L’homme a passé la soirée dans un bar à vanter les bienfaits de sa merveilleuse vie de célibataire à tout le monde. La femme l’a trouvé plutôt mignon, malgré son attitude un tantinet suffisante. Elle termine son verre d’un trait, pour se donner du courage, et lui dit: «On va en prendre un dernier chez moi?» Elle a dans le regard une lueur coquine qui annonce que ce verre ne se prendra peut-être jamais, mais que leurs corps se retrouveront très vite nus et emmêlés. Pourquoi le gars déclinerait- il une offre pareille?

Pourtant, il réfléchit. «Je dois répondre oui, évidemment. Une invitation comme celle-là, ça n’arrive pas tous les jours. Combien de fois me suis-je fait remettre à ma place après avoir demandé à une femme si elle avait le goût de prendre un dernier verre chez moi? En voilà une qui prend les devants. C’est très sexy, une femme qui s’affirme et qui sait ce qu’elle veut. Mais, euh… Qu’est-ce qu’elle veut, au juste? A-t-elle envie de moi en particulier, ou est-ce simplement qu’elle ne veut pas finir la soirée seule? Qu’est-ce qui l’anime? Le désir, la perspective d’un petit plaisir ludique partagé ou l’ennui?

«En plus, j’ai trop bu. J’ai mangé un chichetaouk qui me donne une haleine de fourrière insalubre. J’ignore si mon déodorant a tenu le coup. Si j’essaie de me renifler discrètement les aisselles, va-t-elle le remarquer?

«Et puis, les premières fois me stressent toujours un peu. Le stress mène parfois à la panne d’érection, qui suscite inévitablement des questions angoissantes: « Tu ne me désires pas? Qu’est-ce que j’ai fait de pas correct? » Je devrai alors subir son anxiété en plus de la mienne.

 «Et si je lui proposais qu’on se contente de dormir collés? Ah non, ça, ce n’est pas bon du tout. Elle va penser que je veux sortir avec elle et que je préfère ne pas brusquer les choses. Est-ce que j’aimerais sortir avec elle? Je ne la connais pas encore, mais elle est sympa et plutôt jolie.

«Il faut bien l’avouer: la vie de couple me manque. Quel bonheur de prendre son temps le dimanche matin, de flâner au lit, de chercher les pieds de l’autre sous la couette, de se partager les différentes sections du journal et de jouer à « roche, papier, ciseaux » pour déterminer lequel des deux ira refaire du café…

«Et moi, je suis pas mal, non? Ai-je l’air d’un gars qui n’en vaut pas la peine? Pourquoi ne me voudrait-elle que pour une nuit? Non, plus j’y pense, plus la perspective de me faire jeter dehors demain matin, sans même un café, me déplaît. Je suis célibataire, mais j’ai de l’orgueil!

«Bon, allez, elle me regarde avec un grand sourire, je dois répondre quelque chose.»

– C’est gentil, mais, euh… je travaille très tôt demain.

 

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