Depuis de longs mois maintenant, plusieurs podcasts ou plateformes proposent de l’audioporn. On peut citer « CtrlX » ou encore « Les lectures érotiques de Charlie ». De mon côté, j’ai décidé de tester « VOXXX », podcast pour « clitos audiophiles ». D’abord parce que mon clitoris a toujours aimé le bon son, ensuite parce que j’ai tout de suite accroché avec l’ambiance, les voix (notamment celle de Lélé O, cam girl et actrice principale de « VOXXX ») et la promesse. « VOXXX » propose en effet des séances de masturbation guidée. On parle de « JOI », Jerk Off Instructions, soit en français « instructions pour te toucher ». Heureuse à l’idée de tester ce podcast alléchant, j’ai calé « la séance » dans mon agenda. Après tout, ça reste du travail. J’en conviens, mon travail mêle souvent l’utile à l’agréable. Le jour venu, je me suis mise en condition. Un bon moment en perspective. J’avais l’impression de me préparer pour une séance de méditation : position et tenue confortables, et téléphone en mode avion. Ce qui est fou, c’est qu’avant de mater un film porno, je n’en fais pas tant (personnellement). Je ne pense ni à baisser la lumière, ni à me caler des popcorns. Quand il s’agit de voir des pénis trop gros pour être vrais, le moment n’a rien de sacré.

Bref, allongée sur mon lit, j’ai lancé « VOXXX ». Alors que la voix (ou les voix, c’est selon l’épisode) attaquait, j’ai tout de suite établi un rapprochement avec l’ASMR. Vous savez cette technique de relaxation à base de chuchotements, petits bruits de bouche, d’ongles ou de papier… J’avais déjà lu ici et là que « VOXXX » s’en rapprochait, mais je n’avais pas imaginé que la frontière serait si poreuse.  Au départ, je n’étais pas très à l’aise. Quelque chose me dérangeait. La voix était vraiment à côté de moi (effet multiplié quand on utilise des écouteurs, c’est franchement bien fait) et me susurrait des trucs à l’oreille sur ma « petite ch… ». Oui, c’est comme ça qu’on me parlait de mon sexe. Pour autant, rien de vulgaire. On était vraiment dans la poésie, la délicatesse, la sensualité. Mais même en trouvant cela « bien fait », je n’accrochais pas. C’était presque osé, presque envahissant, sans parler des petits bruits de bouche qui ne cessaient et me rappelaient certains collègues à la cantine.

Jusqu’au moment où j’ai senti une chaleur me monter dans le ventre. Dans l’épisode « Chuchotis pour chatte », Lélé O et Arsène Laclos, décident de s’occuper de moi. Je dis « de moi » et pas « de toi » ou « de vous » ou « de nous », parce qu’à ce moment, je me suis sentie vraiment unique. Je les imaginais à deux centimètres de moi, en train de me regarder l’entrejambe sans jugement, et quand ils me disaient que je leur faisais envie, j’y croyais vraiment (si ce n’est que le gars avait comme l’air de sucer une Chupa Chups quand il parlait, rapport aux bruits de bouche qu’il faisait, et que je ne comprenais pas trop pourquoi).

J’étais donc une star. Même pas une star du porno, non. Juste une star. Juste moi-même. Mon corps n’avait jamais été aussi beau. Entre les voix et les mots choisis, l’excitation montait. Mon imaginaire travaillait vraiment, du moins il était complètement porté par le son et je n’avais pas grand-chose à faire, simplement à me laisser aller. Finalement, c’est comme quand tu masturbes et que tu t’inventes un scénario, sauf que généralement, tu finis par lâcher, tu as la flemme, tu n’es pas réalisatrice et tu ne sais plus où tu en es. Là, le scénario est présent. Il n’est même pas imposé – rien à voir avec un film X – il est simplement suggéré.

Je dois dire qu’au bout de quelques minutes à peine, j’étais « érotiquement chargée » (pour reprendre les mots de Rachel Green dans « Friends »). Il fallait passer à la vitesse supérieure, mais le podcast ne passe pas à la vitesse supérieure, il te fait languir, il veut te rendre dingue, et ça fonctionne vraiment. En même temps, tant mieux, parce que c’est un coup à jouir très rapidement, ce qui serait dommage, parce que tu es vraiment bien.

Ce qui me plait, c’est de savoir qu’il reste plein d’épisodes à tester (il y en a même un en anglais, des fois que je décide de sur-mêler l’utile à l’agréable). Réellement, cette expérience de masturbation sur « support audioporn » était très bonne, et j’ai vraiment envie de recommander « VOXXX » à tout le monde (sauf à ma mère). « VOXXX » redonne au corps de la femme et au plaisir féminin ses lettres de noblesse. Il rassure, valorise, nous place sur un piédestal : on est importante et on mérite de jouir. Être guidée nous permet de nous abandonner, et les consignes n’étant jamais strictes mais implicites, on lâche totalement prise. Vraiment, je suis sortie de là comme après une séance de sophrologie. Complètement stone et heureuse, car au-delà de l’orgasme et du plaisir, le corps relâche, l’esprit se coupe un instant, et dans ce monde de fou, c’est le genre de parenthèses qu’il est urgent de s’accorder.

Le concept de « VOXXX » est aussi très bon pour notre santé sexuelle. Il vient secouer notre imaginaire érotique et nous éloigne de toutes ces images parfois grossières des films pornos. La taille du pénis et les seins de la fille, c’est toi qui les vois, c’est toi qui choisis. Tu vis le sexe à l’intérieur de toi, tu te reconnectes à tes fantasmes, tes préférences, tes envies. Quand on sait combien les films pornos biaisent notre réalité sexuelle, nous proposent un modèle mais pas cent, j’ai presque envie de dire que « VOXXX » me parait d’utilité publique, et ce même quand on ne consomme pas de films pornos. Nous sommes toutes et tous soumis à des images, des clichés, des injonctions. « VOXXX » nous permet de revenir à nous-même. Un peu comme le retour à la nature s’impose aujourd’hui, un retour à une sexualité vraie et authentique est de mise. Finalement, en s’accordant ce genre de moment, en se connectant à son corps, qui mérite d’être aimé, connu et bichonné, on se libère, on fait de la place, et on se rencontre. Mais bon, je ne voudrais pas trop en faire, il est peut-être temps que je retourne faire un petit tour sur Youporn moi.

Cet article est paru sur elle.fr.

Photo: Getty Images


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