverte par l’Assurance maladie du Québec. C’était plus facile.
Lors de l’entrée de notre fille à la garderie, nous avons éprouvé certaines craintes. Avoir deux mères, ce n’est pas ordinaire. Et si on riait d’elle? Finalement, tout s’est bien passé. Mais parce qu’on voulait qu’elle soit à l’aise avec sa réalité familiale différente, on a dû s’assumer davantage et sortir du placard au travail et dans les lieux publics. On lui avait si souvent dit qu’il existait différents modèles de familles et qu’ils étaient tous corrects qu’elle racontait à la caissière de l’épicerie et à des passants qu’elle avait deux mamans. Aujourd’hui, on est bien fières de notre petite famille, et ça va très bien!
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