À 28 ans, après avoir englouti des heures à surfer sur les sites de rencontre, multiplié les soirées dans les bars et vécu sa part de désespérantes blind dates, Anne-Marie a rencontré l’homme parfait… au club vidéo de son quartier! «On aimait tous les deux les films des frères Coen», dit-elle en riant. Doux et attentif, Mathieu aimait la cuisine, la musique, le plein air. Son boulot de graphiste à la pige lui laissait tout le temps voulu pour concocter des repas en amoureux avec sa douce.

La nouvelle flamme d’Anne-Marie s’est avérée… un pétard mouillé. «J’avais beau me répéter que c’était un bon gars, ça ne “cliquait” pas», raconte la rédactrice publicitaire, qui vient de fêter son 31e anniversaire. «Nos amours étaient tièdes, au mieux.» La relation a reçu son coup de grâce quand Anne-Marie a fait la connaissance de Jean-Hugues, un avocat ambitieux qui n’avait pas froid aux yeux. Il ne cuisinait pas, travaillait comme un forcené et aimait se défoncer au squash, un sport qu’Anne- Marie ne pratique pas. «J’étais complètement gaga. Je me suis dit que, finalement, je n’avais pas besoin d’un homme comme confident. J’ai des copines pour ça. Et louer un film au club vidéo tous les vendredis soirs, ça m’ennuie. Je l’avoue, avec un peu de gêne: je préfère voir mon chum moins souvent, mais qu’il m’invite à Paris de temps en temps.»

Son nouvel Adonis ne gagnait pas «tant» d’argent à l’époque, mais il avait «le potentiel», dit Anne-Marie.
Elle a eu du pif, car l’an dernier, Jean-Hugues a été promu associé. Les week-ends à Paris et à New York ont suivi. Les deux tourtereaux prévoient se marier le printemps prochain.

LA FAUTE À L’ÉVOLUTION

Quelle sale arriviste ferait un choix pareil? La majorité d’entre nous, à en croire la psychologue et journaliste montréalaise Susan Pinker. Dans son récent bouquin, The Sexual Paradox (la version française Le sexe fort n’est pas celui qu’on croit, aux Éditions Transcontinental),elle soutient que les femmes, quels que soient leur statut social, leur origine et leur salaire, préfèrent les hommes ambitieux, compétitifs, qui réussissent leur vie professionnelle. En deux mots: le pourvoyeur classique. Il n’y a pas de quoi se sentir embarrassée, assure l’auteure. «Cette attirance est ancrée dans nos gènes», ditelle. Il en irait même de la survie de l’espèce humaine. Lorsqu’on tombe sur un mâle avec lequel on est susceptible de se reproduire, notre cerveau nous envoie des signaux: notre cœur bat plus vite, on est euphorique, on fait une fixation sur le nouveau chéri…

–l’amour, quoi! Cependant, notre matière grise ne se contente pas de n’importe quel copulateur. Elle s’enflamme pour les hommes féconds en ressources; des hommes sur qui on peut compter.

 

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«Depuis le début de l’évolution, la gent masculine a pu répondre à son instinct de reproduction en répandant sa semence à droite et à gauche», explique David Buss, professeur de psychologie à l’université du Texas et auteur du livre à succès Les stratégies de l’amour: comment hommes et femmes se trouvent, s’aiment et se quittent depuis 4 millions d’années (InterÉditions). «Les femmes, elles, ont toujours eu à s’investir davantage, physiquement et psychologiquement, dans la reproduction de la race humaine. Elles ne pouvaient choisir à la légère un partenaire amoureux.»

Nos ancêtres féminines qui mettaient le grappin sur un chasseur robuste et fiable pouvaient compter sur une aide inestimable durant les années suivant la conception de leur enfant. À l’inverse, celles qui choisissaient des hommes frêles se retrouvaient souvent seules pour élever leur progéniture. «Leur enfant avait moins de chances de survivre», déclare David Buss.

 

FAUCHÉS S’ABSTENIR
D’accord pour la préhistoire. Cependant, a-t-on encore vraiment besoin de recourir à ces froids calculs en 2009, alors que les femmes gagnent fréquemment leur pécule aussi bien que les hommes? «La préférence pour les hommes pourvoyeurs s’est ancrée dans la biologie du cerveau féminin à la suite de millions d’années d’évolution, répond David Buss. Elle mettra probablement des millions d’années avant de s’effacer.»

Pour appuyer ses théories, ce chercheur a interviewé des centaines d’hommes et de femmes qui étaient à la recherche de l’âme soeur et examiné des milliers de petites annonces placées dans les journaux ou sur des sites de rencontre. Sa conclusion: parmi leurs critères de sélection, les femmes indiquent la réussite sociale et les ressources financières 11 fois plus souvent que le font les hommes. Même les femmes médecins, avocates ou qui pratiquent un autre métier très bien rémunéré cherchent souvent des hommes qui gagnent plus d’argent qu’elles.

Dans son livre, Susan Pinker se réfère à une étude dans laquelle deux anthropologues américains ont présenté à des femmes des photos d’hommes vêtus d’un uniforme des restaurants Burger King. Aucune ne voulait sortir, aller au lit ou se marier avec les types qu’elles voyaient sur ces photos.

Quand on leur a ensuite présenté des photos des mêmes hommes,  cette fois en complet, montre de luxe au poignet, elles ont tenu un discours bien différent.

Ce qui prime, ce n’est pas tant le salaire des hommes que leur ambition et leur réussite, précise Susan Pinker. «Un artiste reconnu, même s’il n’est pas riche, aura du succès en amour. Les femmes aiment les vainqueurs, les hommes qui se distinguent. Si ce n’est pas leur compte en banque qui impressionne, ce peut être leur intelligence, leur verve ou leur savoir-faire dans un domaine particulier.»

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LES QUÉBÉCOISES AUSSI
Vous pensez sans doute que ces recherches ont été menées aux États-Unis et que les Québécoises ne sont pas aussi superficielles. Détrompez-vous. Dana Hamplova, de la Chaire de recherche du Canada en statistiques sociales et changement familial, au département de sociologie de l’Université McGill, s’est plongée dans les données du recensement de 2001 de Statistique Canada. Elle a analysé la situation de 34 000 jeunes couples canadiens, mariés ou vivant en cohabitation.

Les femmes étaient âgées de 25 à 34 ans, et l’écart d’âge entre les partenaires ne dépassait pas 10 ans. La sociologue n’a pas étudié le revenu de chacun des membres du couple, mais son niveau de scolarité, une donnée qui est souvent proportionnelle au salaire.

Dans un peu plus de 50 % des couples mariés, au Québec comme ailleurs au Canada, l’homme et la femme avaient décroché un diplôme équivalent. Ceux qui avaient un 5e secondaire, par exemple, avaient épousé un partenaire ayant le même degré de scolarité qu’eux. Même constat chez les diplômés universitaires. «C’est ce qu’on appelle l’homogamie, précise Dana Hamplova. Qui se ressemble s’assemble.»

Dans le cas des époux qui n’avaient pas atteint le même niveau de scolarité, c’était plus souvent l’homme qui avait usé davantage ses culottes sur les bancs de l’école. «Étant donné qu’il s’agissait de jeunes couples, on ne peut pas présumer que les femmes avaient eu plus difficilement accès à l’éducation que leurs conjoints, fait observer Dana Hamplova. On peut penser qu’elles ont simplement préféré un partenaire ayant décroché plus de diplômes qu’elles.»

Fait intéressant: chez les couples vivant en cohabitation, cette tendance était légèrement moins marquée. Les femmes avaient plus fréquemment choisi un homme moins diplômé qu’elles. «Peut-être que ces couples ne s’étaient pas mariés parce que les femmes espéraient encore trouver un meilleur parti, avance la sociologue. Ce serait une explication possible, surtout dans les provinces autres que le Québec, où le mariage est encore très en vogue.»

Les observations recueillies par les gestionnaires du site de rencontre RéseauContact (1,2 million de membres, dont 200 000 sont actifs) confirment l’intérêt des femmes pour des hommes «performants». Selon Martin Aubut, directeur communautés à Espace Canoë-ReseauContact.com, les femmes de plus de 25 ans misent très souvent sur le statut social et la profession. «C’est particulièrement vrai chez celles qui cherchent une relation stable plutôt qu’une aventure.» Marie-Hélène Couture, directrice des communications à l’agence de rencontre Intermezzo, à Outremont, reconnaît que les hommes qui ont réussi leur carrière ont toujours plus de succès que les autres. «Les femmes veulent admirer leur partenaire. Elles souhaitent quelqu’un qui a de la prestance, de l’assurance.»

RECHERCHE TARZAN DÉSESPÉRÉMENT
Rassurez-vous, l’épaisseur du portefeuille et la valeur des diplômes ne sont pas les seuls critères mis de l’avant par les filles en quête d’amour, disent les scientifiques. Les femmes s’intéressent aussi à… l’apparence physique. Décidément, pour les nobles valeurs, on repassera!

L’anthropologue Helen Fisher, qui a fait carrière au American Museum of Natural History de New York avant de devenir professeure à l’université Rutgers, s’est penchée sur les caractéristiques physiologiques qui attirent les femmes, souvent à leur insu. «Le cerveau féminin est allumé par les hommes aux épaules et au torse larges, dit-elle. Historiquement, ces attributs étaient très utiles lorsque venait le temps de trouver de la viande ou de tenir les lions à l’écart.»

Une mâchoire forte et des pommettes saillantes seraient aussi des atouts, selon l’anthropologue. Elles seraient le signe d’une santé physique hors du commun. «La testostérone est une hormone nécessaire à la croissance des os, dit-elle. Or, de hautes concentrations de cette hormone affaiblissent le système immunitaire. Par conséquent, seuls les hommes dotés d’un système immunitaire et d’une santé exceptionnels ont pu arriver, durant la période de l’adolescence, à sécréter les concentrations de testostérone nécessaires à la saillie des os du visage.»

Marie-Hélène Couture, de l’agence Intermezzo, confirme cette loi impitoyable de la séduction: «Nous avons 4 500 membres célibataires. Parmi eux, ceux qui nous disent que l’apparence physique a peu d’importance sont vraiment très rares. Et ça vaut autant pour les hommes que pour les femmes.»

Il n’y a pas que nos yeux qui soient envoûtés par un bon parti. Notre nez l’est aussi. Claus Wedekind, de l’université de Lausanne, a réalisé une expérience pour le moins étonnante auprès de 49 étudiantes universitaires. Chacune d’elles devait renifler une série de t-shirts imprégnés de sueur, qui avaient été portés par des hommes différents. Le chercheur leur a demandé de choisir le t-shirt dont l’odeur était la plus agréable et celui dont l’odeur était la plus repoussante. Instinctivement, elles ont préféré les t-shirts qui avaient été portés par des hommes dont le profil génétique était différent du leur… tout en étant compatible avec lui. En d’autres termes, leur cerveau, à leur insu, avait été attiré par les mâles avec lesquels elles avaient le plus de chances de se reproduire et avec lesquels elles couraient le moins de risques de faire une fausse couche.

 

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INNÉ OU ACQUIS?

Ainsi, la science aurait percé les secrets de notre coeur… Pas si vite. La sociobiologie, cette discipline qui soutient que les comportements sociaux sont dictés par la biologie, n’a pas que des adeptes, loin de là. Marnina Gonick, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’identité sexuelle et les pratiques sociales, à l’Université Mount Saint Vincent, à Halifax, refuse de qualifier la sociobiologie de science: «À ce que je sache, on n’a jamais identifié un seul gène capable d’expliquer, même en partie, un comportement social.»

Pour cette sociologue, ce sont avant tout notre éducation et les circonstances de la vie qui nous dictent quel partenaire choisir. Les femmes, croit-elle, cherchent des hommes qui partagent leurs valeurs, leurs aspirations. Des hommes qui les complètent. Si certaines d’entre elles sont attirées par le succès, l’argent ou la beauté physique, c’est simplement parce qu’elles ont appris à valoriser ces attributs au contact de leurs parents, de leurs amis ou même des médias.

Susan Pinker connaît bien ce type de discours. «Certaines féministes préfèrent croire que les hommes et les femmes sont égaux en tout. Ça les heurte de penser que, après tout le progrès que nous avons accompli pour la revendication de nos droits, nous en soyons encore là. Mais il y a des différences profondes entre nos comportements et ceux des hommes. On ne peut pas les ignorer.» Bien sûr, admet-elle, il n’y a pas que la biologie qui joue lorsque vient le moment de choisir un compagnon.

À preuve, il existe énormément de variabilité entre les critères de sélection mis de l’avant par les femmes. Celles-ci ne sont pas toutes séduites par un propriétaire de Mercedes. «C’est certain que l’éducation et l’environnement ont aussi une influence, poursuit Susan Pinker. Il reste que  nos gènes et nos hormones jouent un rôle plus important qu’on aimerait le croire.»

UNE CHARTE AMOUREUSE

L’anthropologue Helen Fisher est d’accord avec Susan Pinker: la biologie se combine à des facteurs sociaux lorsqu’il est question d’amour. «Nous ne sommes pas que des marionnettes suspendues à un fil d’ADN, après tout.» Dans son livre Pourquoi nous aimons? (Robert Laffont), elle expose une série de facteurs susceptibles d’influencer le tissage de notre «charte amoureuse» – soit une liste de critères inconscients qui agissent sur nous au moment de choisir notre partenaire amoureux: nos passe-temps, notre éducation religieuse, nos rêves, etc. Ces critères occupent une place sur l’échiquier, côte à côte avec nos gènes.

«Ces chartes sont complexes, souligne l’anthropologue. Et elles sont uniques. Deux jumelles identiques, élevées au sein d’une même famille, ne choisiront pas forcément le même type de partenaire.» Selon cette anthropologue, à notre charte individuelle s’ajoutent des critères purement rationnels. «Si vous rencontrez un homme extrêmement séduisant chez des amis mais qu’il habite en Australie, alors que vous êtes sur le point d’entrer dans une école de médecine de Boston, votre charte amoureuse risque d’être reléguée à l’arrière-plan. Vous allez probablement passer au candidat suivant.»

Jocelyne Bounader, psychologue et spécialiste des relations conjugales, croit aussi que les critères mis de l’avant dans le choix d’un amoureux sont complexes. Selon elle, il ne faut surtout pas sous-estimer l’influence des parents: «Bien des jeunes femmes ont eu pour modèle un père qui gagnait plus d’argent que leur mère. Inconsciemment, certaines d’entre elles cherchent peut-être à reproduire cette dynamique.» À son avis, les choses commencent à changer… tout doucement.

Elle voit un nombre croissant de couples dans lesquels les femmes gagnent davantage que leur conjoint. «Évidemment, chez ceux qui viennent me consulter, ce n’est pas l’harmonie. Toutefois, il y a beaucoup d’autres couples pour lesquels ça marche très bien.» Elle ne doute pas que la biologie ait son influence, mais l’éducation n’a pas encore dit son dernier mot, croit-elle.

Au fur et à mesure que les nouveaux modèles de couple émergeront, le mâle pourvoyeur pourrait perdre des plumes. «On verra bien, d’ici une génération ou deux.» 

 

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L’AVENTURE, C’EST L’AVENTURE

Vous souhaitez une relation sérieuse? une aventure? D’une conquête à l’autre, vos critères de sélection sont susceptibles de varier. Martin Aubut, directeur chez ReseauContact.com, a remarqué que les femmes de 25 à 44 ans qui rêvent d’une relation à long terme accordent plus d’importance au statut social et professionnel des candidats que celles qui veulent vivre une aventure. «Ces dernières ont toutefois des attentes plus élevées en ce qui concerne l’apparence physique», précise-t-il.

David Buss, professeur de psychologie à l’université du Texas, s’est aussi intéressé à la variation des critères de sélection selon le type de relation voulue. Il a distribué des questionnaires à des étudiantes universitaires. Les réponses qu’il a obtenues lui ont appris que les jeunes femmes en quête d’aventures appréciaient particulièrement les hommes dépensiers qui leur faisaient de généreux cadeaux. «Celles qui désirent une relation à long terme préfèrent un homme qui gère son argent de manière moins désinvolte», souligne-t-il.

De façon générale, les femmes interrogées ne révisaient pas leurs critères à la baisse lorsqu’elles cherchaient une liaison passagère, alors que les hommes, eux, les relâchaient carrément. Pour une aventure, les universitaires masculins interviewés par David Buss étaient prêts à jeter leur dévolu sur des femmes moins intelligentes, moins athlétiques, moins cultivées, moins loyales, moins stables et moins drôles…

Ils étaient également prêts à fermer les yeux sur l’âge des candidates. «L’important, c’est d’avoir accès à des partenaires sexuelles variées», conclut le psychologue. Qui a dit que les découvertes scientifiques étaient nécessairement étonnantes?

 

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