Je suis clown depuis 14 ans. Mon métier me passionne et c’est grâce à lui que j’ai rencontré l’homme de ma vie! C’était en octobre 2001, au cours d’un évènement promotionnel. Déguisée en clown et juchée sur mes échasses, je me déplaçais dans la foule et, quand j’en avais l’occasion, je me présentais aux autres artistes de la compagnie.

J’ai alors aperçu un collègue déguisé en «lapin magicien». Son costume m’a intriguée, mais c’est surtout son regard qui a capté mon attention. Je me suis présentée à lui et, du haut de mes échasses, j’ai commencé à lui parler de tout et de rien.

Lui se contentait d’émettre des petits sons en faisant gesticuler une marionnette qu’il tenait à la main, ce qui ne m’a pas étonnée sur le coup, puisque la plupart des mascottes restent muettes. Étant de nature extravertie, j’ai continué mon monologue pendant une quinzaine de minutes. Il faut dire qu’il semblait vraiment intéressé par ce que je disais: ses yeux pétillaient et il me regardait comme si j’étais une star! J’ai su par la suite qu’il avait été bien impressionné par ce clown sur des échasses qui n’avait pas la langue dans sa poche…

Quelques heures plus tard, alors que je retirais mon accoutrement dans la loge, je l’ai de nouveau aperçu, cette fois sans son costume. Je suis allée lui parler, mais je n’ai pas reçu plus de réponse que la première fois. Je me demandais sérieusement ce qui clochait avec ce gars- là, quand une autre mascotte m’a lancé: «Tu perds ton temps, il ne comprend pas le français!» J’ai pensé qu’il s’était bien moqué de moi en me laissant parler seule pendant tout ce temps.

 

Je l’ai revu deux mois plus tard, pendant les répétitions d’un spectacle au Centre Bell. Je ne l’ai pas reconnu du premier coup, mais lui m’a remarquée tout de suite. Il a demandé à un membre de l’équipe de me dire qu’il était le lapin-magicien.

Il était anglophone, et les seuls mots que je connaissais en anglais étaient yes, no, toaster et parking! Pour dialoguer, nous avons demandé aux autres de nous servir d’interprètes; nous avons aussi essayé de nous comprendre par des gestes ou le regard… À vrai dire, nous nous dévorions littéralement des yeux. C’était le coup de foudre! En quelques jours, nous sommes devenus très proches. Nous apprenions les chorégraphies et nous mangions ensemble. Nos mains s’effleuraient sans cesse, et, quand j’étais sur mes échasses, il m’aidait à rester en équilibre en me tenant les jambes. En fait, nous communiquions grâce à nos corps. Nous n’avions pas besoin de parler: nous nous comprenions, c’est tout!

Après quatre jours de flirt, Adam m’a dit: «Ferme tes yeux, j’ai un cadeau pour toi!» J’ai été très étonnée, puisque je ne l’avais jamais entendu prononcer un mot dans ma langue. Quand j’ai ouvert les yeux, il a fait apparaître un ours en peluche, un dictionnaire anglais-français et deux DVD d’apprentissage du français. J’étais très émue: c’était une vraie déclaration d’amour. De mon côté, j’avoue que je le voyais déjà comme le père de mes enfants… même si je le connaissais depuis peu.

Nous avons été inséparables pendant les 10 jours qui ont suivi, jusqu’à la dernière représentation du spectacle, le 30 décembre. Puis, nous avons passé le réveillon du jour de l’An ensemble.

À l’époque, j’habitais encore chez mes parents, à Sainte-Anne-des-Plaines, et lui demeurait à Ottawa. Pendant les six premiers mois de notre relation, nous avons fait beaucoup de route! Parfois, il me rejoignait après sa journée de travail; il arrivait à 18 h et repartait le lendemain matin à 5 h, juste pour passer un peu de temps avec moi. Ensuite, nous avons emménagé dans un petit chalet à Saint-André-d’Argenteuil, à mi-chemin entre nos villes respectives.

Nous avons travaillé très fort chacun de notre côté pour apprendre la langue de l’autre. Nous avons découvert que nous avions plusieurs points en commun, mais que c’était notre passion pour les clowns qui nous unissait vraiment. Il avait commencé sa carrière seulement quelques mois auparavant, tandis que moi, je faisais ce travail depuis environ six ans. Dans les premiers temps, je l’ai un peu guidé, je lui ai donné le goût de monter sur des échasses et je l’ai aidé à étoffer son personnage.

Deux ans après notre rencontre, nous étions de retour sur les lieux où nous étions tombés amoureux, le Centre Bell, pour prendre part au Super Cirque des Fêtes. À la fin de notre numéro, la douzaine de clowns qui dansaient dans les estrades devaient se retrouver sur la piste pour saluer le public puis, une fois les lumières éteintes, partir dans les coulisses.

Le soir de la dernière représentation, les lumières sont restées allumées. J’étais en train de me diriger vers la sortie quand j’ai réalisé que les autres clowns s’étaient assis autour de la piste. Comme il arrive fréquemment qu’on profite du dernier show pour jouer des tours à l’équipe technique, j’ai pensé que mes collègues avaient imaginé une nouvelle finale et qu’ils avaient tout simplement oublié de m’avertir. Je suis donc allée les rejoindre.

Le maître de piste a pris le micro et a annoncé à l’assistance qu’un membre de son équipe lui avait fait une demande spéciale. Il a conseillé aux spectateurs de rester attentifs, parce qu’ils allaient être témoins d’un évènement unique. À cet instant, Adam s’est levé… et j’ai compris qu’il s’apprêtait à me demander en mariage devant 12 000 personnes!

Je ne suis pas une fille gênée, mais j’avoue que toute cette attention était assez intimidante. Adam a commencé par se présenter en français. Il comptait prononcer tout son discours dans cette langue, mais finalement, à cause de la nervosité, il a poursuivi en anglais. Il a expliqué au public qu’il m’avait rencontrée ici, exactement deux ans auparavant, que nous vivions une belle histoire d’amour depuis et qu’il avait envie de poursuivre celle-ci en me demandant de l’épouser. Il m’a alors regardée en disant: «Can I ask you something?» Puis il s’est mis à genoux et m’a montré la bague. Il y a eu un grand silence dans la foule. Et j’ai dit: «Oui!»

Comme le public, perplexe, croyait qu’il s’agissait d’une mise en scène, le maître de piste a pris la parole: «Mesdames et messieurs, vous venez d’assister à une authentique demande en mariage de clowns!» Les gens se sont alors mis à crier et à applaudir, et les lumières ont commencé à clignoter. Adam et moi nous sommes embrassés. C’était très romantique. J’étais au comble du bonheur.

Aujourd’hui, huit ans plus tard, nous avons deux fils, âgés de trois ans et de un an. Il y a cinq ans, nous avons créé notre propre compagnie d’animation. L’année dernière, nous nous sommes rendus jusqu’en Chine pour participer à un carnaval de clowns. Chaque été, à bord d’un motorisé très coloré, nous parcourons le Canada avec nos enfants. Le plus vieux a l’énergie et le potentiel d’un futur clown! Il aime se costumer, ce qui provoque souvent des rires.

Je ne crois pas qu’il y ait de meilleur métier que le nôtre dans le monde: nous sommes là pour divertir les gens et mettre un peu de légèreté dans leur vie. Les affaires vont bon train, notre famille s’épanouit, et notre amour est plus fort que jamais.

Pourtant, nous ne sommes toujours pas mariés. Nous sommes pas mal occupés… et la demande en mariage a été si spectaculaire que nos noces devront être au moins aussi éblouissantes. Je dis souvent à Adam, pour le taquiner, que je n’ai pas eu le choix d’accepter de l’épouser puisqu’il y avait 12 000 témoins.

Dire que tout a commencé par un clown sur des échasses et un magicien qui ne se comprenaient pas!

Vous vivez une histoire particulière et aimeriez la partager avec nos lectrices? Un journaliste recueillera votre témoignage. Écrivez à Kenza Bennis, ELLE QUÉBEC, 2001, rue University, bureau 900, Montréal (Québec) H3A 2A6. Courriel: [email protected].

 

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