«C’est en retrouvant par hasard un joli porte-jarretelle datant d’avant mon mariage que j’ai réalisé à quel point ma vie sexuelle avait pris la poussière, confie Laurence, 34 ans. Les années passant, nos ébats passionnés se sont peu à peu espacés pour faire place à une relation pantouflarde et, honnêtement, ce statuquo me convient parfaitement: entre mes deux filles et le boulot, je cours tellement que je n’ai plus la tête aux caresses. Mais j’imagine que je devrai un jour me remettre au porte-jarretelle, sinon je vais devenir aussi sèche que les chaussettes de l’archiduchesse!» Un cas rare, Laurence? Pas vraiment… Qu’elles soient en couple ou célibataires, les filles qui voient leurs ardeurs diminuer ou disparaître sont légion. Comme dit Farida, une joyeuse célibataire de 29 ans: «Pendant une période de deux ou trois ans, j’ai eu zéro vie sexuelle. J’avais un boulot passionnant, des amis, pas mal d’activités sportives, mais pas de galipettes. Et franchement, ça ne me manquait pas du tout. Je crois que j’avais la tête ailleurs, c’est tout.»

Un Viagra féminin?

Trouver la pilule magique qui «boosterait» la libido féminine? Tous les laboratoires pharmaceutiques du monde en rêvent! Ils cherchent donc activement… en vain pour le moment. L’été dernier, un comité consultatif de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a en effet jugé que la flibanserine, le «Viagra féminin», n’était pas assez efficace pour être vendue sur le marché. Cette molécule, mise au point par la firme Boehringer Ingelheim, devait en effet pouvoir requinquer artificiellement notre libido en agissant sur la sérotonine et en stimulant les régions du cerveau associées au plaisir. Mais le peu d’efficacité et les effets secondaires de cette pilule testée initialement comme antidépresseur ne lui ont pas permis de passer le test de la commercialisation.

 À la recherche du désir perdu

«À un moment ou un autre de leur existence, beaucoup de femmes n’ont en effet plus le goût d’avoir une vie sexuelle active, confirme le Dr Irv Binik, professeur au Département de psychologie de l’Université McGill et directeur du Service de thérapie sexuelle et de couple de l’hôpital Royal Victoria. Si elles sont satisfaites comme ça et si leur conjoint n’y voit aucun inconvénient, je ne suis pas prêt à dire qu’elles doivent absolument retrouver ce goût pour améliorer leur vie. Du reste, elles peuvent exprimer leur sexualité de toutes sortes de façons. Certaines vont le faire en écrivant de la fiction, d’autres en fantasmant ou en se masturbant… Les différences individuelles en la matière sont immenses et si je parvenais à découvrir pourquoi, je recevrais certainement un prix Nobel!»

Ceci dit, quel que soit notre âge ou notre situation amoureuse, faire l’amour est toujours bénéfique. Non seulement c’est un moyen simple de se faire plaisir, de prendre du bon temps, mais il n’y a rien de tel pour dénouer les tensions nerveuses, favoriser un sommeil réparateur et se sentir mieux dans sa peau! «Eh oui! ça garde aussi le vagin en forme, précise la Dre Laurie Betito, psychologue-sexologue. Quand on a des rapports sexuels ou qu’on se masturbe régulièrement, le sang engorge nos organes génitaux, ce qui permet aux parois du vagin de conserver leur élasticité.»

Autant d’excellentes raisons de batifoler sous la couette! «En ce qui me concerne, j’en ajouterai deux autres, confie Caroline, 29 ans. Ça nous rend plus lumineuse et ça rehausse l’estime de soi. J’ai découvert à mes dépens que lorsque le désir ne nous habitait plus, on ne dégageait pas grand-chose. Psychologiquement et moralement, j’ai trouvé très dur de constater qu’à cause de ça je me fondais dans le mobilier. En décidant de renouer avec la sexualité après presque trois ans de néant, j’ai surtout voulu renouer avec ma féminité et mon assurance.»

Pour celles qui sont curieuses de savoir comment Caroline s’y est prise pour tranquillement repartir la machine sans l’aide d’un mécanicien bien équipé, il y a quatre mots d’ordre: introspection, masturbation, volonté et persévérance. Car à moins d’un miracle, ce n’est certainement pas la pensée magique qui va réveiller nos pulsions sexuelles!

«On est toutes des êtres sexués et le désir est naturellement en nous», explique Sylvie Lavallée, sexologue clinicienne et psychothérapeute, auteure du livre Avez-vous la bonne attitude sexuelle? (Les Éditions Publistar). «Alors, quand il disparaît, la première chose à faire est de se demander qu’est-ce que ça signifie, pourquoi on s’est arrangée pour l’endormir, même si c’est de manière inconsciente. » Personne ne nous attire? On file un mauvais coton (dépression, perte d’emploi, problèmes de sous, etc.)? On s’ennuie au lit avec notre partenaire? Notre relation est devenue trop routinière? Notre couple traverse des turbulences? En d’autres termes, tant qu’on ne réussira pas à mettre le doigt sur le bobo, on va avoir du mal à remonter la pente!

Attiser la flamme

«En ce qui me concerne, il a fallu que je me remette sérieusement en question, avoue Caroline. Plus difficile encore, il a fallu que je change complètement ma perception de la sexualité pour voir renaître ma libido. J’ai longtemps cru que le désir se bâtissait à deux et, à force d’attendre qu’une tendre moitié se manifeste, je me suis encroûtée. Pour me « désencroûter » toute seule, je me suis acheté un vibrateur. Au début, je trouvais ça assez pathétique de me faire jouir en solo. Mais au fil des semaines, j’ai cessé de me censurer et je me suis réapproprié mon corps avec un plaisir croissant.»

Sylvie Lavallée nous suggère également de faire travailler notre imagination pour titiller notre libido. «Qu’on soit dans l’autobus, dans un club vidéo ou au resto, on cherche du regard quelqu’un autour de nous qu’on embrasserait volontiers. Une fois qu’on a trouvé, on peut aller plus loin: est-ce que je suis capable de déshabiller des yeux cet homme? Est-ce que je le laisserais m’approcher? À quoi ressembleraient ses baisers? On doit renouer avec les fantasmes, le désir étant un état d’esprit qu’on peut stimuler. Une femme qui a tendance à inventer des scénarios érotiques a beaucoup plus de chances de conserver son désir vivant qu’une femme qui est ancrée dans des préoccupations terre-à-terre.»

Anne-Sophie, qui vit avec Marc depuis 23 ans, le sait mieux que quiconque. Pourtant, à la regarder aller, on jurerait qu’elle vient de rencontrer son conjoint. Lorsqu’elle est avec lui, ils marchent bras dessus, bras dessous, se bécotent sur les bancs publics et ont apparemment des ébats nocturnes assez fréquents. «Mais ça n’a pas toujours été comme ça, reconnaît-t-elle. On a eu trois enfants et, pendant une bonne douzaine d’années, je n’ai été qu’une maman. Le sexe? Dans mes rêves! Sauf qu’un beau matin, vers l’âge de 43 ans, je me suis réveillée. En me regardant dans le miroir, j’ai vu une femme aigrie et mal fagotée qui avait perdu tout contact avec ses désirs physiques primaires. J’ai capoté. Aille! j’étais bien trop jeune pour ça! Après avoir digéré cet affreux constat – ça a duré des mois! -, je me suis remise à porter de la lingerie fine, des jupes et des talons hauts. Ça a eu un effet immédiat sur Marc, et le seul fait de comprendre que j’étais redevenue désirable m’a transformée intérieurement. En clair, j’ai eu une révélation: j’étais toujours amoureuse de mon mari.»

 

Le défi du couple

D’après Laurie Betito, un couple sur quatre n’a presque pas de sexualité. «Ça ne veut pas nécessairement dire qu’il ne fonctionne plus mais, très souvent, le problème s’est installé parce que le couple a développé un pattern: avec le temps, la passion du début a fait place à la routine, et les deux partenaires ne savent plus comment s’y prendre pour revenir en arrière et poser les bons gestes. Du coup, ils finissent par se détacher sur le plan affectif, et même s’ils ont envie de se faire un câlin, ils se retiennent, de peur d’envoyer à l’autre un message d’envie. Dans ces cas-là, je recommande de repartir à zéro. On recommence à se tenir par la main, on planifie des soirées en amoureux, on s’enlace, on s’embrasse, on allume des chandelles autour du lit… Si chacun y met du sien, il est possible de retrouver une belle sexualité.»

Mylena, qui est en couple depuis 14 ans, peut en témoigner: «Je crois qu’il faut un peu « se forcer » pour entretenir sa sexualité, estime-t-elle. Quand on n’a pas eu de vraie conversation avec son conjoint depuis longtemps, on prend le temps de le faire, non? On s’assoit et on se parle. Alors, pourquoi ne pas adopter la même approche physiquement? Moi, j’appelle ça des « conversations physiques ». Avec mon chum, on a donc décidé qu’on se réserverait des soirées où on « ferait l’amour en paresseux ». On se met délibérément au lit, on se colle, on se caresse… mais sans attentes. Parfois, on s’endort tout simplement. Parfois, ça donne des choses inattendues et extraordinaires. C’est comme ça qu’on entretient notre flamme sexuelle.»

Par contre, il ne faut pas se leurrer. Les petits papillons qu’on avait jadis dans le ventre à la simple vue de notre chéri se sont probablement envolés à jamais. «Il est très difficile de désirer ce qu’on a, rappelle Sylvie Lavallée. Quand notre conjoint est devenu un buffet chinois où on peut se servir à volonté, il vient un temps où on est saturée, et on n’a plus envie de lui! Il faut donc lui parler et expliquer clairement ce qui nous allume (les caresses qu’on aime, les mots qui nous excitent, les préliminaires qu’on préfère, etc.) et ce qui nous éteint (ses sweat pants du weekend, les « p’tites vites », les tapes sur les fesses pendant qu’on lave la vaisselle, etc.). Et si le désir ne revient pas malgré toutes nos tentatives, on n’hésite pas à consulter un psychologue, un thérapeute conjugal ou un sexologue.»

«Nous, on a choisi une autre solution, conclut Élise, 52 ans. Dès qu’on remarque qu’on est en train de s’enliser dans le quotidien, on se sépare. Comme je suis enseignante, j’ai la chance de pouvoir prendre congé de mon travail durant tout l’été et, lorsque ça s’impose, je prends aussi congé de mon mari pendant plusieurs semaines. Le plaisir qu’on éprouve ensuite à se retrouver est plus efficace que du Viagra!»

 

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