Julie a 40 ans. Malgré quelques hommes de passage dans sa vie, elle est célibataire depuis toujours. « Je suis loin d’être une vieille fille!, se défend-elle. Je n’ai seulement pas encore rencontré la bonne personne pour fonder une famille. J’ai des neveux et nièces de 25-26 ans que je considère comme des amis. Pour eux, je suis la tante cool qui consomme beaucoup de culture et qui les sort en ville! »

« La notion de vieille fille n’existe effectivement plus, confirme la sociologue Denyse Côté, professeure titulaire de l’Université du Québec en Outaouais et directrice de l’OREGAND, un observatoire sur le développement régional et l’analyse différenciée selon les sexes. On était vieilles filles par rapport aux normes sociales qui prévalaient avant la Révolution tranquille, où les femmes devaient être mariées à 25 ans. Or, la notion de mariage n’existe plus. Et quand on pense à toute la question de la dépendance des jeunes adultes envers leurs parents, 25 ans c’est encore très jeune! »

Francine aussi refuse l’étiquette de vieille fille. « J’ai 38 ans. Comme je n’ai pas encore de famille, je vis dans un petit appartement. Je n’ai pas de voiture, pas d’hypothèque et aucune des responsabilités qui incombent généralement aux femmes de mon âge. Je suis totalement libre de faire ce que je veux! Je suis seule, mais je ne suis pas une vieille fille. J’ai du vécu, des opinions et bien des petites aventures salées à raconter à mes amies! »

« À l’époque des vieilles filles, toute la question du célibat était liée à la virginité, explique Denyse Côté. Il était alors impensable d’avoir une relation sexuelle à l’extérieur du mariage. Aujourd’hui, on ne présume pas qu’une célibataire de 40 ans n’a pas eu d’expériences sexuelles. Les célibataires endurcies d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec les vieilles filles d’antan », ajoute-t-elle.

Pour Catherine, 39 ans, le célibat est plutôt synonyme d’autonomie et de liberté. « J’ai voyagé seule jusqu’à l’âge de 33 ans. Par la suite, j’ai toujours eu quelqu’un de disponible et qui avait envie du même type de voyage que moi. Une fois par an, je pars donc une semaine avec une copine dans une grande ville ou pour un « tout inclus ». Mais pour les voyages plus flyés ou plus chers, comme un safari-photo au Kenya ou le Grand Canyon, c’est pratiquement impossible de trouver une personne pour m’accompagner. »

« L’amitié entre femmes est sortie des cuisines, constate Denyse Côté. Les femmes célibataires font des projets de retraite communs, des sorties et des voyages. Elles sont autonomes et ont accès à des revenus. Elles gardent la forme et font des sports ensemble. Nous sommes loin des vieilles filles ostracisées et isolées d’autrefois! Sans mari, les femmes étaient des êtres humains incomplets et devaient se dédier à quelque chose : aux enfants, en devenant enseignante, à leurs vieux parents ou à Dieu, en entrant au couvent. »

Des femmes bien entourées

Les célibataires ne souffrent peut-être plus d’isolement, mais au quotidien la solitude les guette toujours. « Je m’accompagne assez bien moi-même, lance Catherine. C’est certain qu’il m’arrive de m’ennuyer. Des soirs ou des samedis après-midi où j’aurais envie d’avoir de la compagnie pour discuter, mais jamais assez pour appeler une copine. Je n’ose pas trop déranger. Alors, j’ouvre un livre et je me sers une coupe de vin. »

Mon célibat a évolué avec le temps, reconnaît Julie. J’ai maintenant un réseau d’amis de couple sans enfants et de femmes célibataires avec qui sortir. J’ai progressivement arrêté d’appeler mes amies qui ont des enfants pour faire des activités. Je sais qu’elles doivent négocier un peu plus avec leur conjoint pour sortir, aménager l’horaire pour qu’on se voie quand les enfants sont couchés ou trouver une gardienne.

Francine avoue que son métier d’éducatrice rend ses amies parfaitement à l’aise pour parler de leurs enfants ou les trimbaler avec elle lors des sorties. « Elles recherchent même mon opinion et mes conseils lorsqu’elles vivent des difficultés. »

Julie ne s’en cache pas, certaines conversations l’ennuient. « Je ne peux pas partager mes histoires de grossesse, de post-partum, d’allaitement, mes difficultés de couple, mes idées de lunch pour mes enfants ou les rénovations de ma maison. Alors, si j’ai la chance de changer de groupe de discussion pendant une soirée, je n’hésite pas une seconde », confie-t-elle avec humour.

Prêtes à faire des rencontres

Ces célibataires endurcies rêvent-elles encore au prince charmant? « Pourquoi pas?, répond spontanément Francine. Ma définition du prince s’est peut-être assouplie au fil des ans, mais j’espère toujours rencontrer quelqu’un et avoir ma petite famille. »

Julie l’admet, son horloge biologique lui joue des tours. À 40 ans, elle sent une urgence de vivre une relation sérieuse avec un homme. « Mais pas à n’importe quel prix! Je désire un enfant avec un homme qui serait mon complice. Je veux trouver ma place dans mon couple, tout en préservant une certaine indépendance. Ce n’est pas simple! »

Nos trois célibataires s’entendent toutes sur un point : il ne faut pas se fier sur les amies pour rencontrer quelqu’un. « Ça fait tellement longtemps que je suis célibataire que mon entourage s’est habitué et ne pose plus de questions. Personne ne me prend en pitié. On croit même que je n’ai besoin de personne », s’étonne Catherine.

Et les regrets? « Je ne suis pas dans la situation où je me projetais à 20 ans! Mais on a toutes des deuils à faire et nos insatisfactions par rapport à notre vie rêvée », conclut Julie.